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Honduras

Le retour manqué de Manuel Zelaya

par Sylvain Biville

Article publié le 06/07/2009 Dernière mise à jour le 06/07/2009 à 15:25 TU

Le président hondurien Manuel Zelaya (d), la présidente argentine Cristina Fernandez de Kirchner (C) et le président équatorien Rafael Correa (g) devant l'ambassade de l'Equateur à Washington, le 5 juillet 2009.(Photo : Reuters)

Le président hondurien Manuel Zelaya (d), la présidente argentine Cristina Fernandez de Kirchner (C) et le président équatorien Rafael Correa (g) devant l'ambassade de l'Equateur à Washington, le 5 juillet 2009.
(Photo : Reuters)

Le président déchu Manuel Zelaya, a été refoulé dimanche 5 juillet alors qu’il tentait de rentrer dans son pays, une semaine après son renversement par l’armée. Les autorités issues du coup d’Etat ont refusé l’atterrissage de son avion à l’aéroport de Tegucigalpa. Deux manifestants pro-Zelaya, venus l’accueillir à l’aéroport, ont été tués par les forces de l’ordre.

Toute la journée de dimanche, on a craint le pire au Honduras. En fin d’après-midi, l’avion à bord duquel avait pris place Manuel Zelaya à Washington est arrivé aux abords de Tegucigalpa, où il a survolé l'aéroport international à basse altitude. Au sol, des centaines de soldats et des véhicules militaires avaient pris position sur la piste d'atterrissage pour empêcher l'appareil de se poser.

De son avion, le président déchu a commenté la situation, en direct, par téléphone, sur la chaîne de télévision vénézuélienne Telesur, créée par Hugo Chavez qui s'est imposée comme l'une des principales sources d'information sur la crise hondurienne. « Si j'avais un parachute, je sauterais immédiatement » a-t-il lancé en forme de défi, avant de renoncer pour mettre le cap vers le Nicaragua.

Manuel Zelaya

Président expulsé du Honduras

« S'il y avait eu des parachutes dans cet avion, j'aurai sauté. Je suis aux côtés du peuple hondurien, j'essaierai demain ou après-demain de rentrer au Honduras pour que le calme revienne. »

06/07/2009

Au même moment, les dizaines de milliers de ses partisans, massés autour de l'aéroport, ont tenté de pénétrer sur le tarmac en lançant une pluie de pierres sur les forces de l’ordre qui ont dispersé la foule à coups de gaz lacrymogènes. Les affrontements font deux morts parmi les manifestants, selon la police. Ce sont les premières victimes depuis le coup d'Etat du 28 juin.

Dans la capitale, le couvre-feu nocturne, décrété il y a huit jours a été étendu, pour éviter de nouveaux débordements. Il débute désormais à 18h30 heure locale, au lieu de 22heures.

Signaux contradictoires des putschistes

Toute la journée de dimanche, les nouvelles autorités, de plus en plus isolées, ont émis des signaux contradictoires. D’une part, le président par intérim, Roberto Micheletti, a jeté de l’huile sur le feu dans la journée en annonçant que le Nicaragua voisin amassait des troupes le long de la frontière et en demandant à l’armée de se préparer à une possible agression extérieure. La menace a aussitôt été démentie par le chef de l’Etat nicaraguayen, Daniel Ortega.

D’autre part, le gouvernement issu du putsch qui a été officiellement suspendu samedi 4 juillet de l’Organisation des Etats américains, a fait une timide ouverture, en se disant prêt à un « dialogue de bonne foi » avec l'OEA. Mais un dialogue sous condition : « Le retour de Zelaya n'est pas négociable » a répété Roberto Micheletti qui continue à défendre la constitutionnalité du débarquement de Manuel Zelaya, accusé d’avoir violé la loi en s’obstinant à vouloir organiser un référendum, jugé illégal par la Cour surprême, sur une possible modification de la Constitution qui lui aurait permis de rester au pouvoir.

Appel à Barack Obama

Le secrétaire général de l'OEA, José Miguel Insulza qui avait échoué à obtenir la moindre concession des putschistes la semaine dernière, à Tegucigalpa, s'est dit prêt à poursuivre sa médiation. Quant à Manuel Zelaya, il a terminé son long voyage au milieu de la nuit à l'aéroport de San Salvador, où l’attendait un aréopage de chefs d'Etat de la gauche latino-américaine : l’Argentine Cristina Kirchner, l'Equatorien Rafael Correa, le Paraguayen Fernando Lugo et le Salvadorien Mauricio Funes, ainsi que le chef de l'OEA qui lui ont tous réaffirmé leur soutien. Mais aucun d'entre eux ne s'était risqué à faire le voyage jusqu’à Tegucigalpa, contrairement à ce qu'ils avaient promis ces derniers jours.

Elu en 2006 en tant que candidat conservateur, Manuel Zelaya, riche propriétaire terrien, s’est depuis rapproché du chef de l’Etat vénézuélien Hugo Chavez, devenu l’un de ses plus proches alliés. Ce virage à gauche lui a valu de se mettre à dos ses anciens amis politiques. Une semaine après son arrestation par l’armée, au saut du lit, et son exil forcé, le chef de l'Etat déchu en appelle désormais à Barack Obama. « A partir de demain, la responsabilité revient aux grandes puissances, notamment les Etats-Unis » a-t-il déclaré dimanche 5 juillet.

Le président américain, qui, comme le reste de la communauté internationale, a condamné le coup de force, a jusqu’à présent joué la carte du multilatéralisme en laissant l’OEA monter en première ligne pour gérer la crise. Il va sans doute devoir s’impliquer davantage pour résoudre la crise au Honduras, allié traditionnel des Etats-Unis en Amérique centrale. Quelque 500 soldats américains sont stationnés en permanence dans le pays.