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Présidentielle 2007

Sarkozy sur le devant de la scène européenne

Dès dimanche, au soir de sa victoire, le nouveau président français, en annonçant le «retour» de la France en Europe, a marqué sa volonté d’œuvrer rapidement à résoudre les problèmes institutionnels de l’Union européenne (UE). Celle-ci est en crise depuis le rejet, par les électeurs français puis néerlandais, du Traité constitutionnel censé faciliter les prises de décisions dans une Europe élargie, désormais, à 27 membres. Parmi les propositions énoncées par Nicolas Sarkozy, un «traité simplifié» et une présidence européenne stable. Sur la question de la Turquie, le futur chef de l’Etat s’est toujours montré hostile à son entrée dans l’Union.

Angela Merkel et Nicolas Sarkozy à Berlin, le 12 février 2007. Les deux responsables devraient se retrouver prochainement dans la capitale allemande. 

		(Photo : AFP)
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy à Berlin, le 12 février 2007. Les deux responsables devraient se retrouver prochainement dans la capitale allemande.
(Photo : AFP)

Fidèle à son image volontariste, Nicolas Sarkozy ne devrait pas tarder pas à joindre le geste à la parole. Ayant plusieurs fois exprimé, s’il était élu, sa détermination à agir pour sortir l’Europe de l’impasse, ses premiers déplacements à l’étranger seront consacrés aux moyens de relancer le fonctionnement d’une Union européenne bloquée, depuis 2005, par les «non» français et néerlandais au référendum sur le projet de Constitution européenne.

François Fillon, conseiller politique et possible Premier ministre du futur chef de l’Etat, a annoncé dès dimanche, au soir de la victoire de Nicolas Sarkozy, que le délicat dossier européen figurerait en tête de l’agenda diplomatique présidentiel. «Dans les premiers jours de son installation, après que le gouvernement sera en place, Nicolas Sarkozy se rendra à Bruxelles et en Allemagne, comme son [premier] discours l'indiquait, pour faire une proposition de relance du processus de construction européenne», a déclaré François Fillon.

Un peu plus tôt, en effet, Nicolas Sarkozy s’exprimait devant ses partisans, réunis salle Gaveau, à Paris. «Ce soir, la France est de retour en Europe !», a déclaré le président élu, assurant aux partenaires européens qu'il croyait «profondément» et «sincèrement dans la construction européenne». Toutefois, il a également «conjuré» les mêmes partenaires «d'entendre la voix des peuples qui veulent être protégés» et «de ne pas rester sourds à la colère des peuples qui perçoivent l'Union européenne non comme une protection, mais comme le cheval de Troie (*) de toutes les menaces».

Un «mini-traité»

Que proposera Nicolas Sarkozy à la chancelière allemande, Angela Merkel, dont le pays préside l’Union jusqu’à la fin du mois de juin, et au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso ? Il l’a maintes fois rappelé au cours de sa longue campagne présidentielle : bien qu’il ait, lui-même, milité en faveur du «oui» en 2005, il n’y a plus, à ses yeux, de Constitution européenne. Le projet a été enterré par le double refus de la France et des Pays-Bas.

A la place, le futur président français suggère, comme d’autres responsables européens, un «mini-traité», ou «traité simplifié». Celui-ci, en France, serait ratifié par la voie parlementaire, jugée plus «sûre» que le référendum. Ce texte, limité aux questions institutionnelles, permettrait, dit-il, de dénouer rapidement la crise européenne. Ainsi, il souhaite revenir sur la règle de l’unanimité, qui permet à un seul pays de bloquer une décision.

Nicolas Sarkozy s’est également dit partisan, à de nombreuses reprises, d’une présidence stable de l’Union, en lieu et place de la présidence tournante actuelle qui veut que, successivement, chaque pays prenne la tête de l’Union pour six mois. Selon lui, cette pérennité donnerait une meilleure «visibilité» à l’UE. Il va même plus loin. Dans une réponse à un collectif européen, rapportée par l’AFP, le futur chef de l’Etat français a déclaré «souscrire pleinement» à la proposition de donner à l’Union européenne un président «élu, à terme, au suffrage universel direct».

«La Turquie n’a pas sa place en Europe»

Comment ces propositions seront-elles accueillies, à Berlin et Bruxelles ? Angela Merkel semble, en tout cas, vouloir aller vite en matière institutionnelle. La chancelière allemande a déclaré souhaiter que les 27 s'engagent, lors de leur sommet des 21 et 22 juin prochains, sur une feuille de route prévoyant des négociations accélérées afin d'arriver à un nouveau texte avant fin 2007, de sorte qu'il puisse entrer en vigueur en 2009. Lundi 7 mai, Angela Merkel, de sensibilité conservatrice comme Nicolas Sarkozy, l’a appelé pour le féliciter : «Nous nous sommes entretenus sur le fait que nous allons poursuivre la coopération franco-allemande, l'intensifier, et j'ai souhaité beaucoup de succès à Nicolas Sarkozy dans sa mission», a-t-elle précisé.

Des propos confirmés par un haut responsable parlementaire de la CDU-CSU, le parti d’Angela Merkel : «Il y a de bonnes chances que l'Allemagne et la France puissent à nouveau jouer un rôle dirigeant en Europe», a-t-il expliqué, précisant qu’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, qui se connaissent bien, «ont une solide relation de confiance mutuelle. Ils peuvent commencer à travailler immédiatement».

Quant au président de la Commission européenne, le Portugais José Manuel Barroso, homme de centre-droit qui se dit «réformateur et anti-étatiste», il a éprouvé, durant la campagne, quelques difficultés à cacher sa préférence pour Nicolas Sarkozy. Il a déclaré avoir «toute confiance en Nicolas Sarkozy (...) pour exercer un rôle moteur dans la résolution de la question institutionnelle et la consolidation de l'Europe politique».

Reste le dossier turc. «La Turquie n’a pas sa place en Europe, et pour une raison simple : c’est qu’elle est située en Asie mineure», a souvent dit le candidat Nicolas Sarkozy. Or, des pourparlers d’adhésion ont déjà été entamés entre l’Union européenne et Ankara. Certes, les discussions sont actuellement gelées, en raison de refus de la Turquie d'ouvrir ses ports et aéroports aux bateaux et aux avions en provenance de Chypre. Mais la position du futur président français ne manquera pas de diviser les partenaires européens, et, notamment, de contrarier la Grande-Bretagne, chef de file des partisans de l’entrée de la Turquie.

En désaccord, sur ce point, avec Nicolas Sarkozy, José Manuel Barroso a d'ailleurs rappelé que les Etats membres de l'UE avaient à l'unanimité, y compris la France, décidé d'ouvrir ces négociations d'adhésion. Et d’ajouter que les pays qui voudraient changer d'avis devraient en «assumer les conséquences». La question turque risque donc de ressurgir prochainement dans le débat européen, même si les négociations d’adhésion sont programmées pour s’étaler sur de longues années.



par Philippe  Quillerier

Article publié le 07/05/2007 Dernière mise à jour le 07/05/2007 à 13:44 TU

(*) Dans la mythologie grecque, les Grecs réussirent, par ruse, à pénétrer dans Troie assiégée grâce à un immense cheval de bois construit pour dissimuler des assaillants. Il fut offert aux Troyens qui acceptèrent l’offrande, précipitant leur perte.