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Russie / Droits de l’homme

Nouveau procès dans l’affaire Anna Politkovskaïa

par Oanna Favennec

Article publié le 04/08/2009 Dernière mise à jour le 05/08/2009 à 06:14 TU

Anna Politkovskaïa, assassinée le 7 octobre 2006.(Photo : J. Schlueter/AFP)

Anna Politkovskaïa, assassinée le 7 octobre 2006.
(Photo : J. Schlueter/AFP)

Ce mercredi débute à Moscou le nouveau procès de trois complices présumés de l’assassin d’Anna Politkovskaïa, journaliste russe, qui se battait pour le respect des droits de l’homme en Tchétchénie. Le 25 juin dernier, la Cour suprême avait annulé leurs acquittements en première instance. Pendant ce temps, les meurtres de journalistes et défenseurs de droits de l'Homme se poursuivent en Russie.

Les trois personnes qui doivent comparaître à ce nouveau procès ne seraient que les complices. Des « exécutants », comme les appelle la famille d’Anna Politkovskaïa. Les deux frères tchétchènes, Djabraïl et Ibraguim Makhmoudov, sont en effet soupçonnés d’avoir suivi la journaliste d’investigation, puis d’avoir amené sur les lieux du crime leur frère, Roustam.

C’est ce dernier, en fuite depuis lors, qui aurait tué par balle Anna Politkovskaïa, dans le hall de son immeuble, en cet après-midi d’octobre 2006. La troisième personne mise en accusation, Sergueï Kadjikourbanov, est un ancien policier qui aurait mis au point la logistique de l’assassinat.

Commanditaire du meurtre : le mystère reste entier

Les enfants de la journaliste, Vera Politkovskaïa et Ilia Politkovski jugent donc qu’une nouvelle enquête doit être menée. Ils ont ainsi annoncé qu’ils insisteraient mercredi « sur un renvoi de l’affaire au Parquet », car selon Ilia, « les accusés étaient impliqués dans l’assassinat : ils étaient sur les lieux du crime et n’ont jamais pu expliquer pourquoi. » La rédaction du journal Novaïa Gazeta, dans lequel écrivait Anna Politkovskaïa, réclame également une nouvelle enquête, expliquant que les jurés du premier procès lui avaient affirmé qu’il n’y avait pas de preuves pour prononcer un verdict de culpabilité.

Juste après le meurtre, Novaïa Gazeta avait mené sa propre enquête, n’ayant aucune confiance en l’efficacité de la police. A l’époque, le tri-mensuel privilégiait une piste : celle de Ramzan Kadyrov. Le Premier ministre tchétchène (aujourd’hui Président), à la tête d’une véritable milice, les « Kadyrovtsi », était en effet régulièrement mis en cause par la journaliste d’investigation. Et avant de trouver la mort, elle venait d’affirmer dans une interview à la radio qu’elle était prête à témoigner contre lui. Anna Politkovskaïa s’apprêtait en outre à publier un article sur les méthodes musclées des « Kadyrovtsi ».

L’ombre de Ramzan Kadyrov

Ce nouveau procès s’ouvre moins d’un mois après l’assassinat de Natalia Estemirova, ancienne journaliste et amie d’Anna Politkovskaïa. Cette militante de l’ONG Memorial dénonçait également les violations des droits de l’homme en Tchétchénie. Natalia Estemirova a été enlevée à Grozny le 15 juillet et retrouvée tuée par balle en Ingouchie voisine quelques heures après. Une nouvelle fois, l’ombre de Kadyrov plane au dessus de l’affaire. La Fédération Internationale des droits de l’homme (FIDH) expliquait récemment que l’homme fort de Tchétchénie, pro-russe, avait « personnellement menacé Natalia Estemirova et ne faisait pas mystère de sa volonté d’éliminer physiquement tous ceux qui feraient obstacle à son règne sans partage. »

L'analyse de Veronnica Szenente Golstone de l'organisation de défense des droits de l'homme, Human Rights Watch, à New York.

Les crimes à l'encontre des journalistes restent majoritairement impunis en Russie.

« La Russie est absolument capable de mener la justice dans ce genre de crime, ce qui paraît manquer, c'est la volonté politique. »

05/08/2009 par Mireille Langlois

 

 

ONG - De la difficulté à militer en Russie

Avec notre correspondant à Moscou, Emmanuel Grynzspan

Moscou pourrait alléger la pression sur les organisations non gouvernementales russes. C’est du moins ce qu’espèrent les représentants de plusieurs ONG. Réunis mardi lors d’une conférence de presse, ils ont affirmé que l’Etat russe ne traite désormais plus les ONG comme des ennemies.

Le président Dimitri Medvedev a proposé, fin juillet des amendements à la loi très répressive de 2005 en vigueur jusqu’ici. Les changements vont alléger les contrôles administratifs sur les ONG. Sous son prédécesseur Vladimir Poutine, le Kremlin assimilait les ONG à une cinquième colonne financée par l’étranger pour nuire aux intérêts de la Russie.

De leur côté les ONG n’ont pas épargné la Russie de Poutine et de Medvedev. Que ce soit sur les droits de l’homme, la corruption, la démocratie ou la liberté de la presse, les ONG n’ont pas cessé de pointer les manquements du Kremlin.

Mais si certaines ONG voient aujourd’hui poindre la lumière à l’horizon, d’autres restent pessimistes. Hier, deux vétérans de la défense des droits de l’homme en Russie se sont plaints dans une lettre ouverte au président Medvedev d’une recrudescence des persécutions administratives et des agressions. Il suffit d’ailleurs de se souvenir du meurtre de la militante Natalia Estemirova, il y a moins d’un mois, en Tchétchénie.