par Alpha Barry
Article publié le 12/12/2008 Dernière mise à jour le 13/12/2008 à 22:40 TU
Le collectif contre l’impunité appelle à manifester ce 13 décembre 2008 à Ouagadougou pour obtenir la réouverture du dossier Norbert Zongo. Journaliste, directeur de publication de l’hebdomadaire L’Indépendant, très critique à l’égard du pouvoir, Zongo a été assassiné il y a dix ans. En 2006, la justice burkinabè a classé le dossier en attendant des « éléments de preuve… »
7 mai 1999. La CEI dépose son rapport qui épingle « six suspects sérieux ». Ils sont tous membres de la garde présidentielle avec à leur tête l’adjudant Marcel Kafando, chef de la sécurité rapprochée du président Blaise Compaoré.
Alors que la rue gronde toujours, le pouvoir met en place un collège de sages chargé de faire des propositions pour juguler la crise. Celui-ci préconise des réformes politiques pour une grande démocratisation du pays. Il propose un schéma de réconciliation. Pendant ce temps, un juge d’instruction est nommé pour s’occuper exclusivement de l’assassinat de Norbert Zongo et de ses trois compagnons d’infortune.
2 février 2001. Le juge Wenceslas Ilboudo inculpe l’adjudant Marcel Kafando. Ce dernier purge déjà une peine de vingt ans dans le cadre de la mort du chauffeur du frère du président. Un dossier qui a abouti à un jugement en août 2000 grâce à la même pression du Collectif contre l’impunité. L’adjudant Kafando est inculpé après que le juge ait relevé des contradictions dans ses déclarations sur son programme de la journée du 13 décembre 1998. « Ce qui fait peser des soupçons sur lui », indique alors Abdoullay Barry, le procureur général près de la cour d’appel de Ouagadougou. Pour la première fois, la justice burkinabè donne de l’espoir dans ce dossier. « A partir de maintenant, expliquait le procureur général, le juge d’instruction doit pouvoir procéder à des interrogatoires plus approfondis et même à des confrontations entre Kafando et d’autres personnes ». Mais cet espoir est vite déçu. Le dossier s’enlise. La justice évoque « la maladie » de Kafando qui « ne peut se soumettre à la procédure ».18 Juillet 2006. Coup de tonnerre ! Le juge Ilboudo prononce un non-lieu pour l’adjudant Kafando. Le procureur général Abdoullay Barry explique : « Marcel Kafando a été inculpé sur la base d’une déclaration de témoin. Et dès lors que le témoin est revenu sur sa déclaration, et à partir du moment où il subsiste un doute, c’est un principe de droit, [cela] profite à l’accusé ». Face au tollé général, Barry explique que « le juge d’instruction a fait son travail. Il a interrogé 105 personnes dont 50 militaires de la garde présidentielle. Il a même obtenu les fiches de sortie et d’entrée des armes du régiment de la sécurité présidentielle ». Quid du dossier. « A partir de ce moment, le dossier est classé. Le juge est dessaisi. L’affaire est clôturée sauf s’il survient de nouveaux éléments. Et dans ce cas, c’est le procureur seul qui peut rouvrir le dossier ». C’est la colère du côté de la famille Zongo, de RSF, du Collectif contre l’impunité et de la presse burkinabè. La décision de la justice est jugée scandaleuse. « Des scellés prouvent que l’armée burkinabè était impliquée au plus haut niveau dans cette affaire. Vous ne pensez pas que c’est ridicule de dire qu’on ne peut pas trouver ces assassins, se demande maître Sankara. Aucune piste n’a été explorée (…) La commission d’enquête indépendante avait déjà fait un travail avec des experts. Le juge prétend avoir interrogé de nombreuses personnes. Mais aujourd’hui, le résultat est là. Il est établi que les assassins de Norbert Zongo venaient du cœur de l’Etat, en particulier de la garde présidentielle. Il ne faut donc pas tourner en rond ».13 décembre 2008. A l’occasion des dix ans de cet assassinat, le Collectif contre l’impunité organise des grandes manifestations pour obtenir la réouverture du dossier : recueillement sur les tombes, marche et meeting, lancement d’une pétition. Un concert est également prévu avec un collectif d’artistes engagés (Didier Awadi, Tiken Jah Fakoly, Ismael Isaac, Smockey, Zêdess…) qui viennent de sortir un album titré : Norbert Zongo : dossier classé ?
Tout au long de la marche et au cours du meeting, les manifestants ont scandé des slogans hostiles au pouvoir et à la justice burkinabè.
« Grande mobilisation et ambiance exceptionnelle à ce 10e anniversaire avec un concert de musique en fin de matinée place de la Nation. »
Archives