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Finance

Le Trésor américain au chevet de Fannie et Freddie

par Myriam Berber

Article publié le 08/09/2008 Dernière mise à jour le 09/09/2008 à 01:33 TU

Le secrétaire au Trésor Henry Paulson (à gauche) et le directeur du FHFA, Federal Housing Finance Agency, l’Autorité de régulation, James Lockhart (à droite), le 7 septembre 2008.( Photo : Reuters )

Le secrétaire au Trésor Henry Paulson (à gauche) et le directeur du FHFA, Federal Housing Finance Agency, l’Autorité de régulation, James Lockhart (à droite), le 7 septembre 2008.
( Photo : Reuters )

Les deux agences de refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac qui détiennent ou garantissent à, eux seuls, la moitié des prêts immobiliers en cours aux Etats-Unis, seront reprises temporairement par le Trésor américain. Cette intervention dont le principe avait été annoncé en juillet, a pour but de restaurer la confiance sur les marchés du crédit immobilier. Ce sauvetage public n’est pas une première. Les Etats-Unis, pays libéral, sont déjà intervenus pour soutenir des banques ou des entreprises stratégiques.

En annonçant dimanche soir son soutien aux deux géants du refinancement hypothécaire américain, Washington a fait preuve de pragmatisme. Le sauvetage de Fannie Mae et Freddie Mac a soulagé les places boursières en Asie et en Europe. Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet a salué «une décision bienvenue » et le Fonds monétaire international a estimé que ce plan contribuera à améliorer «les perspectives économiques et financières mondiales ». Avec l’accord de la Réserve fédérale, des leaders du Congrès et le soutien politique des deux candidats à la Maison Blanche, le plan du secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson prévoit de mettre sous la tutelle du gouvernement les deux sociétés Fannie Mae et Freddie Mac.

Pour éviter la faillite, le Trésor se dit prêt à injecter jusqu’à 100 milliards de dollars (70 millions d’euros) dans chacune des sociétés. Le Trésor va ainsi acquérir des actions préférentielles de chacun des établissements et leur racheter une partie de leurs créances hypothécaires sur le marché. « Une mesure nécessaire pour renforcer le marché américain de l’immobilier et promouvoir la stabilité sur nos marchés financiers », a commenté Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale américaine, la Fed.

Une perte de 90% de leur valeur en bourse

Les deux établissements dont les dirigeants ont été remerciés seront placés sous le contrôle de l’Autorité de régulation, la Federal Housing Finance Agency (FHFA). Il s’agit d’une nationalisation temporaire, puisque la tutelle durera tant que les deux établissements n’auront pas restructurés leurs finances. Les deux sociétés affichent 14 milliards de dollars de pertes cumulées au cours des quatre derniers trimestres. De plus, elles doivent régler une dette de 223 milliards de dollars qui arrive à échéance fin septembre 2008.  

Depuis le début de la crise des crédits immobiliers à risques ( subprimes ), les deux agences ont, en effet, perdu 90 % de leur valeur en bourse. Leur déroute aurait eu un effet catastrophique sur l’ensemble du système bancaire et sur les particuliers endettés : « un risque inacceptable pour l'économie américaine », selon le président Bush. Aux Etats-Unis, 2, 2 millions de procédures de saisies immobilières ont été lancées en 2007. Fin juillet 2008, selon des chiffres officiels, un ménage américain sur trois était débiteur (ou proche de l’être) d’un emprunt immobilier supérieur au prix de sa maison.

Fannie Mae et Freddie Mac sont en effet un rouage essentiel du financement immobilier américain. Elles rachètent aux banques leurs créances immobilières et les revendent titrisées, autrement dit sous forme d’obligations, aux investisseurs. Les banques ont ainsi davantage de liquidités pour accorder de nouveaux prêts. Créées par le gouvernement en 1938 pour fournir des liquidités au secteur immobilier et encourager l’accès à la propriété, elles sont ensuite devenues des sociétés privées, cotées en Bourse mais garanties par l’Etat. A elles deux, elles détiennent 5 200 milliards de dollars de créances hypothécaires, soit près de la moitié des encours des prêts hypothécaires du pays.

Des précédents dans l’histoire américaine

La décision de prendre le contrôle de Fannie Mae et Freedie Mac pourrait se révéler le sauvetage financier le plus important de l’histoire américaine. Mais ce n’est pas la première fois que le gouvernement fédéral intervient de manière active pour aider ses entreprises. En mars 2008, le sauvetage de la banque d’affaires Bear Stearns, avait été conduite par la Fed qui avait accepté de financer son rachat par une ses concurrentes, JPMorgan Chase, en lui apportant 30 milliards de dollars de liquidités. Ce sauvetage de Fannie Mae et Freedie Mac rappelle surtout celui des caisses d’épargnes américaines en déroute à la fin des années 80 suite à une vague de spéculation immobilière et renflouées à hauteur de 150 milliards de dollars.

En dehors des établissements financiers, le gouvernement fédéral est déjà intervenu de manière active pour soutenir des entreprises stratégiques. En 1971, sous l’administration Nixon, le Congrès vote une loi, l’Emergency Loan Guarantee Act, pour accorder au groupe militaire Lockheed un prêt de 250 millions de dollars et le sauver de la faillite. A l’époque, la presse s’interroge déjà sur le bien fondé de ce type de sauvetage public dans un pays aussi libéral que les Etats-Unis, en particulier sous administration républicaine. Quelques années plus tard en 1979, c’est au tour du constructeur automobile Chrysler de recevoir 1,5 milliard de dollars de fonds publics de l’administration démocrate. « Grâce à ces fonds publics, 200 000 emplois seront préservés dans l’industrie automobile », explique alors le président Jimmy Carter. Enfin, en 2001, après les attaques terroristes du 11 septembre, le Congrès débloque une aide de 15 milliards de dollars en faveur des compagnies aériennes.