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Pakistan

La difficile succession de Musharraf

par Alain Renon

Article publié le 05/09/2008 Dernière mise à jour le 06/09/2008 à 15:06 TU

Les élus du Parlement fédéral et des quatre assemblées provinciales ont élu aujourd'hui le nouveau président de la République Islamique du Pakistan. La fonction était vacante depuis la démission, le 18 août, de Pervez Musharraf, alors sous la menace d’une procédure de destitution. Parmi les trois candidats en lice, c'est Asif Ali Zardari, le dirigeant du Parti du peuple du Pakistan (PPP), qui a été choisi. La tâche politique, économique et sécuritaire du vainqueur s’annonce très délicate.

Asif Ali Zardari âgé de 53 ans, veuf de Benazir Bhutto, a été élu président du Pakistan.(Photo: reuters)

Asif Ali Zardari âgé de 53 ans, veuf de Benazir Bhutto, a été élu président du Pakistan.
(Photo: reuters)

La victoire électorale s'annonçait facile pour le dirigeant du Parti du Peuple pakistanais. Asif Ali Zardari dispose en effet d'une majorité dans les deux chambres du Parlement fédéral, à Islamabad, et dans au moins deux des quatre assemblées provinciales du pays, et ce à la faveur des élections de février et d'alliances de circonstances nouées depuis l'éclatement de la coalition avec la Ligue musulmane de Nawaz Sharif.

La PML-N n’a pas accepté la candidature du veuf de Benazir Bhutto, alors que n’est toujours réglée la crise des juges limogés l’an dernier par Pervez Musharraf. C’est d’ailleurs pour le rappeler à son ancien allié que la Ligue a choisi pour candidat un ancien président de la Cour suprême, Saeed u Zaman Siddiqui. Ce dernier est surtout là pour souligner que la Ligue est bien dans l'opposition. Et une opposition toujours anti-Musharraf, le dernier carré de fidèles de l'ex-président ayant lui aussi son prétendant à la succession, en la personne de Mushaid Hussein, secrétaire général de la PML-Q.

Chokat Kadir

Ancien général de l 'armée pakistanaise

« Rien dans ce qu’il a fait n’est très encourageant sur la manière dont il pourra régler les problèmes du Pakistan comme le terrorisme et la sécurité, ce sera son premier défi (...) mais tout ce que je connais de Zardari c’est son surnom "Monsieur 10 %".... »

écouter 0 min 59 sec

06/09/2008 par Nicolas Vescovacci

Faiblesses personnelles

Même élu haut la main, Zardari aura bien du mal à s’imposer. D’abord et surtout à la population pakistanaise, pour laquelle il est, au mieux, le veuf de Benazir Bhutto, au pire - et le plus souvent - « Monsieur 10% », en référence assassine aux soupçons de commissions occultes qu’il aurait perçues dans chaque contrat public signé pendant son passage au ministère des Investissements en 1995 et 1996, dans le deuxième gouvernement de son épouse (voir portrait, ci-dessous). Cette étiquette de corruption et d’âpreté personnelle au gain a d’ailleurs suscité un réel malaise au sein de la direction du PPP, au moment de la désignation du candidat du parti.

Certains cadres ont publiquement désapprouvé sa nomination, en invoquant diplomatiquement la nécessité d’avoir un président moins marqué politiquement. Mais derrière l’argument du chef de l’Etat au dessus des partis, ce sont les problèmes de la gestion personnelle et familiale du parti ainsi que son image de marque, ternie par la réputation d’escroc de Zardari, qui agitent et divisent même le PPP.

Défis majeurs

A la tête d’un parti affaibli, le veuf de Benazir Bhutto va rapidement être confronté à la question des pouvoirs que s'était octroyés le général Musharraf, dont celui de dissoudre l'assemblée fédérale et de renvoyer le Premier ministre. Le candidat du PPP a promis d'y renoncer, mais sans convaincre, vue la fragilité de sa majorité parlementaire (qui associe, notamment, des ultra-laïcs et des élus fondamentalistes musulmans) et aussi la crise économique que traverse le pays.

Qu’il s’agisse de l’inflation, supérieure à 25%, des longues et quotidiennes coupures de courant, de la chute vertigineuse de la roupie, la monnaie nationale, ou des faillites d’entreprises qui se multiplient, le PPP, qui dirige le gouvernement fédéral, n’a apporté aucune réponse politique jusqu’à présent.

Mariam Abou Zahab

chercheuse au CERI-Sciences Po, enseignante à l'Inalco et spécialiste du Pakistan

« Personne n'a confiance en lui. Par exemple il est revenu trois fois sur un engagement écrit, à propos de la réintégration du président de la Cour suprème en disant 'mais c'est de la politique, un engagement écrit c'est pas le Coran', ce qui est très choquant pour la population. »

Beaucoup enfin doutent tout autant de sa capacité à contrer les talibans, autre défi majeur du pays. A commencer par les Etats-Unis, qui ont nettement resserré les liens avec les patrons de l'armée pakistanaise, comme en a récemment témoigné la rencontre, à l’initiative de Washington, du chef d’état-major interarmées américain, le général Michael Mullen, et de son homologue pakistanais, le général Ashfaq Kayani.

Dans l'ombre de Benazir Bhutto


On le présente moins par son propre nom que comme le veuf de Benazir Bhutto.

Car dans l'alliance que scellent les deux grandes familles de la province méridionale du Sindh, fin 1987, avec le mariage d'Asif Ali Zardari et de Benazir Bhutto, c'est évidemment la fille de l'ancien président pakistanais et fondateur du PPP, qui dépose la puissance politique dans la corbeille de mariage. Pour le meilleur, quand son épouse est au pouvoir de 88 à 90 puis de 93 à 96. Et pour le pire, dès qu'elle doit lâcher les rênes. Zardari est sur la sellette pour corruption, extorsions et même assassinat.

Des accusations, qui lui vaudront en tout 11 ans de prison, avant de rejoindre son épouse en exil, et un surnom : « Monsieur 10% » ; 10% de commissions qu'il est soupçonné d'avoir empochées pour chaque contrat public, pendant son passage au ministère des Investissements. Cette sale réputation ne le quittera plus, malgré l'amnistie politique accordée par Musharraf, il y a un an, et qui permet au couple de rentrer au Pakistan ; malgré l'assassinat de Benazir Bhutto puis la victoire électorale du PPP, qu'il dirige avec son fils Bilawal et qui lui a ouvert la porte de la présidence.

A.R.

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