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Géorgie

Un nouveau gouvernement pas très neuf

par Régis Genté

Article publié le 25/01/2008 Dernière mise à jour le 25/01/2008 à 04:41 TU

Le président Saakachvili avait promis de grands changements dans son équipe dirigeante, suite à sa courte victoire, très contestée par l'opposition unie, lors de la présidentielle anticipée du 5 janvier dernier. Mais, après l'annonce, ce jeudi soir, du nouveau gouvernement, le scepticisme régnait dans la petite République caucasienne quant à ses chances de vraiment répondre aux inquiétudes des 4,5 millions de Géorgiens.

De notre correspondant à Tbilissi,

Le Premier ministre géorgien, Lado Gourguenidze, à Tbilissi le 24 janvier 2008.(Photo : Reuters)

Le Premier ministre géorgien, Lado Gourguenidze, à Tbilissi le 24 janvier 2008.
(Photo : Reuters)

Le président Saakachvili avait pourtant promis du neuf. Le gouvernement à peine annoncé, ce jeudi soir, de Strasbourg où il se trouve, il enfonçait le clou louant les «nouveaux visages» de l'équipe appelée à appliquer la politique plus proche du peuple que le chef de l'Etat a promise dimanche dernier, lors de son investiture. Pourtant, à l'annonce de la liste des nouveaux venus et du jeu de chaises musicales en cours, on ne pouvait que chercher ce qu'il y avait de bien nouveau dans le gouvernement de Lado Gourguenidzé, le Premier ministre, un ex-banquier tout juste débarqué en politique, après sa nomination en novembre dernier.

Quatre ans après la révolution des Roses de novembre 2003, le tombeur d'Edouard Chevardnadzé qu'est Mikhaïl Saakachvili se devait de donner au moins l'impression qu'il saura donner un nouveau souffle à sa politique. S'il vient d'être réélu, lors du vote anticipé du 5 janvier dernier, pour un mandat de cinq ans à la tête de la petite République du Caucase, de 4,5 millions d'habitants, c'est avec un score très faible, 53,47% des suffrages, et sur fond de critiques quant à la régularité d'un scrutin qui aurait très probablement dû le contraindre à un second tour. A tel point que l'opposition, unie pour une fois, a réclamé, jusqu'à l'investiture de dimanche dernier, un second tour. Voilà qui est du plus mauvais effet pour un président qui se veut pro-occidental et résolument démocrate.

Les jeux politiques

Sans doute en raison des jeux politiques au sein du parti présidentiel, le Mouvement national, le chef de l'Etat n'a pu changer radicalement son équipe. Il fallait au moins faire semblant, tant un certain nombre de leaders géorgiens sont honnis de la population, à laquelle ils ont dispensé inlassablement leurs vérités dans un univers médiatique très contrôlé par le pouvoir.

C'est ainsi que certains ministres ont dû abandonner leur portefeuille. C'est le cas de Kakha Bendukidzé, ministre en charge des réformes économiques, ultra libérales. D'autres partent sans  totalement partir, comme Guiorgui Arveladzé, le ministre de l'Economie, très proche du président, qui retourne officiellement dans le monde des affaires après avoir placé une de ses alliées dans son fauteuil, Eka Charachidzé.

D'autres figures détestées des Géorgiens gardent leur siège. Comme les tenants des ministères de forces, David Kezerachvili, le ministre de la Défense, ou Vano Mérabichvili, le ministre de l'Intérieur, responsable de la répression musclée des manifestations de l'opposition en novembre dernier.

«Il est inquiétant que ces ministres gardent leur poste. Ils sont au coeur de la politique non démocratique que conduit Mikhaïl Saakachvili. De même que c'est un signe très négatif que Nika Gvaramia soit nommé ministre de la Justice, alors qu'en tant que vice-procureur général il a été au centre des intrigues politiques de ces derniers mois, qui ont servi à discréditer l'opposition, ou que Eka Tkeshelachvili devienne procureur général, alors que c'est elle, en tant aue ministre de la Justice, qui a couvert les fraudes électorales du 5 janvier», estime Salomé Zourabichvili, une Française d'origine géorgienne qui fut ministre des Affaires étrangères de la République caucasienne de mars 2004 à octobre 2005.

Du pareil au même

L'opposition se dit en effet en rien rassurée par la nomination de ce nouveau gouvernement, alors qu'elle tente d'obtenir des garanties pour que les très importantes élections parlementaires, qui se tiendront en mai prochain, soient équitables. Elle demande notamment à ce que la Commission centrale électorale ne soit plus contrôlée par le pouvoir, que les médias traitent de façon équilibrée la campagne des divers candidats et partis, que l'administration et la police n'apportent pas leur concours au président et à la formation qui le soutient, «en usant d'intimidations»,  comme nous le déclarait dimanche dernier, lors de la manifestation de l'opposition organisée à l'hippodrome de Tbilissi, Ivliane Khaindrava, du Parti républicain.

Le second gouvernement de Lado Gourguenidzé reste au fond du même type que ceux qui se sont succédé depuis 2003. Les leaders des ONG, Organisation non-gouvernementales, qui ont joué un rôle si central lors de la révolution des Roses, demeurent importantes. Ainsi, le politologue Ghia Nodia devient-il ministre de l'Education, poste qu'occupait jusqu'en novembre dernier Kakha Lomaïa, l'ancien directeur de la fondation Soros en Géorgie, jusqu'à la chute d'Edouard Chevardnadzé à laquelle il a fortement contribué. Le Premier ministre justifie entre autres la nomination de M. Nodia par le fait qu'il a tenu à ce que «trois générations» soient représentées dans son gouvernement, la jeunesse et l'inexpérience des ministres du pays après la révolution ayant souvent été critiquées.

Les déçus du remaniement

A la tête de la si complexe diplomatie géorgienne, empêtrée dans des relations plus que froides avec Moscou, que Tbilissi accuse de soutenir en sous main les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, c'est l'ancien ministre en charge de la résolution des conflits, David Bakradzé, qui se trouve promu. Il remplace Guela Bezhouashvili, qui rejoindrait aussi le monde des affaires.

Réel désir de quitter la politique ? Pour M. Bezhouashvili comme pour d'autres, Tbilissi bruisse de rumeurs quant aux déçus de ce remaniement. Mikhaïl Saakachvili expliquait ce jeudi soir combien il avait été difficle de se séparer de certains de ses plus fidèles alliés de la révolution des Roses. Les derniers mois ont prouvé qu'il était dangereux de laisser hors de l'équipe dirigeante certains hommes forts du pays. Il risque donc d'employer les jours qui viennent à tâcher de trouver à chacun un poste qui ne ressemble pas trop à un placard.