par RFI
Article publié le 16/04/2008 Dernière mise à jour le 17/04/2008 à 03:52 TU
La violence politique s’installe au Zimbabwe, 18 jours après les élections présidentielle et législatives. Le porte-parole du principal parti de l’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), a accusé mercredi les autorités d’avoir fait arrêter plus de 50 membres de cette formation politique, dont un député qui venait d’être élu. La police de Harare a indiqué, mardi soir, que 30 personnes avaient été arrêtées, sous l’accusation d’avoir empêché l’ouverture de commerces ou agi de « manière menaçante » au premier jour de la grève lancée par l'opposition qui réclame la publication des résultats du premier tour de l'élection présidentielle. Cette grève a été peu suivie jusqu’à présent.
Des opposants en exil au régime de Robert Mugabe manifestent devant l'ambassade du Zimbabwe à Pretoria, en Afrique du Sud, le 16 avril 2008.
(Photo : Reuters)
Dans la capitale, Harare, les boutiques, les banques et les bureaux fonctionnaient normalement ce mercredi, tandis que le dispositif policier semblait avoir été allégé.
Les observateurs pensent que les gens ont craint des mesures de répression, une hypothèse qui a été confirmée par plusieurs sources. Noel Kutukwa, président du Zimbabwe Human Rights Forum, une coalition d'organisations non gouvernementales, confirme que la situation est très tendue et que des dizaines de personnes ont été arrêtées.
« 29 membres de l'opposition dont un député nouvellement élu ont été arrétés. »
De son côté, l’association zimbabwéenne des médecins pour les droits de l’homme (ZADHR) a affirmé mercredi que ses membres avaient soigné 157 blessés, victimes de « violences organisées ou de tortures » depuis les élections générales. Selon la ZADHR, une association indépendante qui est représentée dans tout le pays, « la blessure la plus courante consiste en d’importantes meurtrissures sur les fesses, résultant de coups prolongés assénés par des objets contondants ». Un tiers des patients sont des femmes et « certaines personnes souffrent de blessures qui peuvent déboucher sur un handicap permanent », affirme la ZADHR qui appelle « tous les partis politiques à cesser de faire usage de l’intimidation comme forme de représailles ou de victimisation ». L’association précise que 30 personnes étaient toujours hospitalisées.
Le MDC a accusé les partisans du président Robert Mugabe d’avoir tué deux de ses militants. La police a confirmé l’un des meurtres, tout en affirmant qu’il n’avait pas de motif politique. L’opposition revendique la victoire de son candidat, Morgan Tsvangirai, 56 ans, au premier tour de l’élection présidentielle, face au président Mugabe, 84 ans. Le parti au pouvoir, Union nationale africaine du Zimbabwe-front populaire (ZANU-PF), affirme, de son côté, que Tsvangirai n’a pas gagné au premier tour et qu’un second tour devra être réalisé. Le candidat de l’opposition a finalement accepté de participer à un second tour, si et seulement si des observateurs internationaux surveillent le scrutin. L’opposition a obtenu une majorité de voix aux élections législatives, mais les résultats sont remis en cause par un recomptage partiel, prévu pour samedi prochain. Le MDC affirme que ce recomptage est une manœuvre de Mugabe pour retarder la publication des résultats électoraux, pendant qu’il organise une campagne de violences pour intimider les opposants.
Inquiétudes en Afrique du Sud et à l’Onu
La situation au Zimbabwe préoccupe les Etats de la région australe du continent et tout particulièrement l’Afrique du Sud. Les gouvernements de ces pays craignent une nouvelle vague de réfugiés venus du Zimbabwe. Pourtant le président sud-africain Thabo Mbeki a affirmé qu’il n'y a pas de crise au Zimbabwe, ce qui a choqué Morgan Tsvangirai.
Leader du Mouvement pour le changement démocratique (MDC)
« S’il n’y a pas de crise, alors pourquoi a-t-il été nommé médiateur ? C’est le premier point. Deuxième point, s’il n’y a pas de crise, pourquoi a-t-il quitté le Zimbabwe pour se rendre au Sommet extraordinaire de la Sadec ? S’il n’y avait pas de crise, pourquoi la Sadec se serait-elle impliquée dans ce qui se passe au Zimbabwe ? »
Il faut noter que le Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud depuis 1994, a pris le contre-pied du président Thabo Mbeki. Selon Jacob Zuma, qui lui a succédé à la tête de l’ANC, l’Afrique australe « ne peut pas se permettre une aggravation de la crise au Zimbabwe. La situation est d’autant plus inquiétante maintenant que des informations révèlent une éruption de violence dans le pays ». Le président de l’ANC s’est déclaré, mercredi, inquiet face à la situation au Zimbabwe car, selon lui, « le délai dans le processus de vérification et de publication des résultats accroît chaque jour l’anxiété ». Il a appelé la Commission électorale du Zimbabwe (ZEC) « à travailler étroitement avec toutes les parties pour résoudre ces problèmes sans plus attendre ».
La crise zimbabwéenne a été évoquée mercredi à New York, lors d’une réunion du Conseil de sécurité, présidée par l’Afrique du Sud. Malgré les réticences de Thabo Mbeki, la question a été soulevée par plusieurs pays, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Le Premier ministre britannique Gordon Brown a affirmé que « personne ne croit que le président Mugabe a gagné cette élection ». De son côté, Rama Yade, secrétaire d'Etat française aux Droits de l'homme, a déclaré que le peuple zimbabwéen ne devait pas « être privé de sa victoire, qui est la victoire de la démocratie ». « Nous voyons les conséquences en termes de stabilité et de paix civile lorsque l'ouverture démocratique tarde à être entendue... C'est aujourd'hui la cas au Zimbabwe », a-t-elle ajouté. Pour le secrétaire général des Nations unies, « la crédibilité du processus démocratique en Afrique pourrait être en jeu ». Selon Ban Ki-moon, « s’il doit y avoir un second tour, il doit se dérouler dans la transparence, sous le regard d’observateurs internationaux ».
Le Zimbabwe a accusé Londres et Washington de vouloir utiliser cette réunion du Conseil de sécurité des Nations unies pour préparer une intervention militaire contre le président Robert Mugabe, selon le quotidien d’Etat The Herald, publié ce mercredi à Harare. Outre la crise politique qui s’aggrave, le Zimbabwe doit faire face à une profonde crise économique, avec un taux de chômage de 80% et un taux d’inflation de 165 000% en février, un record mondial absolu, selon un communiqué de l’Office central des statistiques (CSO) qui vient d’être publié dans la capitale zimbabwéenne.
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