Article publié le 30/01/2009 Dernière mise à jour le 30/01/2009 à 11:11 TU
Cinquante et un pays participeront au 12e sommet de l'UA cette année, ainsi que des représentants des organisations internationales et de l'ONU.
( Photo : UA )
Par notre envoyé spécial à Addis Abeba, Jean-Karim Fall
La Libye va être à double titre la vedette de ce conseil des ministres: en raison, d’une part de la délicate question du gouvernement de l’Union, d'autre part de la question des Etats unis d’Afrique, deux thèmes chers au colonel Kadhafi.
La polémique entre partisans de l’intégration politique du continent et adversaires de ce projet libyen va une nouvelle fois dominer les débats. Selon un haut responsable de l’Union africaine, le rapport des forces n’a pas évolué : les adversaires du guide libyen, au premier rang desquels on trouve les pays d’Afrique australe et d’Afrique de l’est, seraient majoritaires. Depuis deux ans, le président ougandais, Yoweri Museweni et le premier ministre éthiopien Meles Zenawi critiquent ouvertement, et parfois en termes très crus, les projets du guide libyen. Pour compter ses partisans, le colonel Khadafi va d’ailleurs, en marge du sommet, organiser une réunion de la CENSAD, la Communauté des Etats sahélo-sahariens, une organisation qu’il finance et qu’il contrôle.
D’autre part, le colonel Kadhafi est candidat à la succession de l’actuel président de l’Union africaine, le Tanzanien Kikweté. Selon une règle non écrite, la présidence de l’UA revient cette année à l’Afrique du nord, et pour le moment la Libye est l’unique candidate. Mais, cette candidature libyenne ne fait pas l’unanimité. « Il est le guide de la Jamahirya et maintenant il veut être le roi des rois d’Afrique » soupire, dépité, un vieux routier de la diplomatie africaine. Le colonel Kadhafi a été il y a quelques mois intronisé « rois des rois » par une assemblée de chefs traditionnels invités à Tripoli. « Vous imaginez le colonel Kadhafi représenter l’Afrique lors du prochain G20 à Londres » lâche, horrifié, un diplomate de haut rang ! L’Union africaine a été en effet invitée par les Britanniques à participer à ce G20. Les partisans du guide libyen rappellent que la Libye est désormais présentable et fréquentable : « La Libye a présidé le Conseil de sécurité des Nations unies, pourquoi ne présiderait-elle pas l’Union africaine ? » explique un ministre sous couvert de l’anonymat.
Les épines du Zimbabwe et du Soudan
Autre dossier à l’ordre du jour de ce conseil des ministres, la crise au Zimbabwe. Robert Mugabe est attendu à Addis Abéba. Les ministres souhaitent qu’un accord entre le vieux président et le chef de l’opposition, Morgan Tsangerai, soit formellement signé le plus rapidement, si possible avant l’ouverture du sommet des chefs d’Etat dimanche.
La situation au Soudan et au Darfour en particulier sera aussi au menu des débats. Pour le moment, le déploiement de la force hybride Union africaine/ ONU est en panne. La mission manque cruellement de troupes et de moyens logistiques. Au siège de l’UA, un consensus semble se dessiner pour dénoncer la Cour pénale internationale. « L’acharnement du procureur de la CPI contre le président El Béchir ne fera qu’aggraver la situation » affirme-t-on au plus haut niveau de l’Union africaine.
Les dirigeants de l’organisation reconnaissent toutefois qu’il sera difficile de convaincre la communauté internationale en général, et les Etats-Unis en particulier, de desserrer l’étau judiciaire autour du président soudanais.
Même si Hillary Clinton a téléphoné au président de la Commission de l’Union africaine, le Gabonais Jean Ping, pour l’assurer du soutien de Washington, les responsables de l’union africaine ne s’attendent pas à une inflexion notable de la politique américaine au Soudan. « Le Darfour, c’est aux Etats Unis, un cheval de bataille pour le black caucus qui résume le conflit à un affrontement entre noirs et arabes » explique un diplomate. En outre, Susan Rice, la nouvelle ambassadrice américaine aux Nations unies, est connue pour ses positions très dures envers l’exécutif soudanais. Dans ce contexte, l’application de l’un des articles des statuts de la CPI, prévoyant un gel des poursuites à la demande du Conseil de sécurité des Nations unies, a peu de chances d’être accepté.
Deux coups d'Etat en 6 mois |
« Il n’y a pas de bons et de mauvais putschs. Aucun coup d’Etat ne doit être toléré », a lancé le ministre tanzanien des Affaires étrangères, Bernard Membé, hier à l’ouverture du Conseil des ministres. Officiellement, les putschistes de Conakry et de Nouakchott sont donc logés à la même enseigne. Pas de retour à l’ordre constitutionnel, pas de sommet. Et dimanche, à la cérémonie d’ouverture, les sièges de leurs deux pays seront vides. Mais en réalité, quand on parle avec les délégués dans les couloirs de l’Union africaine, on voit bien que le capitaine Moussa Dadis Camara a meilleure presse que le général Mohamed ould Abdelaziz. Pour la simple raison que le Guinéen s’est engagé, du moins verbalement, à rendre le pouvoir aux civils, alors que le Mauritanien compte se présenter à une présidentielle cousue main en juin prochain. Cela dit, même s’ils sont décriés, les putschistes mauritaniens échappent encore aux sanctions individuelles, et ne sont toujours pas interdits de voyage. Ce qui fait enrager plusieurs pays africains, dont l’Algérie. A qui la faute ? A la Ligue arabe, qui a invité le général Abdelaziz à un sommet à Doha, le 16 janvier dernier. Mais peut-être plus encore à l’Union européenne, et notamment à l’Espagne, qui ne veut pas fâcher Nouakchott, de peur de perdre ses droits de pêche au large des côtes mauritaniennes. Alors au-delà d’une condamnation de principe, il n’est pas sûr que l’Union africaine puisse faire grand-chose contre le nouveau maître de Nouakchott. Christophe Boisbouvier |
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