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Politique monétaire

Sous pression, la BCE maintient le cap

par Myriam Berber

Article publié le 10/04/2008 Dernière mise à jour le 10/04/2008 à 16:47 TU

Jean Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, lors de la réunion mensuelle de la BCE, au siège social de Francfort, le 10 avril 2008. (Photo : Reuters)

Jean Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, lors de la réunion mensuelle de la BCE, au siège social de Francfort, le 10 avril 2008.
(Photo : Reuters)

Alors que la Banque d’Angleterre abaisse ses taux d’un quart de point à 5%, la Banque centrale européenne (BCE) maintient inchangé son principal taux directeur à 4%. La position de la BCE inquiète de nombreux dirigeants politiques et économiques. Le Fonds monétaire international recommande une baisse des taux d’intérêt pour faire face à la crise.

Soucieuses des risques pesant sur l’inflation, mais aussi des incertitudes planant sur la croissance, le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet a donc choisi de rester fidèle à la ligne qu’il s’est fixée : ne pas baisser ses taux. A l’issue de la réunion de son Conseil des gouverneurs le jeudi 10 avril 2008, le principal taux d’intérêt de la BCE, le taux de refinancement, reste donc à 4%, celui de la facilité de dépôt à 3% et celui de la facilité de prêt marginal à 5%.

Le maintien de la stabilité des prix reste «la plus grande priorité » pour la BCE. Et Jean-Claude Trichet de rappeler que sa mission est de protéger les citoyens de la zone euro, en évitant une hausse de l'inflation grâce à sa politique de taux d’intérêt. Des taux trop bas encouragent, en effet, la hausse des prix à la consommation. La flambée des prix des matières premières, du pétrole et des produits alimentaires ont porté l’inflation dans la zone euro à 3,5% en mars, alors que la BCE s’est fixée pour but de la maintenir sous la barre des 2%. Il faut remonter à la création de la zone euro en 1999 pour trouver un niveau aussi haut.

Le risque d’effets de «second tour»

Très préoccupé par cette période prolongée de forte inflation, la BCE s’est engagée également à empêcher que ne se développent des effets dits de « second tour » qui contamineraient l’ensemble de l’économie, aussi bien au travers des prix des matières premières que des revendications salariales. « Les risques de dérapage des prix de l'énergie et des denrées alimentaires à moyen terme continuent à augmenter », a indiqué Jean-Claude Trichet qui appelé les syndicats à « être responsables » dans leurs revendications salariales. En Allemagne, les salariés du secteur public ont obtenu une augmentation des salaires de 5,1%, soit la plus importante depuis 16 ans.

De plus en plus, le président de la BCE a des difficultés à justifier ce statu quo monétaire. Le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé, mercredi, que l’inflation dans la zone euro devrait, après avoir atteint 2,8% en 2008, retomber à 1,9% en 2009. Dans un contexte où « les perspectives de croissance sont de plus en plus négatives, la BCE peut se permettre d’assouplir sa politique monétaire », estime le FMI qui prescrit donc aux pays riches d’ouvrir les vannes. La Banque d’Angleterre, en revanche, a décidé de baisser son principal taux directeur d’un quart de point à 5%. Elle suit l’attitude de la Réserve fédérale américaine, la Fed. Le Royaume-Uni comme les Etats-Unis sont, en effet, très touchés par la crise du crédit hypothécaire à risques (« subprimes »). Ce n’est pas le cas en zone euro comme l’a rappelé Jean-Claude Trichet : « Il n’y a pas de signes significatifs de difficultés au niveau de l’offre des crédits bancaires aux ménages et aux entreprises non financières ». 

Volatilité excessive des taux de change

Anticipé par les marchés financiers, le statu quo monétaire de la BCE a eu pour effet de propulser l’euro à un nouveau sommet face au dollar. Jeudi, la monnaie unique européenne s’est échangée contre 1 ,5913 dollar. Dans ce contexte, la dégringolade du dollar pourrait se poursuivre. En revanche, la Chine a choisi pour la première fois depuis 1993 de réévaluer le yuan face au dollar. C'est la première fois que ce taux frôle les 7 yuans pour un dollar depuis la réévaluation de la monnaie chinoise en juillet 2005.

La Chine est accusée régulièrement de maintenir sa monnaie à un niveau artificiellement bas pour soutenir ses exportations, ce qui lui procure un avantage par rapport aux Européens déjà pénalisés par la hausse de l’euro. Pour calmer le jeu, la République populaire a engagé une série d’actions pour réformer le taux de change du yuan depuis juillet 2005, comme l’arrimage du yuan à un panier de devises et l’introduction d’une certaine flexibilité.

Depuis juillet 2005, date de la réévaluation de la devise et de l'abandon du lien fixe avec le dollar, la hausse du yuan s'est accélérée régulièrement, passant de 2,6% en 2005 à 3,4% en 2006 et 6,9% en 2007. Depuis le début de cette année, elle a déjà atteint 4,5%. Cette accélération est certes due en partie à la dépréciation du dollar sur l'ensemble des marchés de changes mondiaux, mais est elle aussi à mettre au crédit des pressions exercées par les grands partenaires commerciaux de la Chine, qui souhaitent voir le yuan monter pour réduire l'excédent commercial chinois. La semaine dernière, le secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson, s’est ainsi félicité lors d'une visite à Pékin de l'accélération de la hausse du yuan et a plaidé pour une poursuite de cette politique.