par Myriam Berber
Article publié le 12/12/2008 Dernière mise à jour le 14/12/2008 à 10:13 TU
Examen du plan de sauvetage du secteur automobile au Sénat, le 11 décembre 2008.
(Photo : Mark Wilson/Reuters)
Le plan a été rejeté par le Sénat, tard jeudi 11 décembre 2008, par 53 voix contre 35. Il fallait 60 voix pour que le projet soit adopté par le Sénat américain. Mercredi, la Chambre des représentants avait voté à une large majorité ce plan qui prévoyait d’accorder jusqu’à 15 milliards de dollars (11,3 milliards d’euros) de crédit aux grands constructeurs automobiles de Détroit, General Motors, Chrysler et Ford. Il devait également créer un poste de superviseur du secteur au sein du gouvernement fédéral pour distribuer les fonds et gérer la restructuration des sociétés
Malgré les efforts de la Maison Blanche et du président américain élu Barack Obama, qui souhaitent voir passer la loi, les démocrates n’ont donc pas réussi à convaincre le camp opposé. Le projet de loi conditionnait cette aide d’urgence à des mesures très strictes, notamment en termes de prises et de rémunérations des dirigeants. Les républicains ont trouvé ces contreparties insuffisantes .La version du Sénat basée sur les amendements du sénateur républicain, Bob Corker, proposait notamment de baisser les niveaux de salaires des Big Three, afin de les rendre compétitifs face aux Japonais. Les ouvriers des groupes américains gagnent deux fois plus que ceux des constructeurs étrangers (Toyota, Nissan ou encore Volkswagen) installés aux Etats-Unis. Certains républicains pensent également que la solution d’une restructuration des constructeurs concernés dans le cadre du chapitre 11 sur le régime des faillites serait désormais préférable.
Le recours au « Tarp »
Le débat sur le plan de sauvetage est désormais terminé pour cette année. Plusieurs élus, dont la présidente démocrate de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, ont invité George Bush à « puiser dans les 700 milliards de dollars du plan « Tarp » (Troubled Asset Relief Programme) de sauvetage des banques ou de la Réserve fédérale pour venir en aide aux constructeurs ». Le syndicat américain de l’automobile UAW estime également que « le recours à ces fonds est la seule option possible pour éviter le dépôt de bilan ». Pour sa part, le département du Trésor s’est dit prêt, vendredi, à agir pour « empêcher une faillite des trois grands constructeurs nationaux jusqu’à ce que le Congrès légifère sur la question ». Une position contraire à celle défendue jusqu’à présent par le secrétaire américain au Trésor Henry Paulson.
Cet échec laisse les Big Three au bord de la faillite. General Motors et Chrysler ont reconnu qu’ils risquaient de se retrouver acculés au dépôt de bilan, faute de liquidités, dès la fin de l’année, sans aide de l’Etat. Le marché américain de l’automobile, touché de plein fouet par la crise financière et le tarissement du crédit, a atteint en octobre son plus bas niveau depuis 25 ans, avec une chute de 32% des ventes. Encore plus affecté que ses concurrents, le numéro un américain General Motors, dont les ventes de voitures ont chuté de 45% en octobre, a annoncé une perte d’exploitation de 2,5 milliards de dollars sur le seul troisième trimestre 2008 et a déjà gelé le paiement des frais médicaux pour ses retraités. Chrysler se bat également pour sa survie. Pour redresser ses comptes, le constructeur qui a déjà supprimé plus de 35 000 postes depuis le début 2007, va devoir se séparer de 25% de ses cols blancs.
Entre 2,5 et 3,5 millions d'emplois menacés
Selon le Center for Automobile Research (CAR), la faillite des trois constructeurs nationaux pourrait coûter entre 2,5 et 3,5 millions d'emplois, directs et indirects, aux Etats-Unis, avec des conséquences désastreuses sur l'économie américaine. D’autres secteurs d’activité seraient également concernés : métaux, chimie, électronique, informatique ou encore commerce. L’automobile est présente dans tous les Etats, du Michigan, le principal Etat d'implantation des usines de montage, jusqu'à l'Alaska, essentiellement du fait de la contribution des concessionnaires.Selon le CAR, le dépôt de bilan d'un des trois grands constructeurs l'an prochain se traduirait par un manque à gagner de plus de 150 milliards de dollars en rémunérations salariales aux Etats-Unis. Pour les pouvoirs publics, cela représenterait un manque à gagner de plus de 60 milliards de dollars en recettes fiscales en 2009. Ce dépôt de bilan des constructeurs nationaux américains aurait également des conséquences sur l'économie mondiale. A titre d’exemple, au Canada, environ 130 000 emplois sont liés à la fabrication d’automobiles ou de pièces détachées dans la province de l’Ontario.
Les Américains contre l’aide publique aux constructeurs automobiles |
Pourtant, et malgré la crise économique actuelle, une large majorité d’Américains s’est prononcée comme le Senat contre une aide publique pour les grands constructeurs. Selon un sondage Washington Post/ABC News, 53% des personnes interrogées s'opposent au plan de sauvetage, contre seulement 37% qui y sont favorables. «Mieux vaut investir l’argent dans un système national de santé» En effet, le projet pour voler au secours des Big Three est encore plus impopulaire que le plan de sauvetage des banques. L’opinion publique reproche à General Motors, Chrysler et Ford d'avoir misé trop longtemps sur des véhicules chers et gourmands en carburant au lieu d'avoir développé des voitures « propres ». Beaucoup d’Américains voudraient voir l’argent public investi ailleurs que dans l’industrie automobile à l’avenir incertain. « Les citoyens pensent qu’il vaut mieux utiliser l’argent pour un vrai filet de secours pour tous les salariés, comme un système de santé national ou un système plus performant de formation », explique William Adams, professeur et économiste à l’université du Michigan. Seulement voilà : après le rejet du Sénat du plan d’aide aux constructeurs automobile, General Motors et Chrysler pourraient bien déposer leur bilan. Mais pour l’instant, nul n’a prévu d’investir les 14 milliards de dollars ailleurs. Stefanie Schüler, RFI |
A écouter/Télécharger
« George Bush a fait savoir qu'il était disposé à agir... Le moyen est le plus évident est de puiser dans le fonds de 700 milliards destiné aux banques mais qui sont gérés à la discrétion du ministre des Finances... »
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« Etre mis sous le chapitre 11, ce n’est pas directement supprimer les actifs, fermer les usines et cesser de vendre des voitures, etc. C’est essentiellement considérer que l’entreprise est en quasi faillite et que sans des mesures de restructuration extrêmement drastiques, elle ne survivrait pas. »
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