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Arménie / Turquie

Ankara-Erevan : un petit pas vers une grande solution

par Piotr Moszynski

Article publié le 01/09/2009 Dernière mise à jour le 01/09/2009 à 21:25 TU

L’Arménie et la Turquie viennent de faire un nouveau petit pas vers la normalisation de leurs relations, rompues depuis une quinzaine d’années. Si tout va bien, on peut s’attendre à la réouverture de leur frontière dans quelques mois.

Un panneau Stop côté turc, sur une voie ferrée le long de la frontière Turco-arménienne.(Photo : Mustafa Ozer / AFP)

Un panneau Stop côté turc, sur une voie ferrée le long de la frontière Turco-arménienne.
(Photo : Mustafa Ozer / AFP)

La Turquie a fermé sa frontière avec l’Arménie en 1993, en signe de solidarité avec son allié turcophone, l’Azerbaïdjan. Celui-ci était entré en conflit avec l’Arménie quand son armée a prêté main forte aux séparatistes arméniens cherchant à obtenir par la force l’autonomie d’une province azérie, le Nagorny Karabakh, peuplé en majorité par les Arméniens.

Les relations diplomatiques entre l’Arménie et la Turquie n’existent pas depuis la dissolution de l’Union soviétique en 1991, qui a apporté l’indépendance à l’ancienne République socialiste soviétique d’Arménie. Ce sont les divergences sur la question des massacres d’Arméniens survenus dans l’Empire ottoman entre 1915 et 1917 qui constituent la principale raison du blocage. Erevan parle d’un « génocide » (qualification reconnue par le Canada, la France et le Parlement européen) en évoquant plus d’un million et demi de morts. Ankara rejette ce terme et ne reconnaît « que » trois à cinq cent mille victimes.

Préalables

Ainsi, les deux raisons de la discorde sont devenues en même temps les préalables au rétablissement de relations diplomatiques et à la réouverture de la frontière : le règlement du problème du Nagorny Karabakh pour la Turquie, la reconnaissance du « génocide arménien » pour l’Arménie.

La nouveauté dans les négociations en cours depuis le voyage historique du président turc Abdullah Gül en Arménie à l’occasion d’un match de football il y a un an, c’est que l’on n’évoque plus vraiment de préalables, ni d’un côté, ni de l’autre. Ce qui provoque d’ailleurs des tensions entre la Turquie et l’Azerbaïdjan, et des tensions internes en Arménie, ainsi qu’entre Erevan et la nombreuse diaspora arménienne à l’étranger.

Les dirigeants des deux pays doivent donc procéder avec beaucoup de prudence et de discrétion afin de ne pas les attiser encore plus. Pas étonnant donc que les communiqués sur les progrès accomplis soient très avares en détails et séparés de plusieurs mois d’intervalle.

Le dernier en date, publié lundi, annonce une prochaine ouverture « des consultations politiques internes » sur deux protocoles. L’un concernerait l’établissement de relations diplomatiques. L’autre, le développement de liens bilatéraux. Il s’agit indubitablement d’une bonne nouvelle qui ouvre la perspective d’une prochaine réouverture de la frontière, souhaitée avant tout par l’Arménie, enclavée actuellement entre deux voisins avec lesquels elle n’entretient pas de relations commerciales – et donc très dépendante du troisième, la Russie. Toutefois, les entrepreneurs turcs font également pression sur leur gouvernement car la réouverture de la frontière leur permettrait d’atteindre directement le marché arménien, sans passer par la Géorgie.

Outre le commerce et le tourisme, de bonnes perspectives s’ouvrent également pour un travail collectif sur la mémoire historique. En effet, le nouvel accord prévoit la création d’une commission commune chargée d’examiner les divergences entre les deux pays également dans ce domaine. Ceci dit, une véritable normalisation des relations n’est pas encore à portée de la main. Ne serait-ce que la procédure parlementaire prévue pour la ratification des accords définitifs qui devra prendre plusieurs mois.

Dimension régionale

Néanmoins, des pas importants ont été faits. Importants non seulement pour les deux pays intéressés, mais aussi pour toute la région. Comme le soulignait lundi le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, le processus bilatéral en cours s’inscrivait dans la « vision régionale de la Turquie d’établir la paix au Caucase ». Vaste et ambitieux programme, si l’on songe qu’à côté du conflit au Nagorny Karabakh, des problèmes comme le différend entre la Géorgie et la Russie sur l’Abkhazie et l’Ossétie de Sud attendent toujours une solution pérenne dans la région.

Mais, pour l’instant, l’essentiel c’est que l’on s’achemine réellement vers une amélioration des relations entre l’Arménie et la Turquie. Fin avril, le ministre arménien des Affaires étrangères, Edvard Nalbandian, l’annonçait sur l’antenne de RFI, en affirmant : « Je pense que dans un avenir proche, nous pourrons rendre public nos accords et aller de l'avant pour réaliser les progrès obtenus pendant les négociations ». Il a tenu parole.

Christina Gallach, porte-parole de Javier Solana, responsable de la diplomatie de l'UE

« Cet accord devrait avoir un fort impact sur la stabilisation d'une région difficile. »

01/09/2009 par Valérie Lainé

Ara Toranian, directeur des «Nouvelles d'Arménie»

« L'affaire arménienne constituait une épine dans le pied de la Turquie. »

01/09/2009 par Valérie Lainé