Article publié le 12/05/2008 Dernière mise à jour le 14/05/2008 à 05:02 TU
Des soldats de l'armée libanaise sécurisent le bureau du Parti socialiste progressiste (PSP) du chef druze antisyrien, Walid Joumblatt, dans la ville de Shwayfat, au sud-est de Beyrouth.
(Photo : AFP)
Un calme relatif règne au Liban après les combats des cinq derniers jours qui ont fait une centaine de morts, selon la presse. Mais le blocage politique persiste et risque de replonger le pays dans un nouveau cycle de violence. Au même moment, de nombreux étrangers ainsi que des Libanais de la diaspora, tentent par tous les moyens de quitter le pays.
Comment quitter le Liban ? |
Avec notre correspondante à Beyrouth, Diane Galliot Plus d’avion, pas de bateau, des routes incertaines, le poste frontière de Masnaa sur la route Beyrouth-Damas qui ouvre et referme de façon aléatoire en fonction des tirs, les routes du nord surchargées et également aléatoires. Comment faire pour quitter le Liban ? De nombreux étrangers de même que des Libanais de la diaspora se sont retrouvés pris au piège. Les postes frontières vers le nord sont encombrés, notamment de travailleurs syriens qui quittent le pays parce qu’ils se sentent menacés. Un mini bus syrien a d’ailleurs été mitraillé en fin de semaine dans la Bekaa, et il y aurait eu plusieurs morts. Les compagnies aériennes ont dérouté leurs avions vers Chypre, la Jordanie et la Syrie. Les prix des taxis pour la Syrie ou la Jordanie ont été multipliés par 4, 5, ou 10, un peu à la tête du client. Et pour ceux qui ont les moyens, en traversant les barrages du Hezbollah à pied pour arriver jusqu’à l’aéroport, on peut prendre un jet privé. Pas moins de 6 000 dollars pour Chypre, 50 000 dollars pour Paris, selon le quotidien l’Orient Le Jour. Et en bateau, depuis une marina au nord de Beyrouth pour aller à Chypre, les prix varient de 350 à 1 200 dollars par personne. Ceux qui doivent partir s’organisent. C’est même devenu une nouvelle activité économique du pays, car nul n’ose parier sur la réouverture prochaine de l’aéroport. |
De notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh
Beyrouth retrouve petit à petit son animation. Les commerces, les administrations et certaines écoles ont rouvert leurs portes. La population tente de s’adapter aux routes et boulevards bloqués par des remblais de terre érigés par des partisans de l’opposition qui ont maintenu leur mouvement de désobéissance civile. Les combattants de l’opposition se sont retirés des rues et l’armée est omniprésente.
A part quelques escarmouches, les combats ont également cessé dans le fief du chef druze de la coalition au pouvoir, Walid Joumblatt. Là aussi, l’armée s’est déployée sur un front d’une vingtaine de kilomètres dans une région montagneuse stratégique, au sud-est de la capitale, où passe la route Beyrouth-Damas.
Des combats sporadiques ont eu lieu dans la deuxième ville du pays, Tripoli, entre des partisans de l’opposition, retranchés dans un quartier alaouite, et ceux du gouvernement, concentrés dans les zones sunnites. Le port, l’aéroport et le principal point de passage frontalier entre le Liban et la Syrie, dans la plaine orientale de la Békaa restent fermés.
Malgré le net recul de la violence, comparé aux jours précédents, des indices politiques et matériels laissent craindre une reprise des violences à une échelle encore plus large.
Le gouvernement de Fouad Siniora devait se réunir ce lundi, selon une déclaration de Walid Joumblatt au quotidien saoudien al-Hayat, pour annuler les deux décisions qui sont à l’origine de la crise, comme l’a souhaité l’armée libanaise : le démantèlement du réseau de télécommunication du Hezbollah et le limogeage du chef du service de sécurité de l’aéroport, jugé proche du parti d’Hassan Nasrallah. Mais la réunion n’a pas eu lieu et les chefs de la coalition au pouvoir ont durci le ton, refusant de céder en politique malgré leurs revers militaires. Le leader chrétien du mouvement du 14-mars, Samir Geagea, a affirmé, après une réunion avec le Premier ministre Fouad Siniora, que le cabinet ne démissionnerait pas et que ses deux décisions ne seront pas annulées.
Quelques heures plus tôt, un autre chef loyaliste chrétien, Amine Gemayel, posaient des conditions à une reprise du dialogue national autour des questions litigieuses : composition d’un cabinet d’union nationale et élaboration d’une nouvelle loi électorale. « Si les dirigeants de l'opposition veulent un dialogue, il ne faut pas qu'ils utilisent leurs armes dans le but de changer les équilibres de force », a dit l’ancien président de la République. « Nous voulons un engagement solennel du (chef du Hezbollah) Hassan Nasrallah devant l'opinion publique, les pays arabes et même l'Iran, qu'il ne va pas utiliser ses armes contre les Libanais », a-t-il ajouté.
Confusion sur le terrain
Le chef chrétien de l’opposition, le général Michel Aoun, qui est resté discret depuis le début de la crise, a eu des mots très durs lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion hebdomadaire de son bloc parlementaire. Selon lui, les déclarations de son rival Samir Geagea ne sont qu’un appel à la reprise des combats. Il a fait assumer à la coalition du 14-mars la responsabilité de la crise actuelle et assuré que l’opposition était déterminée à mener la bataille jusqu’au bout. « Il y a de nouvelles réalités sur le terrain et tous doivent le reconnaître. Ceux qui ne réalisent pas ces faits en paieront le prix », a-t-il dit d’un ton sévère.
Le général Aoun a déclaré que les jeunes des régions chrétiennes feront face à toutes les tentatives de déstabilisation – par les partis du 14-mars – dans leurs secteurs, démentant implicitement les rumeurs sur l’intention du Hezbollah d’envoyer ses combattants en zone chrétienne. « Nous surveillons tout ce qui se passe et sommes au courant de tous les développements », a-t-dit.
Et ce n’est pas fini. Le chef druze de l’opposition, l’émir Talal Arslan, à qui son rival Walid Joumblatt avait « confié » le sort de la montagne pour mettre un terme aux combats, a annoncé que l’accord de désengagement n’avait pas été respecté. Il a accusé les partisans de M. Joumblatt de ne pas avoir remis leurs armes lourdes comme convenu. Dans un ultimatum à peine voilé, il leur a donné jusqu’à la fin de la journée de lundi pour désarmer, sans quoi il rendrait le mandat que lui a confié son rival. Ce qui laisse entendre que les combats pourraient reprendre dans la montagne.
Et pour couronner tous ces indices peu encourageants, l’ambassadeur d’Arabie saoudite, Abdel Aziz Khoja, dont le pays est le principal soutien au gouvernement, a quitté le Liban par voie de mer vers Chypre.
Dans un tel contexte, les Libanais mettent peu d’espoir dans la mission de la Ligue arabe dont une délégation, conduite par le Premier ministre qatari est attendue mercredi à Beyrouth.
A écouter
13/05/2008 par Paul Khalifeh
« Dans une série de déclarations et d'interviews, le président américain a manifesté son inquiétude et dénoncé fermement le rôle de la Syrie et de l'Iran. Il a également annoncé son intention de renforcer l'aide des Etats-Unis à l'armée libanaise pour lui permette de combattre le Hezbollah...»
13/05/2008 par Anne Toulouse
« Le chef chrétien de la majorité, Samir Geagea, a annoncé que le gouvernement ne démissionnerait pas et n'annulerait pas les décisions à l'origine de la crise. »
12/05/2008 par Paul Khalifeh
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