par RFI
Article publié le 14/07/2008 Dernière mise à jour le 14/07/2008 à 20:31 TU
Luis Moreno-Ocampo, procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a réclamé, lundi, aux magistrats de cette cour d’émettre un mandat d’arrêt contre le chef de l’Etat soudanais. Le communiqué diffusé au siège de la CPI à La Haye affirme que le procureur « a présenté des éléments de preuve qui démontrent que le président du Soudan, Omar Hassan Ahmad el-Béchir, a commis des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre au Darfour ». L’accusation a ainsi demandé « la délivrance d’un mandat d’arrêt ». Il s’agit de la première demande d’arrestation d’un chef d’Etat en exercice pour être traduit devant la CPI, qui est le seul tribunal permanent pour juger les auteurs de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Comme prévu, le gouvernement de Khartoum a aussitôt rejeté cette demande d’inculpation.
Luis Moreno-Ocampo, procureur de la CPI, demande l'inculpation du président soudanais Omar el-Béchir, le 14 juillet 2008, à La Haye, pour des crimes commis au Darfour.
(Photo : Reuters)
Le procureur de la CPI a accusé le président soudanais de vouloir « mettre un point final à l’histoire des peuples » vivant au Darfour, utilisant pour cela son armée et enrôlant des milices. Luis Moreno-Ocampo, juriste argentin de 56 ans, a notamment déclaré que « dans les camps, les forces de M. el-Béchir tuent les hommes et violent les femmes. Il veut mettre un point final à l’histoire des peuples four, masalit et zagawa ». Selon Luis Moreno-Ocampo, le projet n'était en fait pas uniquement de réprimer la rébellion. D'après lui, le président soudanais a pris le prétexte de la lutte contre l'insurrection, mais en fait il visait le génocide. Il a, selon la CPI, cherché à soumettre les 2 millions 450 mille déplacés à des conditions qui ne pouvaient qu'entraîner leur destruction physique.
Le président el-Béchir devant ses supporters qui protestent contre les intentions de la CPI, le 13 juillet 2008, à Khartoum.
(Photo : AFP)
Le président soudanais est ainsi sous le coup de dix chefs d’accusation pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Selon le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, « Omar el-Béchir a mobilisé l’ensemble de l’appareil d’Etat, y compris l’armée, la justice et la police, ainsi que les milices janjawid, dans le but de détruire les peuples Fours, Masalit et Zagaws au Darfour ». Selon la procédure de la Cour pénale internationale, le procureur a déposé, devant les trois juges de la première chambre préliminaire, les preuves dont il dispose. Il leur a ainsi demandé de délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre du président soudanais.
C’est maintenant aux juges de décider de l’opportunité d’une inculpation. Selon le procureur, « la décision d’éliminer ces trois groupes ethniques du Darfour a été formellement prise par Omar el-Béchir en sa qualité de chef de l’Etat. Les attaques contre les villages, puis contre les fugitifs et les camps de réfugiés participent, selon lui, d’une campagne coordonnée contre les civils. Le viol, la faim et la peur sont, selon le procureur, les armes utilisées pour commettre ce génocide, toujours en cours au Darfour. Les opérations décrites comme destinées à lutter contre la rébellion, n’ont jamais été qu’un prétexte ».
Le gouvernement soudanais a immédiatement réagi et a aussitôt rejeté cette demande d'inculpation. Khartoum a menacé d'une « réaction » si l'affaire était portée devant les Nations unies. « L'accusation contre le président ne tient pas du tout compte des efforts du gouvernement, des puissances régionales et de la communauté internationale » pour la paix au Darfour, a affirmé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ali al-Sadiq. Il s'est néanmoins déclaré favorable à la poursuite de l'opération hybride ONU/UA.
En revanche, les rebelles du Darfour, du Mouvement pour la Justice et l’égalité, se sont déclarés très satisfaits. Le MJE avait attaqué il y a quelques semaines la zone de capitale soudanaise.
Du Mouvement rebelle du Darfour
« Omar el-Béchir est un génocidaire typique, il a fait mourir plus de 300.000 personnes ici au Darfour, il a fait brûler plus de 4000 villages ».
La Ligue arabe a indiqué lundi qu'elle tiendrait une réunion extraordinaire sur le Soudan mercredi prochain pour aborder la mise en cause du président soudanais par le procureur de la Cour pénale internationale.
La situation au Soudan inquiète évidement la communauté internationale qui craint des représailles contre des civils et contre la Minuad, la force mixte ONU/Union africaine déployée au Darfour qui a déjà subi des attaques. Sept soldats de cette force hybride ont été tués mardi dernier lors d’une attaque qui, selon des sources diplomatiques, n’émanait pas des rebelles du Darfour. Selon Gabriel Trujillo, responsable des programmes de Médecins sans frontières au Darfour, son organisation va probablement être forcée à réduire certaines de ses activités sur place.
Responsable des programmes de MSF au Darfour
« On l’a vu dans le passé, lorsqu’il y a eu l’inculpation de deux personnes soudanaises, il y avait eu une augmentation d’attaques sur le personnel humanitaire… »
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon attend du Soudan qu'il assure la sécurité des personnels des Nations unies. Les Etats-Unis ont pris des « mesures appropriés » pour assurer la sécurité des citoyens américains au Darfour, a annoncé ce lundi le Département d’Etat à Washington. La Maison Blanche a déclaré, de son côté, que les Etats-Unis allaient examiner la demande de mandat d'arrêt contre le président soudanais et appelé toutes les parties au calme.
Les forces gouvernementales soudanaises, avec l’appui des milices arabes janjawid, font la guerre aux rebelles du Darfour, depuis février 2003. Selon les agences des Nations unies, le conflit dans cette province occidentale du Soudan, a déjà fait plus de 300 000 morts, entraînant le déplacement de plus de deux millions de personnes. Le gouvernement de Khartoum affirme que le nombre de victimes est d’à peine 10 000.
La CPI, chargé en mars 2005 par le Conseil de sécurité d'enquêter au Darfour, a déjà émis des mandats d'arrêt contre les Soudanais Ahmed Haroun, actuel ministre soudanais aux Affaires humanitaires, et Ali Kosheib, un chef de la milice pro-gouvernementale janjawid. Mais le président Omar el-Béchir a toujours refusé de les remettre à la CPI.
A écouter
«La nouvelle est tombée ; comme prévu, de petites manifestations ont eu lieu dans les rues de Khartoum aux cris de : 'Il n’y a de Dieu que Dieu' ou encore 'Béchir est le père de la patrie'».
14/07/2008 par Stéphane Auboire
Ministre français des Affaires étrangères
«C’est une décision de la Cour pénale internationale que doit respecter le président Béchir. Ceci dit, nous sommes conscients de la nécessité de parler avec le président Béchir...»
14/07/2008 par Laurent Correau
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