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Chine/Afrique

« Chinafrique », la longue marche continue

par Georges Abou

Article publié le 11/02/2009 Dernière mise à jour le 12/02/2009 à 14:31 TU

Cinq étapes, une en Arabie Saoudite et quatre en Afrique, rythment le voyage que le président chinois entame ce 10 février. Les escales africaines (Mali, Sénégal, Tanzanie et Maurice) qui débutent le 12 février sont davantage marquées par le souci de Pékin de manifester sa solidarité tiers-mondiste, plutôt que ses appétits capitalistes. Mais l’apport africain au développement de la Chine demeure crucial.

Carte de l'Afrique présentée aux hommes d'affaires chinois lors d'un séminaire de la Banque africaine de développement à Shanghai, le 14 mai 2007. (Photo : Reuters)

Carte de l'Afrique présentée aux hommes d'affaires chinois lors d'un séminaire de la Banque africaine de développement à Shanghai, le 14 mai 2007.
(Photo : Reuters)

Hu Jintao retourne en Afrique. C’est son quatrième voyage depuis son arrivée au pouvoir, en 2003. Au terme de cette série de tournées, il aura visité au total dix-huit pays africains. Rares sont les chefs d’Etat qui peuvent aligner un tel palmarès. Il témoigne, en tout cas, que la direction chinoise veut cultiver une relation forte, durable et autant dire « stratégique » avec le continent.

Traditionnellement, on estime que les relations sino-africaines sont profondément marquées par la nécessité chinoise de se procurer des matières premières et de trouver des débouchés pour ses produits finis. C’est un cliché pertinent. Il est pertinent en raison de la faiblesse de la dotation du territoire chinois en matières premières et des besoins d’une économie en pleine croissance. C’est un cliché, car la relation entre Pékin et l’Afrique n’est pas réductible à une simple volonté de « pomper » les matières premières du sol africain.

Soupçon de pillage

Cette fois, Hu Jintao ne court pas après le pétrole du Nigeria, de l’Algérie, de la Libye, de l’Angola, du Soudan ou de la Guinée Equatoriale, ni après le fer et le cuivre sud-africain ou zambien. Il ne va pas non plus chercher du cobalt ou du coltan en République démocratique du Congo. Le bois du Gabon, du Cameroun ou du Congo n’est pas l’objectif de ce voyage, pas plus que le chrome zimbabwéen. Non, le président chinois va précisément visiter des pays faiblement dotés eux-mêmes en ressources énergétiques ou minérales. Pékin, à cette occasion, manifeste un réel souci de marquer la différence et de ne pas prêter le flanc au soupçon de prédation qui accompagne souvent l’action des opérateurs étrangers dans les pays en développement. Le ministre adjoint chinois des Affaires étrangères, Zhai Jun, précisait le 6 février que la « relation (de la Chine) avec les pays africains n’est donc pas seulement basée sur l’énergie ou les ressources ».

En effet, parmi les quatre pays visités (Mali, Sénégal, Tanzanie, Maurice) aucun ne figure, a priori, parmi les fournisseurs des matières premières stratégiques dont la Chine a tant besoin, parmi lesquelles les énergies fossiles. Pour autant, ni leurs marchés, ni leurs atouts ne sont négligeables. Mais, comme le souligne l’ambassadeur de Chine à Dakar, ce ne sont pas les Chinois qui exploitent l’or et le fer du Sénégal, mais les Canadiens et les Européens.

Dette historique

Certes, en ce bas monde les arrière-pensées intéressées ne sont jamais totalement absentes. Et le paysage sino-africain en est peuplé. Mais la Chine n’oublie pas qu’elle a également une dette historique à l’égard de l’Afrique. Depuis 1955 et la conférence de Bandoeng, Pékin a fait le choix d’un tiers-mondisme militant, où l’Afrique, bientôt décolonisée et en recherche de soutien, prend une part capitale malgré la faiblesse de sa représentation à l’époque. Seize ans plus tard, en 1971, vingt-six Etats africains indépendants permettent à la Chine d’obtenir son siège permanent à l’ONU, en remplacement de Taïwan. Preuve s’il en est que le continent n’est pas qu’un immense réservoir de matières premières, mais également le champ de manœuvres d’une diplomatie visant à conforter la position de Pékin dans le contexte de guerre froide qui prédomine alors.

Selon le ministère chinois du Commerce, le volume des échanges entre la Chine et l’Afrique s’élevait à 12 millions de dollars en 1950 ; en 2006, il s’établissait à environ 50 milliards de dollars ; plus de 100 milliards en 2008. A ce rythme-là, estime le chercheur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) Barthélémy Courmont, et malgré la volonté de se démarquer des partenaires occidentaux, les déséquilibres risquent de se creuser au détriment de l’Afrique. « Des éléments qui incitent certains observateurs à qualifier la présence chinoise en Afrique de néocoloniale » indique le chercheur, tandis que sa collègue Valérie Niquet estime que « la Chine apparaît donc comme essentiellement prédatrice, selon le modèle hier mis en œuvre par les puissances coloniales ».

Pas de leçon de démocratie

Si le pillage des ressources africaines n’a pas d’idéologie, il est un domaine dans lequel les Chinois font la différence : ils ne donnent pas de leçons à leurs partenaires, notamment en matière de démocratie. L’universalisme occidental en matière de droits politiques, civiques et humains n’est pas un critère recevable pour les Chinois, très attachés au concept de « spécificité des valeurs » et de non-ingérence. « Nous ne voulons pas exporter nos propres valeurs et notre modèle de développement », déclarait également le Premier ministre Wen Jiabao, lors d’une visite au Cap en 2006. Et nombre de dirigeants africains leur en sont infiniment reconnaissants. Et pas seulement Omar el Béchir du Soudan ou Robert Mugabe du Zimbabwe !

En novembre 2006, le président Hu Jintao convoquait à Pékin un sommet Chine-Afrique, le premier du genre. Quarante-huit pays du continent y ont participé. Dans son discours de bienvenue Hu Jintao a rappelé que « la Chine sera toujours un ami, un partenaire et un frère de l’Afrique ». Moins de trois ans et une crise mondiale plus tard, M. Hu retourne à la rencontre de l’Afrique, vieille compagne des batailles de la Chine pour, à la fois, maintenir sa position internationale malgré l’hégémonie américaine, neutraliser les ambitions de son vieil ennemi japonais, maintenir le cordon sanitaire autour de Taïwan et cultiver son influence de membre permanent du Conseil de sécurité… tout en prélevant sa part des ressources du continent, fraternellement.

A écouter

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12/02/2009