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Présidentielle 2007

Le phénomène Bayrou

Le candidat centriste François Bayrou devant le Parlement européen à Bruxelles, le 8 mars 2007. 

		(Photo: Reuters)
Le candidat centriste François Bayrou devant le Parlement européen à Bruxelles, le 8 mars 2007.
(Photo: Reuters)
François Bayrou, candidat de l’UDF, a enregistré depuis bientôt une semaine une progression spectaculaire d’intentions de vote, selon plusieurs instituts de sondages. Ces scores inquiètent les états-majors des deux candidats favoris : Nicolas Sarkozy, à droite, et Ségolène Royal, à gauche. Pour la première fois, selon ces enquêtes, Bayrou pourrait même battre Sarkozy au second tour, le 6 mai, et se faire élire président de la République. Mais les sondages montrent, également, que l’électorat français n’a jamais été aussi «volatile».

En avril 2002, lors du premier tour de l’élection présidentielle, François Bayrou obtenait 6,8% des suffrages, arrivant ainsi en quatrième position, derrière Chirac, Le Pen et Jospin. Cinq ans après cette élection, qui avait bouleversé profondément la vie politique française, François Bayrou est devenu, incontestablement, le «troisième homme», à en croire les derniers sondages. En effet, selon une enquête de l’institut CSA, dont les résultats ont été publiés jeudi  par le quotidien le Parisien / Aujourd’hui en France et par i-Télé, François Bayrou a atteint 24% d’intentions de vote, se plaçant ainsi à coté du candidat de l’UMP, Nicolas Sarkozy et de la candidate socialiste Ségolène Royal, qui obtiendraient, respectivement, 26% et 25% des suffrages si les élections se tenaient ce-jour. Toutefois, une autre enquête, commandée cette fois par la presse régionale à BVA, crédite François Bayrou de 21% d’intentions de vote, à huit points de Sarkozy et à trois points de Royal.

En tout état de cause, Bayrou a réussi à dépasser le leader d’extrême-droite Jean-Marie Le Pen, lequel n’obtiendrait que 14% de voix, dans la meilleure des hypothèses, selon CSA, devenant ainsi le « quatrième homme». Or, en 2002, le candidat du Front national avait réussi à arriver au second tour, après avoir devancé le candidat socialiste Lionel Jospin, pour être battu au second tour par Jacques Chirac qui inaugurait ainsi son deuxième mandat. Il n’est pas étonnant que François Bayrou soit sévèrement critiqué par les proches de Le Pen, lequel redeviendrait ainsi à une position d’outsider en termes d’intentions de vote.  

Le «troisième homme» se prépare au second tour

Mais les critiques ont également monté en puissance du côté des amis de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal, car la hausse de la popularité de François Bayrou semble résulter de la baisse arithmétique des autres candidats. En effet, le dernier sondage publié par le Parisien montre que le candidat centriste a pu gagner sept points, par rapport à l’étude précédente publiée le 28 février, tandis que Sarkozy et Royal perdaient, respectivement, 3% et 4%. Les gains de Bayrou sont l’addition exacte des pertes des deux autres candidats, selon cette étude. Et, pour la première fois, François Bayrou est donné gagnant, en cas de duel au second tour contre Nicolas Sarkozy. Il pourrait ainsi battre le candidat de droite par 55% des voix contre 45%, selon le sondage BVA. En revanche, les différentes études signalent que Sarkozy battrait la candidate socialiste, par 53% contre 47%, au second tour.

En visite à Bruxelles, François Bayrou s’est déclaré très satisfait de l’évolution de l’électorat en sa faveur, selon les derniers sondages. «C’est un changement très fort, très impressionnant, qui est très heureux à vivre pourvu qu’on garde les pieds sur terre et les yeux dans les yeux», a déclaré le candidat centriste soulignant qu’il aura besoin d’une «défense assez solide, pour résister à toutes les attaques de toute nature». Le candidat de l’UDF a publié ce jeudi un livre, Projet d’espoir, contenant la plupart de ses propositions électorales.

Dans son livre, le député béarnais réaffirme ses racines paysannes et déclare qu’il veut devenir un président «rassembleur et impartial». Il s’affirme comme étant un ferme partisan de la «démocratie sociale», tout en prônant une réforme du Parlement et, surtout, la réduction de la dette. Selon François Bayrou,  «la question de la dette est un déshonneur pour les générations de responsables qui ont été au pouvoir depuis vingt-cinq ans». Pourtant, le ministre de l’Economie Thierry Breton affirme que le programme du candidat UDF ne permet «nullement de réduire la dette», car les mesures annoncées par Bayrou ne vont pas «créer de la croissance».

Inquiétudes à droite et à gauche

La candidature de Bayrou suscite aussi naturellement des critiques à gauche, où l’on souligne que le candidat de l’UDF a été ministre de l’Education nationale de 1993 à 1997. A ce propos, l’ancien Premier ministre socialiste, Laurent Fabius, a appelé jeudi à «démystifier l’opération Bayrou», qu’il a qualifié d’ «homme de droite, qui a appartenu à des gouvernements de droite». Pourtant, le journal Le Monde affirme que le camp sarkozyste est inquiet de la remontée de Bayrou et de l’hypothèse de l’élimination de Ségolène Royal au premier tour.

Cette hypothèse est également prise au sérieux par les responsables socialistes qui craignent une répétition du «cauchemar» de 2002, quand Lionel Jospin a été éliminé au premier tour. Néanmoins, les instituts de sondage soulignent que l’électorat est très volatil. Près de la moitié des électeurs sont indécis, à un moment où les clivages gauche-droite semblent être en train de s’effriter. Le candidat centriste se déclare même favorable à la formation d’un gouvernement réunissant des personnalités des deux bords. Il s’agirait d’une véritable révolution dans les traditions politiques nationales.  

Nicolas Sarkozy a reçu jeudi un important soutien, en la personne de l’ancienne ministre de la Justice Simone Veil, une des personnalités préférées de l’opinion publique française, rescapée des camps de concentration nazis. Simone Veil, qui est à l’origine de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, en 1974, s’est montré particulièrement critique envers son ancien compagnon de route François Bayrou : «il ne représente pas du tout le centre. Il ne représente que lui-même». Le débat promet de se développer, tandis que le président Jacques Chirac va s’adresser aux Français dimanche. Dans cette déclaration, le chef de l’Etat devrait annoncer qu’il renonce à briguer un troisième mandat, après 12 ans à l’Elysée et manifester son éventuel soutien à Nicolas Sarkozy.



par Antonio  Garcia

Article publié le 08/03/2007 Dernière mise à jour le 08/03/2007 à 18:53 TU