par RFI
Article publié le 15/07/2008 Dernière mise à jour le 15/07/2008 à 22:51 TU
Le président soudanais Omar el-Béchir en compagnie de son vice-président Ali Osman Taha, le 14 juillet 2008 à Khartoum.
(Photo : AFP)
Si du côté du régime de Khartoum on prend l’annonce de la CPI avec une certaine distance, ce n’est pas le cas des personnels onusiens et humanitaires. Lundi soir, la mission conjointe Nations unies - Union africaine, la Minuad, a annoncé le retrait de 1 800 de ses quelque 10 000 membres, présents au Darfour. Cette décision ne remet toutefois pas en cause la présence de la Minuad dans la région.
Une porte-parole de cette force hybride l’a affirmé : « Il ne s’agit pas d’une évacuation, mais du retrait temporaire du personnel non essentiel ». Cette décision a été prise, quelques heures après que le vice-président soudanais, Ali Osman Taha, eut déclaré que « personne désormais ne pouvait assurer à 100% la sécurité des personnels dans un contexte de guerre diplomatique ». Le vice-président soudanais a aussi ajouté que « le Soudan ferait tout, notamment avec l’aide de ses partenaires chinois et russe, au sein du Conseil de sécurité, pour faire annuler la requête du procureur général de la Cour pénale internationale ».
Le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, a donc demandé, lundi, aux juges de la CPI de délivrer un mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar el-Béchir. Les trois magistrats de la CPI vont prendre quelques semaines, voire quelques mois, avant de prendre une décision concernant les accusations de crimes de guerre et crimes contre l’humanité lancées contre le président du Soudan.
Adjointe du procureur général Moreno-Ocampo
« Nous avons transmis nos éléments de preuves aux trois juges compétents [...] et ils vont les évaluer. »
Omar el-Béchir est donc dans l'œil du cyclone à la suite des accusations lancées par le procureur de la CPI à La Haye. Des réactions de la classe politique soudanaise ont immédiatement surgi. Ainsi, Hassan el-Tourabi, le chef du Congrès populaire et opposant à Omar el-Béchir s’est félicité de l'existence de la Cour pénale internationale.
Chef du Congrès populaire, opposant islamiste
« Il n'y a pas de justice actuellement au Soudan et tout le monde ici jouit d'une immunité totale. »
Dans son réquisitoire, le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, affirme notamment que le président soudanais veut éliminer trois groupes ethniques : les Massalit, les Zaghawa et les Four. Les Four, la principale communauté au Darfour, est particulièrement visée par les violences du régime soudanais. Sala-Hédine Rijjal est le sultan des Four. Il s’est montré très lucide car, pour lui, la décision du procureur de la CPI de vouloir inculper le président soudanais ne va pas faciliter la paix. Et, selon lui, ce sont les populations civiles qui risquent d'en faire les frais.
Sultan des Four
« Cette décision risque de causer des problèmes au Darfour. La force des Nations unies ne peut protéger personne ici, elle est très faible. Cette décision ne va pas faciliter la paix. »
Réactions d’inquiétude
Des réactions se sont multipliées partout dans le monde et l'inquiétude est le mot qui revient sur toutes les lèvres ou presque, en commençant par le secrétaire général des Nations unies. Ban Ki-moon s'inquiète des possibles répercussions et a demandé au Soudan d'assurer la sécurité du personnel de l'ONU sur son propre territoire. L'ONU a commencé, mardi matin, à évacuer une partie de son personnel au Soudan, où des milliers de personnes s'apprêtaient à manifester contre l'inculpation de leur chef d’Etat. Des manifestants ont accroché des portraits du président el-Béchir sur les murs des installations des Nations unies à Khartoum et de l’ambassade de Grande-Bretagne.
Inquiétude également aux Etats-Unis, où les autorités craignent des représailles de la part du régime de Khartoum.
Le gouvernement iranien a, quant à lui, critiqué mardi la demande d’arrestation du président soudanais, considérant que « l’action sélective de la Cour pénale internationale n’est pas satisfaisante » et que « toute pression des organisations internationales sur le gouvernement soudanais est inutile et ne fait que compliquer la situation, au lieu de la régler ». De son côté, la Russie a appelé « toutes les parties, y compris le Soudan mais également l’ONU, à faire preuve de retenue et à trouver des solutions ».
Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Abdoul Gheit, a déclaré qu’il « était dangereux de traiter de manière irresponsable la situation au Soudan, ce qui pouvait mener à une dégradation de la sécurité et ébranler la stabilité politique, en particulier dans la région du Darfour ».
Pour la Chine, la mise en cause du président soudanais par la CPI soulève des inquiétudes. Selon Pékin, qui est un important importateur de pétrole soudanais, les mesures prises par la CPI ne sont pas de nature à régler le problème du Darfour.
La France a appelé mardi le gouvernement de Khartoum à faire un « geste » vis-à-vis de la CPI et du Conseil de sécurité en livrant deux responsables soudanais visés depuis mai 2007 par des mandats d’arrêt pour crimes de guerre au Darfour. Il s’agit du ministre soudanais aux Affaires humanitaires, Ahmed Haroun, et d’un chef des milices pro-gouvernementales janjawid, Ali Kosheib. Khartoum a refusé de les livrer, à plusieurs reprises. Selon le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, « tout geste des autorités soudanaises qui serait en conformité avec les décisions déjà rendues de la CPI constituerait un élément d’appréciation positif ».
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