Article publié le 05/02/2008 Dernière mise à jour le 05/02/2008 à 01:34 TU
Les festivités du 60ème anniversaire de l'indépendance du Sri Lanka se sont passées dans un climat morose.
(Photo: Reuters)
De notre envoyé spécial à Colombo, Mouhssine Ennaimi
Les grands axes routiers ont été fermés à la circulation et des milliers de policiers et de soldats ont été déployés dans la capitale. En ce jour de fête nationale, Colombo ressemblait plutôt à une ville morte qu'à une grande fête populaire. « D'habitude, c'est une grande manifestation où je vais avec ma famille mais cette année, nous avons décidé de regarder le défilé à la télévision », dit Ruwanti une habitante de la capitale. En bordure d'océan, sur l'artère principale, l'armée de terre, la marine paradent fièrement devant le président. Les tanks et les orgues de Staline roulent au pas et dans le ciel, des hélicoptères et des avions survolent la côte avant que des danseurs folkloriques ne viennent clôturer la cérémonie du 60ème anniversaire de l'indépendance du Sri Lanka, ancienne colonie britannique.
Une vague d'attentats meurtriers
Tôt dans la matinée, les usagers ont reçu un message les informant que les SMS seraient désactivés sur tous les operateurs de téléphone mobile. La vague d'attentats sanglants qui vient d'avoir lieu au cours du week-end précédent est inquiétante et les services de sécurité sont sur les dents. En deux jours deux attaques majeures contre les civils viennent d'avoir lieu. Samedi, un bus a été soufflé par la déflagration d'une bombe à Dambulla dans le centre du pays. A son bord une centaine de personnes. Les blessés sont évacués vers l'hôpital de la ville par rickshaws, les tricycles à moteur que l'on trouve partout en Asie. Les victimes elles, sont désincarcérées des amas de tôle avant d'être déposées dans un pick-up.
Dimanche, la veille du défilé, une femme s'est fait exploser dans la gare centrale de Colombo, pourtant située dans le périmètre de très haute sécurité de la capitale. Parmi les victimes cinq écoliers qui rentraient d'un match de baseball. Lundi, c'est de nouveau un bus de civils qui est la cible d'une mine à fragmentation dans le centre-nord du pays. En trois jours, près d'une cinquantaine de personnes ont perdu la vie. « Ce sont les Tigres tamouls. Il n'y a pas de doute à avoir », dit quasi machinalement le porte-parole de la cellule en charge de la sécurité nationale.
Depuis que le gouvernement s'est retiré de l'accord de cessez-le-feu le 16 janvier dernier, les attaques contre les civils font désormais partie du paysage sri-lankais. « Avant, la trêve évitait que les protagonistes ne s'en prennent aux civils, mais là, nous somme devenus des cibles nous aussi », confie Anurudha, un commerçant de Colombo. « Les Tigres, se vengent de l'attaque perpétrée par l'armée contre un bus d'écoliers tamouls la semaine dernière », renchérit son voisin.
Par mesure de précaution, les écoles seront fermées pendant une semaine. Les autorités craignant de nouvelles attaques. « La situation est devenue dangereuse, vous partez le matin et vous ne savez pas si vous allez rentrer vivant le soir », confie un chauffeur de taxi tout en précisant qu'il est arrêté et fouillé au moins deux fois par jour par les forces de l'ordre. Quant aux ONG, elles préfèrent restreindre leurs mouvements « aux trajets nécessaires ».
Une victoire militaire ?
Les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) qui revendiquent l'indépendance des régions du Nord et de l'Est du Sri Lanka, n'ont fait aucun commentaire. En revanche, le président nationaliste Mahinda Rajapaksa a lui souligné que « le terrorisme est en train de prendre une défaite sans précédent » avant de rappeler que les forces gouvernementales ont éliminé les Tigres tamouls de l'Est et qu'ils vont maintenant s'attaquer aux territoires contrôlés par les rebelles indépendantistes au Nord. Une déclaration qui sonne comme une promesse. Il y a quelques semaines le général en chef des armées s'est dit convaincu que les LTTE seraient battus avant la fin de l'année 2008. Depuis le début de l'année, selon le ministère de la Défense, 908 rebelles auraient été tués contre 37 soldats. « Des chiffres complètement fantaisistes et qui sont invérifiables », commente un diplomate européen en poste à Colombo et qui souhaite conserver l'anonymat.
Depuis la reprise des hostilités, l'économie du pays bat de l'aile. En novembre dernier, l'inflation a atteint près de 25%. D'après les spécialistes, le conflit coûte 1,5 milliards de dollars par an. Les Etats-Unis et l'Angleterre ont suspendu leurs aides. Quant au Japon, le principal donateur avec près des deux tiers du montant global, il se dit sur le point de reconsidérer sa contribution si les violences continuent.