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Mauritanie / France

Paris gèle son aide non humanitaire

par  RFI

Article publié le 11/08/2008 Dernière mise à jour le 12/08/2008 à 11:14 TU

Dans un communiqué, Paris exhorte la junte militaire à revenir à la situation qui prévalait avant le coup d'Etat. Le chef de la junte, le général Ould Abdel Aziz, a reçu, dimanche à Nouakchott, les ambassadeurs de France, d'Allemagne, d'Espagne et des Etats-Unis, ainsi que le délégué de la Commission européenne et le représentant du Programme des Nations unies pour le Développement. À la suite de cette rencontre, la communauté internationale s’est prononcée contre un scrutin « unilatéral ». Les putschistes ont annoncé, lundi, avoir libéré le Premier ministre  ainsi que trois autres personnalités, mais ils maintiennent le premier président démocratiquement élu du pays, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, en résidence surveillée. Les partis opposés au coup d'Etat ont pu manifester lundi après-midi à Nouakchott.

Les putschistes ont libéré le Premier ministre mauritanien Yahya Ould Ahmed Waghf, ce lundi 11 août 2008.(Photo : AFP)

Les putschistes ont libéré le Premier ministre mauritanien Yahya Ould Ahmed Waghf, ce lundi 11 août 2008.
(Photo : AFP)

La France a décidé de geler, à partir de ce lundi, ses projets d'aide publique au développement en Mauritanie, à l'exception de l'aide humanitaire et alimentaire, et envisage de nouvelles sanctions après le coup d'Etat survenu le 6 août dernier.  

Dans un communiqué diffusé lundi après-midi, l’Elysée a annoncé le gel des « projets d’aide publique au développement en Mauritanie, à l’exception de l’aide humanitaire et alimentaire. Elle se tient prête à examiner avec ses partenaires de l’Union européenne de nouvelles mesures de sanctions  ». Le communiqué souligne, également, que « la France réitère avec la plus grande fermeté son appel à la remise en liberté immédiate du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi ».

La présidence de la République française rappelle également qu’elle rejette « le principe de nouvelles élections présidentielles en Mauritanie ». Selon le communiqué de l’Elysée, la France se félicite de l’engagement de l’Union africaine (UA) et lui renouvelle son plein appui. Elle exhorte par ailleurs la junte militaire à coopérer au plus vite avec l’UA et la communauté internationale « pour assurer le rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel issu des élections de mars 2007 ».

Le président est toujours arrêté

Le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi était toujours en résidence surveillée, tandis que le Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghf et le ministre de l’Intérieur Mohamed Ould R’Zezi ont été libérés ce lundi, selon le chef de cabinet du gouvernement mauritanien. Ils avaient été arrêtés, avec le président Abdallahi, mercredi 6 août, au moment du putsch.

Le Premier ministre mauritanien est libéré

« Je vais travailler avec mes collègues pour rétablir la démocratie afin que le président de la République puisse revenir exercer le plus normalement possible. »

écouter 01 min 10 sec

12/08/2008 par Olivier Roux

La libération du Premier ministre mauritanien est sans nul doute un geste de détente du chef de la junte envers la communauté internationale. En effet depuis plusieurs jours, les diplomates occidentaux et africains ne cessent de réclamer la libération de tous les dirigeants arrêtés, mercredi dernier, au moment du putsch. Mais pour l'Union européenne, ce n'est pas suffisant. Bruxelles réclame, outre la remise en liberté du président Abdallahi, le rétablissement des dirigeants élus dans leurs fonctions.

L'Union européenne laisse cependant à la junte le temps de réagir à ses exigences et, selon le porte-parole John Clancy, Bruxelles n'a pas encore pris formellement la décision de geler son aide au développement. La France, de son côté, qui tient au rétablissement de l'ordre constitutionnel issu des élections de mars 2007, a déjà gelé ses projets d'aide publique au développement.

Des groupes de manifestants soutenant le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi (à gauche) ou la junte militaire (à droite) à Nouakchott le 11 août 2008.(Photo : AFP)

Des groupes de manifestants soutenant le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi (à gauche) ou la junte militaire (à droite) à Nouakchott le 11 août 2008.
(Photo : AFP)

La volonté affichée par le nouvel homme fort mauritanien d'organiser de nouvelles élections n'a pas non plus suscité l'enthousiasme de la communauté internationale qui avait financé à grand frais la première transition. Reste à savoir jusqu'où les partenaires de Nouakchott sont prêts à aller dans le bras de fer. Pour l'heure, Paris et Bruxelles commencent à peine à évoquer de possibles sanctions.

Plusieurs milliers de partisans du président mauritanien ont participé ce lundi, dans un stade de Nouakchott, à une manifestation contre le coup d’Etat, en présence du Premier ministre et des autres personnalités, libérées quelques heures auparavant.

Abdallah Ould Boubou

Secrétaire général de l'Union des travaileurs mauritaniens

« Nous ne voulons pas de putsch militaire, c’est un non exprimé par tout le peuple, par toutes les forces vives, nous ne voulons pas de nouvelles élections !»

« Oui à la légalité, non au coup d’Etat, oui à la Constitution, non à la dictature ».

Plusieurs milliers de manifestants sont réunis au pied d’une petite tribune, occupée par tous les leaders politiques qui condamnent le coup d’Etat. Ils tiennent à bout de bras des portraits du président déchu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi. En plein milieu du meeting, c’est la surprise. Les quatre personnalités arrêtées le jour du putsch ont été libérées et arrivent sous les applaudissements. Il y a le Premier ministre, mais aussi Ahmed Sidi Baba, le président du Conseil économique et social. Il s’en prend aux partis qui n’ont pas dénoncé le putsch. « Notre opposition malheureusement, s’est déconsidérée. En refusant de prendre la position qu’elle prenait d’habitude, qui consiste à condamner la prise du pouvoir par la force, elle se lèche les babines et elle se dit : C’est l’occasion, parce que l’on annonce une élection présidentielle, pour que nous arrivions au pouvoir ! J’en ai honte, je dois vous le dire ». Les participants eux, en veulent surtout aux militaires. « Le peuple en a marre des militaires. Ils n’ont qu’à laisser les civils gérer le pays. On avait peur de dire, maintenant, on a plus peur : Notre espoir est coupé. On pensait que le pays allait vivre la démocratie ; c’est le contraire qui vient de se produire maintenant ». Plus de deux heures de meeting contre les nouveaux maîtres du pays ; une forme de résistance politique plutôt rare dans l’Histoire de la Mauritanie.