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Niger

Un référendum très contesté

par  RFI

Article publié le 03/08/2009 Dernière mise à jour le 04/08/2009 à 10:02 TU

Les policiers et les militaires ont voté lundi 3 août avant le reste de la population nigérienne.(Photo : AFP)

Les policiers et les militaires ont voté lundi 3 août avant le reste de la population nigérienne.
(Photo : AFP)

C'est donc ce mardi que les électeurs nigériens sont appelés à participer au référendum constitutionnel voulu par le président Mamadou Tandja. L’adoption d’une nouvelle Constitution permettra au président de rester au pouvoir, une démarche qui suscite une vive contestation dans le pays et des critiques de la communauté internationale. La Constitution actuelle du Niger limite à deux mandats consécutifs la fonction présidentielle et veut que Mamadou Tandja, 71 ans, cède la place au terme de son deuxième quinquennat le 22 décembre prochain.

La tension est montée d'un cran ces derniers jours. L'opposition a accusé le chef de l'Etat de vouloir rester à la tête du pays pour protéger les intérêts financiers de ses proches, notamment dans le secteur de l'uranium. L’opposition, regroupée en « Front du refus », a dénoncé l’« illégalité » de ce scrutin et a appelé au boycott. Ses représentants qui siègent à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ont claqué la porte. Dimanche dernier, partis d'opposition et centrales syndicales réunis au sein de la Coordination des forces démocratiques pour la République (CFDR), ont lancé un ultime « appel à la mobilisation pour faire échec » au référendum.

Le climat est tel que le Premier ministre Seini Oumarou - qui fait campagne pour le « oui » - a lancé des avertissements contre toutes tentatives de troubles. C'est depuis Maradi, à la frontière avec le Nigéria, que le chef du gouvernement a averti que le pouvoir assumera toute sa responsabilité en cas d'éventuelles provocations. Il faisait allusion aux propos des partis de l'opposition qui ont promis de mettre tout en œuvre pour empêcher la tenue de ce qu'ils qualifient de « coup d'Etat constitutionnel ».

Il faut noter que le président Mamadou Tandja s’est attribué des « pouvoirs exceptionnels », pour gouverner par décrets et ordonnances. Fin juin, il a dissous la Cour constitutionnelle après avoir dissous le Parlement le 26 mai, ce qui a provoqué une crise politique. Selon des journalistes nigériens, des abris de campagne favorables au « oui » ont été incendiés dans la nuit de mercredi à jeudi à Niamey. Au même moment, le pouvoir a envoyé un signal fort à l’opposition, en lançant un mandat d'arrêt international contre l'un des plus virulents opposants au référendum : Hama Amadou. L’ancien Premier ministre, qui vit à l'étranger depuis sa sortie de prison en mai dernier, a récemment entrepris une tournée dans la sous-région pour appeler les Nigériens de la diaspora à voter non. C'est là qu'il a appris que le Niger avait lancé Interpol à ses trousses pour enrichissement illicite et blanchiment d'argent portant sur 15 milliards de francs CFA. Hama Amadou a plaidé « non coupable » et a accusé le pouvoir de « provocation politique ».

L'Union européenne (UE) a rappelé fermement que le référendum du 4 août aura de « graves conséquences » pour l'avenir des aides européennes accordées au Niger. L’UE a déjà bloqué une aide budgétaire en signe d’avertissement.  La France, ancienne puissance coloniale de ce pays sahélien de quelque 14 millions d'habitants, qui occupe le rang de troisième producteur mondial d'uranium, a dénoncé mi-juillet les « atteintes répétées à la démocratie » au Niger. Le président nigérien a fait savoir qu’il ne céderait pas aux manifestations de l’opposition ni aux pressions extérieures.

Les forces de l’ordre ont été déployées pour assurer la sécurité lors des opérations de vote, à Niamey et à l’intérieur du pays. Les policiers et les militaires ont voté lundi, avant le reste de la population. Les autorités ont expliqué que c’est pour que les forces de l’ordre soient disponibles en cas de désordre. Certains Nigériens pensent que le pouvoir a voulu savoir, avant le scrutin, si l’armée est favorable ou opposée au maintien au pouvoir du président Tandja.

La CENI, chargée d’organiser le référendum, le fera sans la présence non plus d’observateurs indépendants. Toutes les institutions et organisations internationales n’ont pas jugé bon d’envoyer leur représentants. Le président de la commission électorale nationale indépendante, Moumouni Hamidou, a indiqué lundi qu'il proclamera les résultats dans un délai de cinq jours. Ces résultats seront ensuite transmis à la Cour constitutionnelle - nouvellement désignée par le président de la République - chargée les valider et les proclamer.

Vote pour le référendum

« Personne ici ne se risque à prévoir comment se déroulera la journée de demain. Seule certitude : les deux camps qui s'opposent sont sous pression. »

03/08/2009


Genèse de la crise

Il n’aura fallu que trois mois à Mamadou Tandja pour éliminer les obstacles et imposer son référendum constitutionnel. Mais tout commence à la fin de l’année dernière. Un mouvement baptisé  « tazartché » (« la continuité » en langue haoussa), intervient sur la scène publique. Ce lobby de partisans du chef de l'Etat milite pour que Mamadou Tandja reste au pouvoir trois ans de plus. La machine est en route.

Au début du mois dernier, le président Tandja et le groupe français Areva lancent les travaux de la mine d’Imouraren, mettant fin à deux ans de brouille avec la France. Le gouvernement annonce dans la foulée, que le chef de l'Etat veut organiser un référendum sur une nouvelle constitution qui lui permettra de briguer autant de mandats qu’il le souhaite.

Tandja campe sur ses positions

Hermétique à la grogne qui monte dans la classe politique, le président nigérien met à la porte des députés qui s’apprêtaient à rejeter ce référendum. L’assemblée nationale est dissoute à la fin du mois de mai. Un mois plus tard, il dissout la cour constitutionnelle. La plus haute juridiction du pays a rejeté son projet et annulé le décret qui convoque les électeurs.

La contestation s’amplifie. Le principal allié du président, la CDS (Convention démocratique et sociale) de Mama Mahamane Ousmane, claque la porte du gouvernement. Mamadou Tandja s’arroge des pouvoirs exceptionnels.

Une coalition de partis, syndicats et organisations de la société civile, se constitue en un Front de défense de la démocratie. Le FDD (Front pour la défense de la démocratie), dénonce le coup d’Etat constitutionnel, et accuse Mamadou Tandja de dérive totalitaire. Les opposants ont appelé les démocrates et les patriotes à barrer la route au référendum qui se tient aujourd’hui.

A écouter

Mamadou Tandja, président nigérien

« La satisfaction est totale : j'ai répondu à mes obligations de président de la République face à la demande du peuple nigérien. »

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