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Afrique du Sud

L’ANC s’entre-déchire

Article publié le 08/10/2008 Dernière mise à jour le 08/10/2008 à 19:20 TU

Deux anciens ministres de l’ANC, fidèles de l’ex-chef d’Etat Thabo Mbeki, ont annoncé le lancement probable d’un nouveau parti, d’ici deux à trois semaines. Ils accusent le président de l’ANC, Jacob Zuma, d’avoir trahi les idéaux du parti.

De notre correspondante à Johannesburg, Valérie Hirsch

Mosiuoa Lekota, ex-ministre sud-africain de la Défense : «&nbsp;<em>Zuma devrait passer en justice&nbsp;</em>».(Photo : Reuters)

Mosiuoa Lekota, ex-ministre sud-africain de la Défense : « Zuma devrait passer en justice ».
(Photo : Reuters)

« Nous leur présentons nos papiers de divorce ! ». Mosiuoa Lekota, l’ex-ministre de la Défense (qui avait démissionné après le départ forcé de Thabo Mbeki, le 21 septembre) était tout sourire, hier à Johannesburg, en annonçant la création probable d’un nouveau parti. Le divorce n’est pas encore consommé. « Mais s’ils [ le président de l’ANC Jacob Zuma et les autres dirigeants du parti ] continuent à se montrer aussi arrogants, nous réunirons, d’ici deux à trois semaines,  une convention au sein de l’ANC pour créer un parti, qui pourrait se présenter aux élections de l’an prochain. Nous ne permettrons pas que l’on détruise la démocratie sud-africaine ! »

Depuis un an, Lekota est la bête noire du camp Zuma. En décembre dernier, lors du congrès de l’ANC, il avait perdu son poste de « national chairman », après avoir dénoncé à maintes reprises les débordements de Zuma et de ses supporteurs. Lekota les accuse d’avoir encouragé le tribalisme (avec leurs fameux T-shirts « 100 %  Zulu boy ») et la violence. L’ancien ministre reproche notamment à Zuma d’avoir choisi un hymne de la lutte armée (« Donne-moi ma mitraillette ») comme cri de ralliement et de n’avoir jamais dénoncé les menaces de ses partisans de prendre les armes, en cas de procès pour corruption.  « Zuma devrait passer en justice. Mais désormais, ce sont les foules qui dictent aux juges ce qu’ils doivent faire ! L’ANC ne respecte plus le principe de l’égalité devant la loi ». Le « limogeage » de Mbeki a été « la cerise sur le gâteau », selon George Mluleki, l’ex-secrétaire d’Etat à la Défense, venu soutenir Lekota. Mais personne ne sait si l’ex-chef d’Etat participera au schisme.

« Les poids lourds de l’ANC ne vont pas partir »

Si un nouveau parti est créé, quelles sont ses chances de réussite ? « Ceux qui ne sont pas alignés sur Zuma sont persécutés et il y a un mécontentement profond à la base du parti, affirme Lekota. Dans les deux provinces du Cap, plus d’un millier de militants ont quitté l’ANC ». Mais du côté des commentateurs politiques, on est prudent : « Même si beaucoup sont mécontents, ils resteront fidèles à l’ANC par tradition. Les poids lourds de l’ANC ne vont pas partir », affirme Steven Friedman, du Centre pour l’étude de la démocratie. « Comme les autres partis d’opposition, une nouvelle formation risque de se limiter à une présence régionale, qui ne remettra pas en cause l’hégémonie de l’ANC », ajoute Dirk Kotze de l’Université d’Afrique du Sud, à Pretoria.

Après avoir tiré à boulets rouges sur Lekota, traité de « cheval à l’agonie » dans un échange acrimonieux de « lettres ouvertes » publiées la semaine dernière dans la presse, la direction de l’ANC semble avoir pris conscience d’un danger : « Le mariage n’est pas terminé. Nous devons garder la tête froide et nous retrouver pour mener à bien le processus de réconciliation », a déclaré hier Mathews Phosa, le trésorier général du parti. Zuma a toutefois lancé un avertissement, en soulignant qu’il y avait « une limite dans l’utilisation de l’ANC pour déstabiliser le parti ».