Article publié le 10/05/2008 Dernière mise à jour le 11/05/2008 à 20:36 TU
Par notre envoyé spécial, Jean-Arnault Dérens
Dans le secteur serbe du nord du Kosovo, contigu à la Serbie, la campagne électorale a battu son plein jusqu’au dernier moment. Mercredi, le Premier ministre Vojislav Kostunica et son allié, le ministre des Infrastructures Velimir Ilic, sont venus inaugurer une nouvelle salle des sports dans la petite bourgade de Zubin Potok. Le clergé orthodoxe a béni le nouveau bâtiment, construit grâce aux fonds spéciaux pour le Kosovo du gouvernement serbe, avant que les deux hommes ne tiennent meeting devant un gros millier de sympathisants. C’était la première fois que Vojislav Kostunica se rendait au Kosovo depuis la proclamation d’indépendance du territoire.
Depuis le 17 février, les ministres serbes se sont pourtant succédé dans toutes les enclaves serbes, une manière forte d’affirmer que la proclamation d’indépendance est nulle et non avenue, et que Belgrade continue d’administrer le Kosovo. Malgré les protestations albanaises, les policiers des Nations unies et les soldats de l’OTAN qui gardent les frontières du Kosovo ont, le plus souvent, laissé passer sans encombre les ministres serbes. De même, les professions de foi, les affiches de campagne et les urnes ont traversé sans encombre la frontière du Kosovo. Un seul incident s’est produit en début de semaine, quand une camionnette remplie de matériel électoral a été bloquée par les douanes du Kosovo.
Délicate mission pour la MINUK
Cependant, la position officielle de la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK) est, pour le moins, ambiguë. Elle a décidé d’autoriser officiellement la tenue du scrutin législatif, puisque selon la résolution 1244 du Conseil de sécurité, toujours en vigueur, le Kosovo continue d’appartenir à la Serbie. Argument supplémentaire, le plan de l’émissaire des Nations unies, Martti Ahtisaari, prévoit d’accorder la double citoyenneté, serbe et kosovare, aux Serbes du Kosovo. Par conséquent, il est donc normal qu’ils puissent participer à l’élection des députés au Parlement serbe.
Par contre, la MINUK a estimé que la tenue du scrutin municipal était illégale, puisqu’elle-même est chargée, toujours au titre de cette résolution 1244, d’administrer le Kosovo, et a donc, seule, le droit d’organiser des élections locales. La MINUK estime, de surcroît, que l’élection de municipalités serbes dans toutes les communes du Kosovo reviendra à créer des autorités « parallèles ».
Depuis 1999, les Serbes du Kosovo ont toujours voté pour les élections législatives et présidentielles serbes. Par contre, la tenue d’un scrutin municipal est une nouveauté. Tous les Serbes ont été chassés de beaucoup de communes du Kosovo, même si les municipalités élues avant l’instauration du protectorat international continuent formellement à exister, en exil en Serbie. Ces administrations fantoches délivrent notamment des documents d’identité.
Vers un « double système »
Les Serbes ont participé aux élections municipales de 2001, organisées par la MINUK, et dirigeaient plusieurs communes du Kosovo : Zubin Potok, Leposavic et Zvecan, dans le nord, ainsi que Strpce et Novo Brdo, enclavées en territoire albanais. Cependant, ils ont boycotté les dernières élections municipales, obligeant la MINUK à placer ces communes sous administration provisoire.
L’élection de conseils municipaux serbes renforcera incontestablement la création d’un « double système » au Kosovo, mais les autorités internationales ont décidé de ne pas empêcher la tenue du scrutin, afin d’éviter toute provocation, au grand dam du Parlement (albanais) du Kosovo, qui a voté une résolution comminatoire.
Pour les électeurs serbes, l’affaire est en tout cas entendue. « Le Kosovo, c’est la Serbie », s’exclame Zika, le patron du bistro de la petite enclave de Velika Hoca. « L’Europe nous parle de démocratie, mais de quelle démocratie s’agirait-il si nous n’avions pas le droit de voter dans notre pays ? ».
A écouter
Par notre envoyé spécial à Belgrade, Patrick Adam
« Si les premières estimations se confirment, le parti pro-européen du président Boris Tadic arrive très largement en tête avec 39% des voix. »
11/05/2008
Par notre correspondant à Belgrade, Jean-Arnault Dérens
«Le taux de participation des Serbes du Kosovo est nettement plus fort que lors des derniers scrutins.»
11/05/2008
«Les jeunes ici n'ont pas la possibilité de communiquer, d'échanger même avec des pays des Balkans qui nous entourent. Cela génère une sorte de haine.»
11/05/2008
Ancien Premier ministre serbe.
«La carrière de Vojislav Kostunica se fond dans l'histoire de la Serbie d'après Milosevic : depuis l'an 2000, même minoritaire dans les urnes, il est tour à tour président ou Premier ministre.»
10/05/2008 par Patrick Adam
Président du « Balkans trust for democracy ».
« On a le sentiment que c'est la deuxième mi-temps de l'élection présidentielle où le président Tadic a gagné sur le slogan « Ensemble vers l'Europe » : on espère que ça va reconfirmer ce choix. »
10/05/2008 par Patrick Adam
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