par Myriam Berber
Article publié le 28/05/2008 Dernière mise à jour le 29/05/2008 à 16:23 TU
Depuis une semaine, des manifestations ont lieu dans toute l'Indonésie pour protester contre l'augmentation du prix des carburants.
(Photo : AFP)
Paradoxe depuis 2004, l’Indonésie, pays producteur de pétrole, importe plus d’or noir qu’il n’en exporte. L’Indonésie va donc se retirer de l’Opep comme l’exige les statuts de l’organisation. C’est ce qu’a annoncé, mercredi 28 mai 2008, le ministre indonésien de l'Energie et des Ressources minérales Purnamo Yusgiantoro. Ce retrait de l’Opep n’est pas une surprise. Depuis 1995, l’un des plus anciens producteurs au monde peine à atteindre les seuils de production minimum que lui impose sa participation à l'Opep.
Membre depuis 1962, l’Indonésie est le septième pays à avoir intégré le cartel. En quelques années, le pays a vu sa production chuter, passant de 1,6 million de barils par jour (bpj) à moins d’un million actuellement. Le ministre de l'Énergie a précisé que l'Indonésie pourrait réintégrer le cartel si la production repartait à la hausse et atteignait les niveaux souhaités. La production indonésienne de pétrole souffre d'une décennie de sous-investissements en exploration et en forage. Le pays espère développer de nouveaux gisements pour augmenter sa production dans les trois prochaines années.
600 000 à 800 000 barils de pétrole supplémentaires par jour
Pour Pierre Terzian, rédacteur en chef de la revue Pétrostratégies, les chances pour l’Indonésie de redevenir un exportateur net sont faibles : « Le gouvernement espère que le pays va devenir autosuffisant en pétrole d’ici deux à trois ans. Il y a de nouveaux gisements qui vont entrer en production, c’est notamment le cas du champ pétrolier de Cepu qui va être exploité par Exxon Mobil et devrait produire 180 000 barils par jour. Mais cela ne suffira pas à redresser la balance, le pays doit trouver 600 000 à 800 000 barils de pétrole supplémentaires par jour pour être autosuffisant ».
La production n’a cessé de décliner et, dans le même temps, la consommation n’a cessé d’augmenter. Pour inverser la tendance, le président Susilo Bambang Yudhoyono a annoncé, la semaine dernière, une hausse de près de 30% du prix des carburants. C’est la troisième hausse décidée par le président Yudhoyono depuis son élection en 2004. Une augmentation nécessaire, selon lui, car les prix sont bas grâce à de très fortes subventions sur l'essence, le diesel et le kérosène.
10 milliards de subventions en 2007
L'Indonésie, quatrième pays le plus peuplé de la planète, subventionne massivement la vente de carburants et dépense une part très importante de son budget à maintenir l'essence à un prix artificiellement bas. L'Etat comble la différence entre les cours du baril et le prix à la pompe. En 2007, le budget a assumé près de 10 milliards de dollars de subventions. En 2008, avec la hausse des cours du brut, il devrait être de 14 milliards. Une somme, selon la Banque mondiale, qui dépasse la totalité des budgets de l’Education, de la Santé et des infrastructures.
Le prix de l'essence sera majoré de 33,33% et celui du diesel de 27,9%. Un litre d'essence subventionnée s'achetait jusqu'à présent à seulement 4 500 roupies (0,5 dollar). Le litre d’essence subventionnée coûte désormais 6 000 roupies (0,78 dollar), or la moitié de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Pour les Indonésiens, la hausse des carburants ne concerne pas uniquement les transports. Le pétrole domestique est une source d'énergie très répandue, utilisée par les foyers les plus pauvres pour s'éclairer et cuisiner. C’est pourquoi des milliers de personnes sont descendues cette semaine dans la rue pour exiger que le gouvernement renonce à la hausse annoncée. Pour compenser l'augmentation, le gouvernement envisage de distribuer 1,5 milliard de dollars d’allocations au bénéfice des plus pauvres.