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Mauritanie

Libération du président élu : et après ?

Article publié le 21/12/2008 Dernière mise à jour le 22/12/2008 à 10:13 TU

Renversé par un coup d’Etat militaire le 6 août dernier, Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi était jusqu’ici en résidence surveillée dans son village natal de Lemden. Désormais, il est entièrement libre de ses mouvements. Reste à savoir quel rôle politique il souhaite jouer dans son pays.

Leaders du Front National de défense de la démocratie (FNDD) au cours d'une conférence de presse. Au centre, Boidiel ould Houmeid du parti Adil (et président en exercice du Front), Ahmed ould Sidi Baba (g), Jemil ould Mansour (d).
(Photo : Manon Rivière/RFI)

Leaders du Front National de défense de la démocratie (FNDD) au cours d'une conférence de presse. Au centre, Boidiel ould Houmeid du parti Adil (et président en exercice du Front), Ahmed ould Sidi Baba (g), Jemil ould Mansour (d).
(Photo : Manon Rivière/RFI)

De notre correspondante à Nouakchott, Manon Rivière

La nouvelle est tombée tôt dans la matinée, vers 7 heures. Mais dès la veille, les médias mauritaniens étaient sur le qui-vive, certains ayant même pris la route samdei soir pour Lemden, à 250 kilomètres au sud-est de Nouakchott, afin de suivre en direct la libération du président. C’est dans ce petit village que Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi avait été transféré mi-novembre, après trois mois de détention au palais des congrès de Nouakchott. A Lemden, le président déchu restait privé de sa liberté de mouvement. En revanche, il était autorisé à rencontrer ses amis, ainsi que les journalistes et bénéficiait d’un régime hybride de semi-liberté. Sous la pression de la communauté internationale, les autorités militaires avaient promis de le relâcher avant le 24 décembre, ce qu’ils ont fait. Désormais libre, tout le monde se demande ce que le président libéré va faire.

Dans une interview accordée cette semaine au quotidien français Le Monde, « Sidi » -comme on le surnomme ici- avait réitéré sa position : « Je compte me comporter comme le président légitime démocratiquement élu (…). Je suis fermement décidé à lutter pour faire échouer ce coup d'Etat », avait-il déclaré. Du côté des autorités en revanche, tout est clair. « Sidi ould Cheikh Abdallahi est un ancien président que nous allons traiter avec respect. Mais il doit comprendre qu’il ne représente plus rien, ni personne en Mauritanie aujourd’hui », explique posément le ministre de la Communication, Mohamed Abderrahmane ould Moine.

Avenir politique incertain

Les partisans politiques du président libéré, réunis au sein du Front national de défense de la démocratie (FNDD), restent quant à eux très fermes. Boidiel ould Houmeid, qui assure actuellement la présidence tournante de la coordination, l’a redit à la mi-journée : « Celui qui vient au pouvoir par les urnes doit en repartir par les urnes, a-t-il martelé. Le gouvernement de Sidi ould Cheikh Abdallahi reste à ce jour le seul gouvernement légitime de la Mauritanie ! ».

Voici pour les principes. Mais concrètement, que va faire « Sidi » ? C’est aujourd’hui la question que tout le monde se pose. Yahya oudl Kebd, l’un de ses anciens ministres, donne quelques éclairages. « Le président ne s’oppose pas à l’idée d’une large concertation politique, affirme-t-il. En revanche, il refuse catégoriquement de participer à une concertation de paille organisée sous la houlette des militaires ! ».

Des journées nationales de concertation doivent en effet commencer le 27 décembre prochain à Nouakchott. Initiées par le Haut conseil d’Etat, au pouvoir depuis le 6 août, ces journées doivent permettre « un large débat national, sans tabou et sans exclusion, pour permettre de sortir de l’impasse politique et constitutionnelle actuelle », explique un proche du Général Abdel Aziz, le nouvel homme fort du pays. Seul problème : le FNDD refuse d’y participer. Quant au RFD, principal parti d’opposition avant le putsch, sa position reste floue. « Nous sommes par définition ouverts à toute concertation, lâche un membre du parti. Mais notre président Ahmed ould Daddah souhaite que cette concertation ait d’abord lieu au niveau politique ». Sous-entendu : sans les notables régionaux et sans la « société civile ». Le pouvoir militaire n’a pas encore donné suite à la requête du RFD. Mais le parti invite en tout cas Sidi ould Cheikh Abdallahi à rejoindre ce dialogue politique, s’il a lieu.

Un premier pas vers la détente

A l’étranger, les Européens ont été les premiers à réagir. « Le président du conseil de l’Union européenne salue la remise en liberté du président démocratiquement élu. Il  rappelle que toute solution à la crise actuelle passe par un retour à l’ordre constitutionnel », peut-on lire dans un court communiqué. Il est vrai que Bruxelles, Paris ou encore Washington avaient fait de la libération du président déchu un préalable à toute discussion avec la junte.

Cette libération suffira-t-elle pour autant à infléchir la position de la communauté internationale ? « C’est certes un premier pas, confie un diplomate, mais ce n’est pas suffisant. Il faut que la junte continue dans cette voie ».

Eric Chevallier

Porte-parole du quai d'Orsay

« Cette sortie de crise a besoin de la participation de tous les acteurs majeurs en Mauritanie. Il faut qu'il y ait les conditions d'un dialogue. »

22/12/2008 par Sébastien Nemeth

Conformément à l’article 96 des accords de Cotonou, la Mauritanie dispose de quatre mois pour rétablir la légalité constitutionnelle. Concrètement, Nouakchott a encore jusqu’au 18 janvier pour satisfaire aux exigences de Bruxelles. Mais une fois ce délai dépassé, les sanctions économiques seront inévitables. Les budgets prévus dans le cadre du 10e Fonds Eeropéen de développement (FED) pourraient ainsi être gelés pour la période 2009-2013. Ce qui représente un manque à gagner de près de 160 millions d’euros pour le pays. Sans compter les effets néfastes induits par l’arrêt des projets de coopération bilatéraux entre la Mauritanie et les différents pays membres de l’UE.

Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi

Président mauritanien, renversé en août 2008

« La cause de tout cela, c'est un coup d'Etat (...) Si les militaires s'écartent du pouvoir, je suis prêt à discuter de tout avec les Mauritaniens. »

22/12/2008 par Juliette Rengeval