par Georges Abou
Article publié le 02/04/2009 Dernière mise à jour le 05/04/2009 à 15:31 TU
Pour des raisons historiques, la technologie développée par les Nord-Coréens est d’origine soviétique. Pyongyang obtient de Moscou ses premiers missiles tactiques à la fin des années 1960. Les premières fusées militaires de type Scud-B lui sont livrées par l’Egypte, en 1976. En 1984, Pyongyang produit son propre Scud-B et en décline deux nouvelles versions, le Scud-C et le Scud-D qui élargissent le rayon d’action initial du missile. Forte de l’acquisition et de la maîtrise de cette technologie, la Corée du Nord va se tailler une réputation de fournisseur international dont bénéficieront notamment des pays comme le Pakistan et l’Iran. Peu à peu, le savoir-faire des ingénieurs nord-coréens va progresser et ils vont produire des engins de plus en plus sophistiqués dont les rayons d’action vont finalement modifier, et perturber, les équilibres stratégiques régionaux.
Combien de missiles ?
En raison de sa nature, le régime ne communique sur cette question que pour souligner des succès le plus souvent invérifiables. Mais il est vraisemblable que l’armée nord-coréenne dispose de plusieurs centaines de missiles. Le chiffre de 800 engins circule volontiers dans les documents publiés par les services spécialisés les mieux informés, gouvernementaux et non-gouvernementaux. Ce sont des missiles « balistiques », c'est-à-dire des fusées qui parcourent des trajectoires ascendantes, puis descendantes, contrairement aux missiles « de croisière » qui, tels des avions, se déplacent horizontalement.
Rayons d’action
Ces centaines de missiles se rangent en catégories, selon leur rayon d’action : « courte portée » (dizaines de km), « moyenne portée » (centaines de km), « longue portée » (milliers de km).
Dans la première catégorie des missiles à courte portée, Pyongyang dispose du KN-02 dont le rayon d’action se situe autour de 100 km. Le KN-02 passe pour être le plus précis de l’arsenal nord-coréen. Il est toujours en phase de test. Les experts estiment que les autorités nord-coréennes envisageraient de le déployer dans la perspective d’une attaque des installations militaires sud-coréennes à la frontière entre les deux pays.
Dans la deuxième catégorie des missiles à moyenne portée, Pyongyang dispose d’une panoplie d’engins recouvrant des rayons d’action de 300, 500 et (peut-être) 700 km avec, respectivement, les Scud-B, Scud-C et Scud-D. Ils sont équipés de charges conventionnelles et sont opérationnels. Ces fusées constituent une autre menace directe pour la Corée du Sud dont elles peuvent frapper tous les points du territoire.
Dans la troisième catégorie, l’état-major nord-coréen dispose également d’un éventail relativement large. Le Nodong, tout d’abord. Testé pour la première fois en mars 1993, il a une portée de 1 500 km. Il peut, paraît-il, embarquer une tête nucléaire. Mais il a également la réputation d’être peu précis et son tir comporte une marge d’erreur de plusieurs kilomètres. La moitié des Nodong tirée tomberait ainsi largement à côté de la cible. Ce qui inquiète notamment le voisin japonais dont l’essentiel du territoire tombe sous la menace du Nodong : en cas de frappe, et compte tenu de la faible précision de l’engin, il y aurait donc une probabilité non-négligeable que le missile n’explose parmi les civils.
Dans la troisième catégorie figure la déclinaison des Taepodong. Le Taepodong-1 est un engin à deux étages qui emprunte à la fois à la technologie du Nodong et du Scud. Son rayon d’action est de 2 200 km. Il a la réputation d’être encore moins précis que le Nodong. Pyongyang l’a testé en août 1998, lors d’un essai au cours duquel l’engin a survolé le nord de l’archipel japonais, ce qui a provoqué l’inquiétude et l’indignation de la communauté internationale. Avec le Taepodong-1, la base américaine d’Okinawa est désormais « à portée de canon » de la Corée du Nord. Mais sa mise en œuvre nécessite de longs préparatifs et sa mise à feu doit notamment être effectuée à partir d’un pas de tir comparable à celui d’une fusée, ce qui augmente la possibilité de le détecter en cas de manœuvre hostile.
Dans cette gamme d’engins « longue portée », pour compléter son arsenal et le rendre à la fois plus souple et plus fiable, Pyongyang travaillerait au développement d’un Taepodong-X. Il aurait pour principal caractéristique de développer un rayon d’action de 4 000 km, mettant les bases américaines de l’île de Guam sous sa menace. Mais surtout, contrairement au Taepodong-1, il pourrait être tiré à partir de plate-forme mobile, et notamment d’un sous-marin, ce qui accroît considérablement sa capacité offensive.
Enfin, dernier spécimen de la catégorie, le Taepodong-2 dont il est question à l’occasion de ce dernier épisode. Son rayon d’action est estimé à plus de 6 000 km. Il est donc supposé capable d’exercer une menace directe sur le territoire des Etats-Unis, et notamment d’atteindre les Etats américains d’Hawaï et d’Alaska, ainsi que certains points de la côte ouest de l’Amérique du Nord. A ce stade, c’est une menace à venir : le premier essai du Taepodong-2, en juillet 2006, a duré moins de quarante secondes avant que l'engin n'explose en vol, selon les Américains. Et, en cas de succès, sa précision n’est pas garantie, pas plus que sa possibilité de transporter une « charge utile » suffisamment consistante pour être dissuasive, ou décisive. Comme son aîné le Taepodong-1, le Taepodong-2 n’est pas d’un usage très souple : il doit, lui aussi, décoller à partir d’un pas de tir fixe. Le complexe de Musudan-ri, sur la côte est de la péninsule, a été spécialement aménagé pour accueillir les essais du missile.
L’hypothèque nucléaire
Toute cette affaire de missile balistique n’aurait certainement pas pris une telle dimension si le contexte international n’était pas marqué par une telle tension et si, parallèlement, le régime n’avait pas développé un programme visant à doter le pays d’une capacité nucléaire militaire. Or, en octobre 2006, la Corée du Nord a effectué son premier test et, désormais, toute la question est de savoir non pas « si » mais « quand » les Nord-Coréens disposeront de vecteurs véritablement fiables et pourront les doter d’une charge atomique. Des spécialistes affirment que cette étape n’est pas encore franchie.
Pour les Nord-Coréens, tout cela est hors propos. Ils affirment que ce tir du Taepodong-2 n’est pas un test militaire, mais une tentative de placement sur orbite d’un satellite de télécommunications. Ce glissement sémantique du « missile » (par nature offensif) à la « fusée » (à vocation scientifique) montre qu’il en va des vecteurs comme de l’atome : la technologie n’est ni bonne ni mauvaise. Mais elle est toujours « proliférante ». Tout dépend de l’intention de l’utilisateur.
Le missile longue portée Taepodong-2 |
Depuis le début des années 1980, la Corée du Nord a développé toute une gamme de missiles sol-sol dérivés des Scud soviétiques. Ces missiles ont une portée limitée, à peine plus d'un millier de kilomètres. Avec le Taepondong-2, la Corée du Nord veut jouer dans la cour des grands, car il s'agit d'un missile balistique intercontinental d'une portée estimée à 6 700 kilomètres, suffisament pour atteindre les îles Haiwaï ou l'Alaska. Mais la Corée du Nord n'a jamais réussi à mettre au point ce missile. En 1998, le premier engin de la série Taepodong s'était abîmé dans l'océan Pacifique après avoir survolé le Japon. En 2006, Pyongyang avait de nouveau essayé de lancer un Taepodong : le missile avait explosé après quarante secondes de vol. En fait, comme cela se fait pour les fusées, la technique nord-coréenne consiste à rajouter des « étages » sur des missiles d'une technologie parfois ancienne, et ce n'est pas toujours efficace. D'ailleurs, nombre d'experts se demandent si ce missile Taepodong-2 peut vraiment emporter une charge nucléaire. |
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