Présidentielle 2007
Chirac : la vie continue
(Photo : Reuters)
Restez unis : s’il n’y avait qu’un message, ce serait celui-là. Jacques Chirac l’a répété à plusieurs reprises durant sa courte allocution. A l’heure de quitter l’Elysée, il a tenu une nouvelle fois à inciter les Français à rester «solidaires» malgré les «différences de conception», «les divergences de vue». Ces paroles correspondent bien au président qu’il a été et qui a toujours essayé de lutter notamment contre le racisme, l’antisémitisme et tous les extrémismes. Un président qui a aussi insisté sur le devoir de mémoire pour réconcilier tous les Français.
Jacques Chirac a donné sa propre définition de la Nation, loin des idéologies : «Une nation, c’est une famille». Un brin de paternalisme, un soupçon de naïveté mais tout de même énormément d’affection. C’est d’ailleurs ce dernier mot qu’il a utilisé pour décrire le «lien» qui l’unit au «plus profond de son cœur» à chacun des Français, avec aussi ceux de «respect» et d’«admiration». Décidément, il a voulu jusqu’au dernier moment rester un homme de la proximité et de l’humanité.
Un message tourné vers l’avenir
Jacques Chirac ne semblait pas ému, comme le paraissait Valéry Giscard d’Estaing en 1981 lorsqu’il s’était livré, lui aussi, à cet exercice difficile des adieux télévisés et avait quitté l’écran à la fin de son discours conclu d’un «au revoir» pincé, laissant une chaise vide. Pas de mine triste ou nostalgique pour Jacques Chirac qui est apparu détendu. Il n’a pas choisi le ton de l’homme qui parle pour entrer dans l’histoire. Son message était avant tout tourné vers l’avenir. S’il a évoqué son bilan et a déclaré qu’il transmettait le pouvoir à Nicolas Sarkozy avec «la fierté du devoir accompli», c’était surtout pour encourager les Français à poursuivre sur «la voix engagée».
Il est vrai qu’il ne laisse pas les clefs de la maison France à un adversaire politique. Même si ses relations avec Nicolas Sarkozy ont parfois été houleuses, ils appartiennent au même camp et ont pris soin, ces derniers mois, d’aplanir leurs différences. Jacques Chirac a d’ailleurs salué la volonté de celui qui va lui succéder «de conduire notre pays plus avant sur les chemins de l’avenir» et a affirmé que tous ses «vœux» l’accompagnait dans «cette mission».
Quarante ans de carrière, mais ce n’est pas fini
Ce message est donc le dernier que Jacques Chirac aura adressé aux Français en tant que président de la République. Il tourne la page sur les douze années à l’Elysée d’un homme qui a consacré sa vie à la politique. La carrière de Jacques Chirac a débuté en 1967, avec sa première élection en Corrèze. Une région dont il est toujours resté très proche, et où son épouse, Bernadette, a elle aussi obtenu un siège de conseillère municipale. Député de Corrèze pendant 30 ans, Jacques Chirac a été ministre entre 1967 et 1974, chef du gouvernement par deux fois (de 1974 à 1976, puis de 1986 à 1988). Il s’est emparé de la mairie de Paris en 1977 et y est demeuré jusqu’en 1995, date de sa première élection à l’Elysée. Il a souvent été décrit comme un homme qui ne renonce jamais, un «fauve politique», plus intéressé par la conquête que par l’exercice du pouvoir. Ce qui peut inciter à penser que son départ de l’Elysée va lui laisser un grand vide, mais aussi qu’il va tout tenter pour faire de cette étape de sa vie un tremplin vers quelque chose de nouveau.
Même s’il est âgé de 74 ans, Jacques Chirac n’a pas le profil à se contenter du destin d’un grand-père tranquille à la retraite. Même si son petit-fils, Martin, lui offre incontestablement de grandes joies. Son allocution confirme son intention de rester dans l’action. Il a déclaré : «Dès demain, je poursuivrai mon engagement dans ces combats pour le dialogue des cultures et pour le développement durable. Je le ferai en apportant mon expérience et ma volonté d’agir pour faire avancer des projets concrets en France et dans le monde».
Jacques Chirac a, en effet, préparé sa reconversion depuis de longs mois et va prendre d’ici l’automne la tête d’une Fondation consacrée à ses deux thèmes. A l’image d’un Bill Clinton, il devrait donc se transformer en ambassadeur de bonne volonté pour aller plaider, aux quatre coins de la planète, en faveur de la défense des pays les plus pauvres et de la diversité culturelle. Finalement, cela ressemble à une retraite sur mesure pour celui qui, en tant que chef de l’Etat, a souvent été jugé plus convaincant sur la scène internationale que nationale.
Des ennuis en perspective ?
Mais sur mesure ou pas, la retraite, c’est la retraite. Et dans le cas de Jacques Chirac, c’est aussi la fin de l’immunité. De ce point de vue, son départ de l’Elysée risque de marquer non seulement la fin d’une époque mais en plus, le début des ennuis. Car il a toujours, au-dessus de sa tête, une épée de Damoclès. Celle des affaires judiciaires dans lesquelles il a été impliqué et pour lesquelles il n’a pu être entendu durant ses deux mandats de chefs de l’Etat.
A partir du 17 juin, soit un mois après la passation de pouvoir à Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac redeviendra un justiciable comme les autres. Il pourra donc être convoqué par les juges de Nanterre qui ont instruit le dossier dans lequel il court le plus de risques, celui des emplois fictifs du RPR présumés rétribués par la mairie de Paris. Une affaire qui a été jugée en 2004 et qui a d’ailleurs valu à Alain Juppé, son ancien Premier ministre, une condamnation à un an d’inéligibilité et 14 mois de prison avec sursis. Mais cela ne protège pas Jacques Chirac car son cas a fait l’objet d’une disjonction, pour permettre aux magistrats en charge de l’entendre après la fin de son mandat. Cette situation est d’autant plus préoccupante pour lui qu’il y a dans le dossier une preuve matérielle qui pourrait montrer son implication : une lettre manuscrite dans laquelle il demandait une promotion pour une employée de la mairie qui travaillait, en fait, pour le parti.
En attendant de savoir si sa vie d’avant va rattraper sa vie d’après, Jacques Chirac va élire domicile dans un appartement du quai Voltaire, face au Musée du Louvre, prêté par la famille du Premier ministre libanais assassiné, Rafic Hariri. Puis il doit, dit-on, partir en vacances au Maroc. Il y a une vie après l’Elysée.
par Valérie Gas
Article publié le 15/05/2007 Dernière mise à jour le 15/05/2007 à 20:02 TU