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Venezuela

Le triomphe de Hugo Chavez

par Stefanie Schüler

Article publié le 16/02/2009 Dernière mise à jour le 17/02/2009 à 03:45 TU

Le président vénézuélien Hugo Chavez sur le balcon du palais Miraflores à Caracas, le 16 février 2009.(Photo : Reuters)

Le président vénézuélien Hugo Chavez sur le balcon du palais Miraflores à Caracas, le 16 février 2009.
(Photo : Reuters)

En votant « oui » à 54% au référendum constitutionnel, les Vénézuéliens ont autorisé leur président à se présenter indéfiniment à sa propre succession. Désormais, la seule chose qui pourrait faire vaciller la mainmise d’Hugo Chavez sur le pouvoir vénézuélien est une baisse du prix du pétrole.

C’est un Hugo Chavez ébloui par sa victoire qui s’est présenté devant la foule, toute vêtue de rouge, rassemblée devant le balcon du palais présidentiel de Miraflores à Caracas. « Le peuple uni ne sera jamais vaincu », a lancé le président vénézuélien qui était repris en choeur par des partisans en liesse. Le Venezuela venait alors d’apprendre les résultats du référendum constitutionnel qui permet désormais à Hugo Chavez de se présenter pour un troisième mandat et au-delà.

Chavez devant ses partisans

« Pour Hugo Chavez, qui se présente en soldat du peuple, c'est le peuple qui dirige. »

16/02/2009 par Angèle Savino

Pour ne pas connaître une nouvelle défaite comme lors du référendum constitutionnel en décembre 2007, Hugo Chavez avait lancé ces dernières semaines une imposante machine de propagande à travers le pays. Inlassable, il avait répété le même message : « Ce référendum décidera de mon destin politique ». Comme toujours avant les échéances électorales, le président avait dépeint l’avenir du Venezuela en noir et blanc : « socialismo o muerto », « le socialisme ou la mort », avait-il lancé maintes fois d'une voix tonitruante.

Cette campagne agressive a porté ses fruits : après avoir décompté 94% des votes, le Conseil national électoral a annoncé 54,36% pour le « oui » contre 45,63% pour le « non ». Les partisans du chef de l'Etat ont fêté la victoire pendant toute la nuit. « J’ai 70 ans et je n’ai jamais connu de meilleur gouvernement que celui de Hugo Chavez », s’est félicité Andres Munoz, un ancien fonctionnaire à la retraite. Grâce à Hugo Chavez, « on peut avoir une vie décente, sans exclusion. Avant, on avait une division de classes. Maintenant, le président veut qu’il n’y en ait plus qu’une seule ».

Andres Munoz, un ancien fonctionnaire à la retraite

« C'est le seul gouvernement qui organise des éléctions aussi souvent que nécessaire. »

16/02/2009 par Michèle Gayral

L’opposition reconnait sa défaite mais garde l’espoir

Après l’annonce des résultats partiels, l’opposition a rapidement reconnu sa défaite, à l’instar de l’un des plus influents dirigeants de l’opposition, Leopoldo Lopez : « Cette campagne a été celle de David contre Goliath et Goliath a gagné ».

Pour le directeur des relations internationales de la mairie de Caracas, détenue par l’opposition, Milos Alcalay, « c’est un jour triste pour tous ceux qui pensaient qu’il était facile de lutter démocratiquement contre un système autoritaire ». Cet ancien ambassadeur vénézuélien à l’ONU, qui a démissionné de ses fonctions en 2004 pour protester contre les violations des droits de l’homme sous Hugo Chavez, appelle les partis d’opposition à « présenter une alternative d’espoir pour les Vénézuéliens ».

Milos Alcalay, directeur des relations internationales de la mairie de Caracas

« Il n'y a pas de surprise vu la symétrie éléctorale, les pouvoirs de l'Etat et les actions en violation aux règles de jeu nationales et internationales. »

16/02/2009 par Michèle Gayral

C’est aussi l’avis d’Ismael Garcia, du parti de centre-gauche, Podemos : « A partir d’aujourd’hui, la bataille ne porte plus sur le gouvernement. A partir d’aujourd’hui, il faut faire comprendre au Venezuela qu’un autre projet, une autre voie existe pour ce pays. » L’opposition voit en effet un signe encourageant dans le fait que malgré les divisions, malgré les moyens très limités pour faire campagne face à la machine redoutable d’Hugo Chavez, le « non » au référendum constitutionnel a recueilli plus de cinq millions de voix. Pour ces électeurs et pour tous les autres adversaires du leader de la révolution bolivarienne, il reste maintenant un seul et mince espoir : la chute du prix du pétrole.

La popularité de Chavez suit les cours du pétrole

Car les livraisons de l’or noir représentent 94% de l’ensemble des exportations du Venezuela et financent presque la moitié du budget de l’Etat. C’est précisément cette manne pétrolière qui a permis à Hugo Chavez de se lancer dans des vastes programmes sociaux – comme des mesures pour améliorer la santé publique ou des cours d’alphabétisation – en faveur des populations défavorisées, la principale base de son électorat. Selon des experts de l’institut de recherches économiques Ecoanalitica, basé à Caracas, la chute des prix du pétrole va contraindre Hugo Chavez au plus tard en 2010 à revoir ses ambitions révolutionnaires à la baisse. Son gouvernement aurait alors deux possibilités : faire des économies dans des programmes sociaux ou la dévaluation de la monnaie nationale, le Bolivar Fuerte. Dans les deux cas de figure, les premiers à en ressentir les conséquences seront les membres les plus vulnérables de la société vénézuélienne, les habitants des quartiers pauvres, les électeurs fidèles d’Hugo Chavez.

Dans ce contexte il n’est pas certain que celui qui s’est présenté ce dimanche comme candidat à sa propre succession lors de l’élection présidentielle en 2012 soit alors reconduit par les urnes. D’ici là, la société vénézuélienne demeure plus polarisée et plus divisée que jamais.

La levée de la limitation des mandats : les précédents en Amérique latine

Dans la plupart des pays latino-américains, il est interdit au chef de l'Etat de faire plus de deux mandats. Cette disposition s'inspire de l'exemple nord-américain. Mais surtout, tirant les leçons d'expériences amères vécues dans la plupart des nations sud-américaines, elle a pour but de faire obstacle à la réélection indéfinie de politiciens qui ayant trop pris goût à l'exercice du pouvoir en arriveraient à pervertir le système démocratique. Cette règle a été imposée après la période des dictatures, dans les années 60 et 70. Elle a été considérée intangible pendant une vingtaine d'années.

Et puis le naturel est revenu au galop. Au Pérou, à la fin des années 90, Alberto Fujimori a fait sauter cette limite. Il a été élu une troisième fois avant d'être obligé de fuir son pays. En Colombie, l'an dernier, Alvaro Uribe a tenté la manoeuvre. Mais le Parlement colombien lui a refusé la possibilité d'une troisième candidature. Hugo Chavez, qui a utilisé toutes les ressources d'un Etat mis à son service, a réussi à franchir l'obstacle. Grâce à une pratique très populiste et clientéliste du pouvoir, grâce aussi à un charisme indéniable, le chef de l'Etat vénézuélien est maintenant en piste pour dix années supplémentaires au pouvoir. Si les citoyens vénézuéliens ne se lassent pas.  

Par Jean-Pierre Boris

Sur le même sujet: la victoire d"Hugo Chavez vue par la presse américaine, du Nord au Sud du continet, dans la revue de presse des Amériques par Sylvain Biville.