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Azerbaïdjan

Une présidentielle sous l’étouffoir

par Kamil Piriyev

Article publié le 14/10/2008 Dernière mise à jour le 15/10/2008 à 11:18 TU

Quelque 8 millions d’Azerbaïdjanais élisent mercredi 15 octobre 2008 leur président pour les cinq prochaines années. Le chef de l’Etat actuel, Ilham Aliyev, est le grand favori de la course présidentielle, car les principaux partis d’opposition la boycottent.

Les médias azerbaïdjanais ne couvrent que les déplacements du chef de l’Etat, notamment les inaugurations de nouvelles entreprises.( Photo : DR )

Les médias azerbaïdjanais ne couvrent que les déplacements du chef de l’Etat, notamment les inaugurations de nouvelles entreprises.
( Photo : DR )

Mis à part l’actuel président Ilham Aliyev, six autres candidats se disputent le fauteuil présidentiel en Azerbaïdjan, pays du sud Caucase, riche en hydrocarbure, qui connaît une croissance économique record ces dernières années. « Aucun d’entre eux ne représente pas une opposition réelle. Ces candidats sont fabriqués par le pouvoir pour donner une vision démocratique à ces élections », estime Zarducht Alizade, politologue.

L’opposition désunie jusqu’à maintenant a réussi, pour la première fois en 15 ans, à se mettre d’accord pour boycotter les élections. « Nous sommes privés de tout moyen de contact avec nos électeurs. Le pouvoir n’a autorisé aucune manifestation depuis les législatives de 2005. L’opposition n’a aucun accès aux médias audiovisuels. Même nos déplacements dans les régions sont interdites », explique ainsi Ali Kerimli, président du parti d’opposition du Front Populaire.

Le pouvoir rejette ces accusations et pointe la faiblesse de ses adversaires. Selon Ali Ahmadov, secrétaire exécutif du parti du Nouvel Azerbaïdjan, « l’opposition s’est retirée de la course à la présidentielle parce qu’elle était sûre de sa défaite ».

Médias non libres

Le débat électoral est quasiment absent dans les médias. Depuis trois semaines, les chaînes de télévision ne couvrent que les déplacements du chef de l’Etat dans les régions où il va inaugurer de nouvelles entreprises. « C’est une campagne électorale à la soviétique », selon Leyla Aliyeva, politologue.

Le pluralisme n’est pas totalement absent dans la presse écrite, mais cette dernière vit la période le plus difficile depuis l’indépendance. Trois journalistes, dont deux rédacteurs en chef des plus importants journaux d’opposition, sont en prison pour avoir critiqué le pouvoir. Les accusations officielles contre eux portent sur le trafic de stupéfiant, la menace terroriste et le hooliganisme. Arzu Abdullayeva, président du Comité de la protection de la liberté de parole, estime qu’ils « sont des prisonniers d’opinion. Ce sont des accusations fabriquées. Le but du pouvoir est de fermer ‘la gueule’  de ces journalistes et de mettre en garde les autres ».

L’opposition accuse le pouvoir d’avoir abandonné ses engagements pour la démocratisation du pays. Elle reproche également à l’Occident d’avoir sacrifié la démocratie et la liberté de la parole en Azerbaïdjan pour le pétrole.

Moyen de pression

L’Azerbaïdjan est un partenaire énergétique clé de l’Europe et exporte près d’un million de barils de pétrole par jour via l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan. Un gazoduc reliant également ce pays à l’Europe est mis en service depuis l’année dernière. Actuellement, les Etats-Unis et l’UE défendent la construction d’un autre gazoduc, celui du Nabucco, pour transporter le gaz de la région Caspienne et de l’Asie centrale vers l’Ouest.

Ces trois pipelines contournent tous la Russie. Cette dernière avait proposé en juin dernier d’acheter tous son gaz à l’Azerbaïdjan au prix du marché mondial. « Une proposition très séduisante qui a pour but d’empêcher la réalisation de Nabucco », estime Ilham Shaban, spécialiste des questions de l’énergie de l’agence Turan. « L’un des buts de la récente attaque russe contre la Géorgie était la mise en question de la fiabilité des oléoducs ».

L’Azerbaïdjan n’a pas encore donné de réponse à ces propositions, mais il semblerait que depuis la guerre en Géorgie, la réalisation du projet Nabucco soit compromise. Effrayée par l’action de Moscou contre Tbilissi, Bakou cherche un soutien en Occident. Le vice-ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères, Araz Azimov, a déclaré la semaine dernière que son pays soutenait toujours ce projet, mais « Bakou ne peut pas s’inquiéter tout seul ». Novruz Mammadov, conseiller diplomatique du président Aliyev, a appelé les pays européens intéressés « à faire des propositions concrètes ».

« L’Azerbaïdjan mène une politique étrangère équilibrée entre l’Occident et la Russie, sans faire un choix définitif. Une politique pro-occidentale ouverte énerverait le Kremlin qui utilise le conflit non réglé du Haut-Karabakh entre l’Arménie à l’Azerbaïdjan comme un moyen de pression sur ces pays », estime le politologue Zarducht Alizade.

Le Haut-Karabakh, une enclave azerbaïdjanaise à majorité d’arménienne, a déclaré son indépendance en 1991, mais elle n’est reconnue par aucun pays. Au sein de l’OSCE, un groupe de pays médiateurs composés de la Russie, de la France et des Etats-Unis n’est pas parvenu à trouver une solution depuis le cessez-le-feu en 1994.

Thorniké Gorgadzé

Spécialiste du Caucase à l'Institut français d'études anatoliennes de Bakou

« Si l’équipe au pouvoir a une ambition économique, mais aussi politique de rester durablement indépendante sur la scène internationale, ils ont tout intérêt à vendre leurs ressources énergétiques à l’Europe ! »

14/10/2008 par Thierry Parisot