par RFI
Article publié le 01/08/2008 Dernière mise à jour le 01/08/2008 à 05:27 TU
De nouveaux billets de banque apparaissent ce vendredi 1er août au Zimbabwe. Ce pays où l'inflation est la plus forte au monde: plus de 2 millions pour cent par an, selon les chiffres officiels, plus de dix millions pour cent, selon les chiffres officieux. Pour combattre cette hausse vertigineuse des prix, la Banque centrale vient de faire imprimer de nouveaux billets avec dix zéros de moins que ceux actuels. Une mesure qui ne convainc pas les économistes.
Un ancien billet de 500 000 dollars zimbabwéen qui sera remplacé par de nouvelles coupures le 1er août 2008.
(Photo: DR)
« Prenez une grenouille. Mettez-lui du rouge à lèvre. Elle changera d'apparence mais pas de nature. Cela restera une grenouille. » C'est un homme d'affaires qui fait le parallèle entre le batracien et l'hyperinflation. Selon lui, pour les semaines à venir, les Zimbabwéens ne devraient plus passer leur temps à compter les zéros mais, dans le fond, rien ne va changer.
Un plat de poulet avec du riz va passer de 800 milliards de dollars à huit dollars, une miche de pain de 200 milliards à deux dollars, ce qui facilitera les calculs dans les magasins et les restaurants mais d'après l'économiste zimbabwéen John Robertson, le problème est ailleurs. « Avec une inflation quotidienne supérieure à 30%, les zéros reviendront presque aussi vite qu'ils sont partis. Notre problème, c'est la pénurie de biens de consommation et de devises étrangères ».
Un autre économiste de la place n'est pas plus optimiste. Selon lui, changer de monnaie est inutile quand les dépenses du gouvernement continuent de croître, que la production est au plus bas, que les investissements étrangers sont en berne et que le taux de change ne bouge pas. Pour cet économiste, mettre un terme à l'hyperinflation passe par un règlement politique de la crise. Si tel n'est pas le cas, les nouveaux billets n'auront qu'une utilité : soulager les commerçants et les banquiers qui ne s'en sortaient plus dans leurs comptes.
Scepticisme et risques d’inflation aggravée
C'est la deuxième fois en deux ans que le Zimbabwe réévalue sa monnaie. La situation monétaire est catastrophique. Qu’est-ce que ces nouveaux billets vont changer ?
Tania vit seule avec sa fille. Son mari, comme beaucoup de Zimbabwéens, est parti en Afrique du Sud pour travailler. L'argent qu'il leur envoie est leur seule source de revenus. Selon Tania, dix zéros de moins sur les billets ne vont pas changer son quotidien. « Il y a un problème de pénurie d'argent. En plus, les gens ici ne gagnent pas assez pour vivre. Alors les nouveaux billets ne vont pas changer grand-chose. Et puis il n'y a pas de nourriture. On ne peut même pas trouver du pain, du lait ou du sucre ici. Alors cet argent va nous servir à quoi ? Avant, on faisait trois repas par jour. Aujourd'hui ce n'est plus possible. On ne mange qu'une fois et quelques légumes. On n'a même pas les moyens d'acheter de la viande. Je n'ai même pas les moyens d'envoyer tous les jours ma fille à l'école. Les transports sont trop chers. Elle y va le lundi et le vendredi et le reste du temps, elle reste à la maison. C'est dur, je ne peux pas acheter ce que je veux. Acheter ce que je veux pour mon enfant. C'est dur de voir ses enfants pleurer de faim. Ca me rend malade ».
Même scepticisme du côté du Syndicat des exploitants et commerçant agricoles. Déon Theron, vice-président du syndicat : « La seule chose qui peut relancer l'économie, c'est de produire. Ce n'est pas d'enlever dix zéros. Cela n'a aucun impact sur l'économie. Ni sur l'inflation, ni sur le commerce. Nous étions l'un des greniers de l'Afrique. La seule chose qui a changé, c'est que la démocratie a été jetée à la poubelle. Les personnes qui sont censés produire ne le peuvent pas pour des raisons politiques. Les Zimbabwéens meurent de faim. Et la communauté internationale doit rester ferme et condamner les abus. Les fermiers ont besoin de sécurité. Parce que si je ne peux pas être sûr que je serai encore à la ferme demain, je ne vais pas être très productif. Une centaine de fermiers sont en train d'être jugés. D'autres ont été expulsés de leurs terres. Et ils ont été remplacés par des gens qui ne produisent rien ».
Les économistes à Harare voient pourtant deux avantages à cette dévaluation. Cela va permettre aux systèmes informatique des banques, qui ne parvenaient plus à gérer les multiples billets, de fonctionner normalement à nouveau. Le dernier en date de ces billets s'élevait à 100 milliards de dollars zimbabwéens. En outre, l’impression de nouveaux billets devrait permettre de réduire la crise de liquidité qui mine actuellement le pays. Mais il y a pourtant un inconvénient majeur : l’inflation pourrait encore augmenter, selon Tony Hawkins, économiste à Harare : « L'inflation pourrait s'aggraver. Parce que, d'abord, la banque centrale va remettre en circulation des billets de 10 dollars ou des pièces, qu'on n’utilisait plus. Cela va accroître la masse monétaire et donc les tendances inflationnistes. Ensuite, les commerces vont en profiter pour réajuster leurs prix à la hausse. Il n'y a rien que la banque centrale n'ait fait pour lutter contre l'inflation. Le gouvernement va continuer d'imprimer des billets et de les distribuer à leurs sympathisants. Donc l'inflation risque de s'aggraver, avant de s'améliorer ».
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