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Irak/Turquie

La Turquie veut en finir avec les rebelles du PKK en Irak

par Frédérique Misslin

Article publié le 27/02/2008 Dernière mise à jour le 27/02/2008 à 17:52 TU

Les autorités turques n’ont pas l’intention de se retirer du nord de l’Irak avant d’avoir éliminé les bases arrière du PKK dans cette région. Plusieurs milliers de soldats turcs ont franchi la frontière le 21 février dernier pour traquer les rebelles kurdes. Il n’y aura aucun calendrier de retrait pour cette opération aéro-terrestre « avant que ces bases terroristes soient éliminées » a fait savoir un émissaire d’Ankara en visite ce mercredi à Bagdad.

 

Istanbul, le 27 février 2008. Des gardes turcs transportent le cercueil d'Ibrahim Dogan, un des membres de l'armée turque mort pendant les affrontements avec le PKK, au nord de l'Irak.(Photo : Reuters)

Istanbul, le 27 février 2008. Des gardes turcs transportent le cercueil d'Ibrahim Dogan, un des membres de l'armée turque mort pendant les affrontements avec le PKK, au nord de l'Irak.
(Photo : Reuters)

L’Irak durcit le ton et appelle à un retrait immédiat des troupes turques qui se trouvent dans le nord de son territoire. Washington demande à Ankara d’écourter son offensive mais les autorités turques semblent adopter une attitude jusqu’au-boutiste. Une semaine après le début de son offensive contre les camps du parti des travailleurs du Kurdistan en Irak, l’état-major turc refuse tout calendrier de retrait. 

L’offensive turque dans le nord de l’Irak pourrait bien s’éterniser avec des conséquences difficilement mesurables pour l’instant. Les troupes d’Ankara sont engagées depuis le 21 février dernier dans une importante opération militaire qui vise les bases arrière du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) chez son voisin irakien. D’intenses combats se sont déroulés ces derniers jours autour du camp de Zap, un des principaux points de passage utilisé par la rébellion kurde.

Au sol, les troupes turques sont soutenues par des tirs d’artillerie et une couverture aérienne. Si leur progression a été freinée par la neige, notamment dans la région montagneuse de Hakurk, rien ne semble entamer la détermination de l’état-major turc qui fait déposer ses soldats par hélicoptère dans les zones difficiles d’accès. Selon Ankara, le nord de l’Irak abrite plus de 4 000 membres de la rébellion en lutte armée, depuis 1984, pour l’autonomie du sud-ouest de la Turquie. Depuis le début de l’offensive en Irak, l’armée turque affirme avoir tué 230 rebelles du PKK et avoir perdu 27 de ses hommes. Le décompte de la rébellion fait état de la mort de 90 soldats turcs et de 3 de ses combattants.   

Une délégation turque, menée par Ahmet Davotoglu le conseiller du Premier ministre, s’est rendue à Bagdad ce mercredi. Les turcs semblent bien décidé à poursuivre leurs opérations militaire. « Notre objectif est clair, notre mission est claire et il n’y aura pas de calendrier avant (…) que ces bases terroristes soient éliminées » a répété Ahmet Davotoglu à ses interlocuteurs irakiens.

Une diplomatie inefficace

Les Etats-Unis et l’Irak ont beau exprimer leur inquiétude, la Turquie reste sur ses positions. La désapprobation irakienne et américaine serait-elle une protestation de façade ? Officiellement, les Américains réclament que l’intervention turque soit courte (une ou deux semaine pas plus) mais ils ajoutent que leur allié s’est montré jusqu’à présent très « responsable » sur le terrain. De plus, les Etats-Unis fournissent depuis plusieurs mois des renseignements en temps réels sur les déplacements des rebelles du PKK dans le nord de l’Irak. Bagdad crie à la violation de sa souveraineté mais ces plaintes pourraient bien être destinées avant tout à calmer l’opinion publique irakienne puisque dans le même temps les autorités se disent prêtes à « coopérer avec la Turquie pour arrêter cette menace du PKK ».

Si le gouvernement irakien réclame aujourd’hui le retrait immédiat des troupes turques il faut souligner qu’il a été informé en amont de la préparation de cette opération militaire turque. Ankara justifie son incursion en faisant valoir son droit à l’autodéfense face à une organisation terroriste. Un argument qui trouve évidemment un écho favorable aux oreilles des Américains. Robert Gates doit se rendre jeudi à Ankara pour discuter du dossier. Le secrétaire d’Etat américain à la Défense soutient la Turquie mais estime qu’il ne faut pas se contenter d’intervenir militairement. Robert Gates vante les mérites des initiatives économiques et sociales dans ce dossier kurde.

Destabilisation de la région ?

Washington craint surtout que cette crise finisse par opposer ses deux alliés dans la région : les Turcs et les Kurdes d’Irak. De l’avis de tous les analystes : une confrontation entre les peshmergas (les forces armées kurdes) et les militaires venus d’Ankara aurait des conséquences désastreuses en Irak où le Kurdistan est aujourd’hui la seule région épargnée par la violence, mais aussi dans les pays voisins.

L’autonomie dont jouissent les quelque 5 millions d’habitants du Kurdistan irakien a suscité une vague d’espoir chez les Kurdes de Syrie, d’Iran et de Turquie. Toute instabilité dans le nord de l’Irak aurait probablement des répercussions dans ces trois pays.

Or, face à l’offensive militaire d’Ankara, les Kurdes d’Irak n’ont pas l’intention de jouer éternellement les spectateurs. Le Kurdistan irakien accueille depuis 1997, quatre bases militaires turques dévolues à l’observation.

A Erbil, le Parlement kurde réclame aujourd’hui la fermeture de ces camps militaires. Les députés de la région autonome insistent aussi pour que l’affaire soit portée devant le Conseil de sécurité des Nations unies. La tension pourrait bien monter dans les prochains jours. Sur le terrain, le week-end dernier, les peshmergas ont déjà reçu l’ordre de barrer la route aux chars turcs qui tentaient justement de sortir de leurs bases. Quant à la population, si elle ne soutient pas vraiment la lutte du Parti des travailleurs du Kurdistan, certains jeunes se disent pourtant prêts aujourd’hui à prendre les armes contre les militaires turcs. 

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