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Etats-Unis

Débat enfiévré sur la réforme de la santé

par Frédérique Misslin

Article publié le 13/08/2009 Dernière mise à jour le 13/08/2009 à 19:10 TU

Du Maryland à la Pennsylvanie, en passant par le Colorado (photo), cette réforme provoque de nombreuses manifestations. (Photo : AFP)

Du Maryland à la Pennsylvanie, en passant par le Colorado (photo), cette réforme provoque de nombreuses manifestations.
(Photo : AFP)

Les parlementaires américains sont partis en vacances sans voter le grand projet de réforme de Barack Obama sur l'assurance maladie. Les joutes verbales ont donc quitté le Congrès mais le débat se poursuit aux quatre coins des Etats-Unis. Les discussions sont houleuses entre partisans et adversaires de la refonte qui vise à étendre la couverture maladie aux 46 millions d’Américains qui en sont dépourvus.

Pendant les vacances, les sénateurs démocrates ont été chargés par Barack Obama d’expliquer aux Américains la réforme du système de santé. Les élus assistent à des réunions publiques dans leurs circonscriptions et les esprits s'échauffent… En Pennsylvanie par exemple, le sénateur démocrate Arlen Specter a eu toutes les peines du monde à faire passer son message. Un de ses administrés s’est levé pour se lancer dans une invective aux accents religieux : « un jour Dieu vous jugera et vous irez en enfer ». Certaines des réunions ont été annulées en raison de la violence des opposants à la réforme. Dans le Maryland, l'effigie d'un élu a été pendue. En Floride, on a vu des pancartes représentant Barack Obama avec une moustache rappelant celle d’Hitler. La refonte de l’assurance-maladie représente une menace pour les assurances privées qui ont fortement augmenté leurs tarifs ces dernières années pour des prestations souvent médiocres. Actuellement, le système repose de moins en moins sur une couverture fournie via l’employeur et de plus en plus sur des assurances contractées individuellement. Près de 50 millions de personnes sont exclues de cette structure. Le gouvernement américain propose donc de rendre l’assurance maladie accessible à tous.

Guerre de communication

La couverture des immigrés, la bureaucratie, le coût fiscal de la réforme fédèrent le camp des protestataires. Les conservateurs se mobilisent s’organisent et dénoncent « un projet socialiste digne de l'URSS ». Dans cette bataille, tous les coups sont permis. La rumeur enfle sur internet : « le projet favoriserait l'euthanasie, il saperait les valeurs américaines », peut-on lire. Les détracteurs de la réforme proposent de courtes vidéos en ligne qui mettent en scène, par exemple, avec force hémoglobine, un jeune homme qui tente de joindre les urgences après un accident. « Avec le projet Obama, temps d’attente moyen : 18 mois » dit la parodie du site  wetheproblem.com. L'institut indépendant explique lui que la loi va permettre à l’Etat de jouer avec la santé des Américains : « pour certaines maladies vous serez couvert pour d'autres non ».

L’administration Obama contre-attaque

Avant que la situation soit complètement hors de contrôle, la Maison Blanche a été obligée de réagir sur son site web. Les fonctionnaires démentent point par point toutes ces affirmations. Barack Obama en personne a été obligé de faire taire les rumeurs : « si vous appréciez votre médecin traitant vous pourrez le garder, si votre contrat d’assurance actuel vous convient vous n’aurez pas à en changer » a dit le Président américain qui a profité du débat pour rappeler que cette réforme lui tient particulièrement à cœur. « Je n’ai jamais oublié le combat de ma propre mère contre le cancer, a affirmé Barack Obama. Dans les derniers moments de sa vie elle se demandait si elle pourrait prétendre au remboursement de ses traitements. Il y a tellement d’Américains qui sont préoccupés par la même question. » Pauline Vaillancourt-Rosenau, professeur de santé publique à l’Université de Houston au Texas, souligne que « le système actuel coûte très cher pour des résultats médiocres. Mais, ceux qui bénéficient du statut quo (NDLR : les hôpitaux, les médecins, les compagnies d’assurances) voient tout de même la réforme d’un très mauvais œil. Il y a beaucoup d’intérêts en jeu et les groupe d’influence se mobilisent ».

Pauline Vaillancourt Rosenau

« Nous avons le système de santé qui coûte le plus au niveau mondial, par personne et par an. En plus, la performance de notre système de santé n'est pas la meilleure, même si on paie deux fois plus. »

13/08/2009 par Frédérique Misslin

Au-delà des excès et des bras de fer entre démocrates et républicains, le débat porte aussi sur les valeurs américaines, rappelle l’universitaire Vincent Michelot. « La libre entreprise, l’égalité, la place de l’Etat dans la démocratie sont au cœur des discussions actuelles » affirme ce spécialiste des Etats-Unis, poursuivant qu’il s’agit là d’un exercice de démocratie participative très organisé qui est aussi « révélateur de l’absence, sur la scène politique, du parti républicain en ce moment ».

Vincent Michelot

« Plus la réforme du système de santé sera retardée, plus elle sera difficile à mettre en oeuvre. »

13/08/2009 par Frédérique Misslin

Les républicains affirment, de leur côté, que le ton monte parce les Américains sont inquiets. Ils craignent les conséquences d’une réforme qui va coûter très cher si elle est adoptée : 1000 milliards de dollars sur 10 ans. Barack Obama espère aboutir sur ce dossier avant la fin de l’année.