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Informatique

Microsoft sans Bill Gates

par Myriam Berber

Article publié le 27/06/2008 Dernière mise à jour le 28/06/2008 à 03:51 TU

Bill Gates quitte Microsoft, l’empire du logiciel qu’il a fondé il y a 33 ans et qui l’a rendu, pendant plusieurs années, l’homme le plus riche du monde. Gates va se consacrer désormais à sa fondation humanitaire à laquelle il a consacré l’essentiel de sa fortune. Ce génie de l’informatique a profondément marqué l’industrie technologique.

Bill Gates(Photo : AFP)

Bill Gates
(Photo : AFP)

Une page de l’informatique mondiale se tourne. Ce 27 juin, Bill Gates laisse les rênes de son empire mondial à son ami Steve Ballmer qu’il connait depuis Harvard et qui depuis 2000 dirige le groupe en qualité de président exécutif. Son poste d’architecte en chef des logiciels revient à Ray Ozzie, recruté en 2005. Ce départ en douceur n’est pas vraiment une surprise. Depuis quelques années, Bill Gates consacrait son temps à la fondation caritative qu’il a créée en 2000 avec sa femme Melinda pour soutenir la santé et l’éducation dans le monde. Pour ces engagements humanitaires, l’homme a été élu Personnalité de l’année 2005 par Time Magazine.

Mais avant de devenir ce généreux donateur, à la tête d’une fortune personnelle de 58 milliards de dollars, Bill Gates a d’abord été l’inventeur de la micro-informatique. A 18 ans, Bill se prend d’intérêt pour les ordinateurs, encore bien méconnus des foules. Ses parents, un avocat et une institutrice, le laissent bricoler dans le garage familial ses premiers programmes informatiques. Il intègre la même année l’université d’Harvard où il n’y restera que deux ans. A sa sortie en 1975, il crée Microsoft avec son ami Paul Allen. Les deux hommes rachètent un logiciel d’exploitation, le modifient un peu tout en le rebaptisant Ms-Dos (Microsoft Disk Operating System). Ils le proposent au géant du secteur IBM, mais gardent leur droit de commercialiser leur logiciel MS-DOS pour d’autres ordinateurs de marque non-IBM. Une idée de génie de Bill Gates qui fera sa fortune.

Des plaintes pour abus de position dominante

D’allure modeste, un peu timide, le visage caché derrière de grosses lunettes, ce génie de l’informatique est également un génie des affaires. Son habileté dans les négociations commerciales et dans le domaine du marketing vont conduire Microsoft au sommet de l'industrie informatique, en deux décennies. Son rêve de placer un ordinateur personnel sur chaque bureau et le faire entrer dans tous les foyers est devenu réalité. Son système d’exploitation Windows et ses logiciels de bureau Microsoft Office équipent neuf ordinateurs sur dix dans le monde. Aujourd'hui, le fabricant de logiciels s’appuie sur une capitalisation boursière de 270 milliards de dollars, loin devant ses rivaux Google, IBM et Apple. En 2007, le groupe, qui emploie près de 90 000 salariés, a dégagé plus de 14 milliards de dollars de bénéfices pour un chiffre d’affaires de près de 51 milliards.

Mais à vouloir relever tous les défis, l’icône du capitalisme américain finit par en faire un peu trop. Beaucoup trop même, selon les autorités anti-trust aux Etats-Unis, qui s'inquiètent des visées hégémoniques de Bill Gates. En 1998, le département de la Justice et une vingtaine d’Etats américains engagent des poursuites contre Microsoft pour abus de position dominante. En 1999, c’est au tour de la Commission européenne de porter plainte pour abus de position dominante. Au cours des années suivantes, les plaintes vont se succéder, émanant des principaux concurrents du groupe de Bill Gates. Une association anti-Microsoft, la Computer & Communications Industry Association (CCIA) regroupant entre autres AOL, Yahoo!, Nortel ou Oracle monte au créneau en accusant Windows de violer les lois européennes de la concurrence. Son impopularité est telle, à l’époque, qu’il devient le capitaine d’industrie le plus détesté sur la Toile, la «tête à toto du rezo» est l’un de ses surnoms dans les groupes de discussions sur le Net. En 2002 et après quatre années de procédures, les plaintes aux Etats-Unis sont définitivement abandonnées et, avec elles, le projet de démantèlement du groupe. En Europe, en revanche, Microsoft se voit infliger en mars 2004 par Bruxelles une amende record de 497 millions de dollars, confirmée en septembre 2007.

Big Bill versus Big Google

Si Bill Gates est à coup sûr un brillant analyste du secteur informatique, il n'en est pas pour autant infaillible. Au début des années 90 par exemple, il ne voit pas venir la déferlante Internet. Il ne saisit la portée de ce marché prometteur qu'en 1995. Du jour au lendemain, il crée de toutes pièces au sein de Microsoft une division Internet qui regroupe notamment le portail MSN et le moteur Live Search. Mais malgré des milliards de dollars investis depuis ces dernières années, Microsoft est toujours distancé par Google sur le Web. Selon le cabinet d’études comScore, Google détient 77 % des recherches internet mondiales, contre 16 % pour Yahoo! et 3,7 % pour Microsoft.  Ces dernières semaines, le groupe a subi une nouvelle humiliation quand Yahoo! a rejeté son offre d’achat et a annoncé un vaste partenariat avec Google.

Outre Google, Microsoft doit résister à des concurrents de plus en plus redoutables : les logiciels gratuits. Plus de 20 millions de personnes dans le monde utilisent le système d’exploitation libre Linux qui remplit les mêmes fonctions que Windows. Plus de 50 % des serveurs Web dans le monde tournent sous le logiciel libre Apache. De quoi donner des sueurs froides au géant de l’informatique qui fait tout, depuis quelques années, pour modifier l’image de ses produits et leur positionnement. Dès 2005, Microsoft a commercialisé une version allégée et peu onéreuse de Windows destinée aux marchés émergents asiatiques. Une manière pour le géant américain de lutter à la fois contre la concurrence des logiciels gratuits et contre le piratage.

Bill Gates quitte Microsoft à un moment crucial où l’entreprise cherche un nouveau souffle. L’avenir du groupe sans son patron parait fragilisé. Personne ne peut remplacer Bill Gates, et il n’en est d’ailleurs pas question. Certes, il quitte toute fonction exécutive chez Microsoft, mais il reste président du conseil d’administration et l’un des premiers actionnaires avec 9 % du capital. Comme l’a confirmé Steve Ballmer, il gardera un œil sur son bébé : « Pour les grandes décisions, je consulterai Bill Gates ». Et si une crise survenait. Il pourrait même revenir, à l’image de son rival de toujours Steve Jobs, qui après des années, a fait un retour à la tête du groupe qu’il avait fondé, Apple.