Article publié le 07/10/2008 Dernière mise à jour le 07/10/2008 à 14:21 TU
Le rapport du 24 septembre révélant les investissements de la banque chinoise, Bank of East Asia (BEA), chez Lehman Brothers a semé la panique à Hong-Kong.
(Photo : AFP)
La Chine n’injectera pas d’argent pour sauver les marchés américains de la crise du crédit. Malgré l’adoption par le Congrès américain du plan Paulson de 700 milliards de dollars, la presse chinoise publie ouvertement les réticences des milieux d’affaires à Pékin quant à investir aux Etats-Unis. Le fonds souverain chinois a préféré ne prendre aucune participation dans les établissements touchés par la crise. La Chine veut rester à l’écart de la tourmente financière internationale. Sans surprise, elle a accueilli timidement l’initiative lancée par Séoul d’un sommet régional avec le Japon et la Corée du Sud.
De notre correspondant à Shanghai, Joris Zylberman
« La plus grande contribution pour le monde de la part d’un pays de 1,3 milliard d’habitants, c’est de maintenir une croissance stable et rapide sur le long terme ». La phrase est du Premier ministre chinois Wen Jiabao. L’information se trouve dans ce qui n’est pas dit : Pékin n’a pas l’intention d’investir en masse à Wall Street pour sauver les marchés financiers américains de la crise. Lundi, le quotidien China Business News avait prêté de telles intentions à Liu Minkang, le directeur de la Commission chinoise de régulation bancaire (CBRC). Mais ce mardi, l’agence a formellement démenti : « Liu Minkang n’a jamais rien de dit de tel, cette histoire ne tient pas debout », a martelé un porte-parole sur le site internet de la CBRC.
Confinée jusque-là dans le non-dit, ce « refus » chinois s’exprime désormais au grand jour. En une de son édition d’outre-mer, le Quotidien du Peuple, organe du Parti communiste, publie aujourd’hui une tribune sans détour de Shi Jianxun, professeur d’économie à l’University de Tongji à Shanghai. Selon lui, « le monde doit éviter autant que possible de payer la note du plan de sauvetage américain, […] tout en réclamant une réforme du système financier et monétaire international pour en finir avec l’hégémonie du dollar ». Le plan Paulson, approuvé le 3 octobre par le Congrès à Washington, ne trouve aucune grâce aux yeux de l’économiste shanghaïen. Ce plan de 700 milliards de dollars va creuser le déficit des Etats-Unis, dénonce-t-il, provoquant une nouvelle chute du dollar et augmentant ainsi l’inflation sur les marchés internationaux.
« Aucun intérêt à acheter des actifs américains ! »
Qui éponge en effet les dettes américaines depuis quelques décennies ? Les pays riches en devises étrangères, la Chine en tête. Le géant asiatique est assis sur la plus grosse réserve de change dans le monde, près de deux mille milliards de dollars. En 2006, Pékin a créé la China Investment Corporation (CIC), un fonds souverain doté de 200 milliards de dollars à investir à l’étranger pour éviter que son trésor ne perde de la valeur. A l’époque, la Chine partait la fleur au fusil à la conquête de Wall Street. Mais aujourd’hui, l’état d’esprit a bien changé. « Vous trouverez ces jours-ci plein d’actifs bon marché, mais quel est l’intérêt de les acheter ? », interroge Guo Shuqing, président de la China Construction Bank, dans une interview au quotidien cantonnais 21st Century Business Herald.
De Pékin à Shanghai, le raisonnement est simple. Prenez l’exemple de Morgan Stanley qui, fin septembre, avait appelé la CIC à la rescousse. Le fond souverain chinois avait l’occasion d’acquérir 49 % de l’une des seules grandes banques américaines d’investissement à tenir le coup. Mais le deal a capoté. Selon les observateurs, Pékin a mal digéré la mauvaise opération de 2007 : la CIC avait alors acheté 9,9 % du capital de Morgan Stanley et pris 10 % de participation dans le groupe Blackstone. Autant d’investissements qui, aujourd’hui, valent seulement la moitié de la mise de départ.
Repli temporaire
« Le gouvernement chinois est également accusé à Pékin de délaisser les marchés financiers et les champions nationaux », précise Shi Jianxun de l’Université de Tongji. La Chine s’est donc repliée temporairement sur elle-même pour soutenir d’abord ses milieux financiers. Les autorités ont supprimé les taxes sur l’achat d’actions et baissé les taux d’intérêt, pour la première fois en six ans. Quant à la CIC, elle a augmenté sa participation massive dans trois des grandes banques du pays. Soit le contraire de sa vocation ! Du coup, c’est le Japon qui a profité de la prudence chinoise. Le 22 septembre dernier, Mitsubishi UFJ, la plus grande banque nipponne, a notamment annoncé une prise de participation de 10% à 20 % dans Morgan Stanley, devenant ainsi le principal actionnaire devant la CIC.
Plus méfiante que jamais, la Chine se garde bien de lancer des idées de coopération internationale, voire seulement régionale. L’initiative est venue de la Corée du Sud. Ce lundi, Séoul a proposé un sommet à trois avec Pékin et Tokyo pour se préparer aux conséquences de la crise sur l’économie réelle en Asie. « Nos pays peuvent surmonter intelligemment la crise s’ils joignent leurs forces », a déclaré le président sud-coréen Lee Myung-Bak. « La Chine est d’accord pour discuter de la tenue d’un tel sommet », a répondu Qin Gang, porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères. En clair, il est urgent d’attendre.
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