par Myriam Berber
Article publié le 17/12/2008 Dernière mise à jour le 17/12/2008 à 20:13 TU
Les marchés ont salué la décision de la Fed de ramener son principal taux directeur dans une marge de fluctuation allant de 0 à 0,25%. Il était fixé à 1% depuis fin octobre. Il s’agit de son plus bas niveau historique. Un nouvel abaissement des taux ne faisait aucun doute, mais son ampleur était encore sujet à débat. La Réserve fédérale va au-delà de ce que prévoyaient la plupart des économistes qui tablaient plutôt sur une baisse de 0,5%.
En abaissant de manière spectaculaire le loyer de l’argent, le Conseil des gouverneurs, présidé par Ben Bernanke, manifeste clairement qu’il prend en considération la gravité de la crise qui secoue les Etats-Unis. Au mois de novembre, les prix à la consommation ont chuté de 1,7% par rapport au mois précédent, enregistrant son plus fort recul depuis 1947. Le nombre de mises en chantier de logements et de permis de construire aux Etats-Unis a continué de chuter en novembre. C’est le niveau jamais atteint depuis un demi-siècle.
Des mesures « non conventionnelles »
La Fed a averti que le maintien du taux directeur à un niveau « exceptionnellement bas » pourrait durer « un certain temps ». Il s’agit du taux auquel les banques américaines sont censées se prêter des liquidités à court terme. Pour relancer le crédit interbancaire, et donc dynamiser les prêts aux entreprises et aux ménages, la Fed a annoncé des « mesures non conventionnelles ». Concrètement, la Fed envisage ainsi d’acheter en masse des titres adossés à des crédits immobiliers et de racheter en larges quantités des créances détenues par Fannie Mae et Freddie Mac, les deux grandes agences de refinancement hypothécaire, nationalisées en octobre 2008. Autre piste d’intervention : la Fed dit évaluer également la possibilité d’acheter des bons du Trésor pour faire baisser les taux à long terme qui restent relativement élevés, alors que les taux à court terme sont proche de zéro.
Pour la majorité des analystes, Ben Bernanke fait le constat qu’il se trouve devant une situation économique particulièrement périlleuse et qu’il lui faut contrer les risques de récession par tous les moyens. C'est la politique « la plus agressive jamais tentée pour inverser une récession profonde, empêcher une déflation et insuffler un retour à la normale sur les marchés », estime ainsi Sherry Cooper, économiste du cabinet Capital Markets. Avec ce desserrement monétaire, la Fed cherche également à prévenir tout risque de déflation. La menace de la déflation, autrement dit une baisse prolongée des prix qui se conjuguerait à une baisse de l’activité, se rapproche. Un marasme que le Japon a déjà subi dans les années 90, et dont il a eu le plus grand mal à s'extraire. Un risque écarté pour le moment, car contrairement au Japon de l’époque, les autorités américaines ont réagi plus vite. Elles ont également débloqué beaucoup plus de fonds, dont le plan TARP de sauvetage des banques. Reste que bon nombre d’observateurs ne manquent pas de faire remarquer que le taux directeur en vigueur aux Etats-Unis est désormais inférieur à celui du Japon (0,30%).
La trappe à liquidités
Mais l’opération de la banque centrale américaine n’est pas sans risque. Si les mesures actuelles s’avèrent insuffisantes, la Fed risque de se trouver démunie comme l’explique l’économiste Nicolas Bouzou du cabinet Asteres : « les Etats-Unis risquent d’entrer dans un mécanisme : la trappe à liquidités. Un phénomène qui rend vain toutes les relances de l’économie par la voie monétaire une fois passé sous un certain seul de taux d’intérêt. Et la récession ne pourrait pas durer deux ans mais dix ans ».
Sur le Vieux Continent, la Banque centrale européenne (BCE) n’a pas du tout choisi le même moyen d’action. Elle a encore beaucoup de marge, elle peut encore baisser ses taux. Dans l’Union européenne, l’inflation a atteint 2,1% en novembre contre 3,2% en octobre, mais la croissance est en panne et le chômage est en progression. Là encore, lors de sa prochaine réunion en janvier, la BCE devrait se montrer prudente et conserver son taux directeur à 3,25% après l’avoir baissé d’un demi-point début octobre. C’est ce qu’a laissé entendre son président Jean-Claude Trichet.
La baisse des taux a, en tout cas, une conséquence immédiate : renforcer la valeur de l’euro face au dollar sur les marchés. La monnaie européenne a de nouveau bondi, mardi 16 décembre 2008, repassant au-dessus de 1,40 dollar pour la première fois depuis plus de deux mois.
Secrétaire général du Cercle des épargnants et conseiller auprès de la direction générale du Groupe Generali
« Les banques centrales injectent beaucoup d’argent, mais cela ne restaure pas la confiance, le problème majeur de l’économie mondiale aujourd’hui… ».
« En 1998, la Banque du Japon réduisit ses taux d’intérêts jusqu’à 0. La grande erreur de la Banque du Japon fût de ne pas fournir assez de liquidités aux banques en faillite... ».