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Guinée

Bain de sang à Conakry

par  RFI

Article publié le 29/09/2009 Dernière mise à jour le 29/09/2009 à 13:49 TU

Les militaires ont utilisé lundi leurs armes et tiré à balles réelles sur les manifestants qui s'étaient regroupés dans le plus grand stade de Conakry pour dénoncer la possible candidature du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, à la présidentielle prévue en janvier. Le bilan est très lourd : au moins 87 morts, selon une source policière. Ancienne puissance coloniale, la France a condamné « avec la plus grande fermeté » cette « répression violente » et les Etats-Unis se sont déclarés « profondément inquiets ».

La police guinéenne arrête un manifestant au cours d'un rassemblement interdit devant le plus grand stade de la capitale, Conakry, le 28 septembre 2009.( Photo: Seyllou/AFP )

La police guinéenne arrête un manifestant au cours d'un rassemblement interdit devant le plus grand stade de la capitale, Conakry, le 28 septembre 2009.
( Photo: Seyllou/AFP )


Les forces vives avaient décidé de passer outre l'interdiction et de se rassembler pour dire leur opposition à la très probable candidature du capitaine Moussa Dadis Camara à la présidentielle.

Plusieurs dizaines de milliers de manifestants se sont donc massés aux portes du stade du 28-Septembre. Les militaires les ont laissé entrer, et le piège s'est refermé.

Après quelques minutes, les soldats ont tiré sur la foule et matraqué les manifestants pour les obliger à sortir, dans la panique, par la seule porte qu'ils avaient laissée ouverte.

Amadou, un témoin des violences du stade

« Les militaires ont tiré sur l'un des manifestants devant moi »

29/09/2009 par Olivier Rogez

Des tirs à balles réelles

Selon des témoins que nous avons contactés, des personnes ont été abattues à bout portant et des femmes ont été violées par des soldats.

Témoignage anonyme d'un manifestant

« ...des femmes déshabillées, qui marchaient nues, des vieilles personnes battues... »

29/09/2009 par Olivier Rogez


Une fois dehors, les manifestants étaient encore poursuivis par les militaires. Des coups de feu étaient toujours signalés dans divers quartiers de la capitale plusieurs heures après ces événements.

Plusieurs leaders de l'opposition ont été blessés dans la répression. Ils ont été hospitalisés et placés sous la surveillance des militaires.

Dans un entretien accordé à RFI, le chef de la junte Moussa Dadis Camara a déclaré attendre qu'on lui donne les chiffres des morts.

Le chef de la junte, Moussa Dadis Camara

« Effectivement, il y a eu des morts, mais j'attends encore les chiffres [...] J'attends qu'on me fasse le point de la situation pour voir comment nous allons procéder. Mais très franchement, je suis très désolé. »

29/09/2009 par Christophe Boisbouvier


Un régime qui s'isole

La journée d'hier risque d'entrainer une rupture profonde entre la junte et une partie importante de la population guinéenne. La répression brutale et sanglante de la marche de l'opposition, le passage à tabac de ses leaders devrait marquer les esprits pour de longs mois.

Le régime de Dadis Camara s'est comporté avec la même brutalité que celui de Lansana Conté lors des marches de 2007, marches qui avaient fait plus de 180 morts. Le parallèle est d'autant plus frappant que les chefs de la répression de 2007 sont justement ceux qui dirigent aujourd'hui la junte.

Le clivage concerne aussi l'opposition. Il y a neuf mois, certains des leaders comme Sidia Touré ou Alpha Condé avaient appuyé les militaires, croyant en leurs bonnes paroles. Mais depuis qu'une candidature de Moussa Dadis Camara à la présidentielle de 2010 se précise, l'opposition s'est écartée de la junte. Les coups de matraques d'hier contre les leaders politiques et la répression qui cible en particulier Cellou Dalein Diallo risquent de couper définitivement Moussa Dadis Camara des principaux leaders du pays.

En neuf mois la junte qui n'a pas su mettre en place les institutions de la transition aura de plus réussi à gâcher son capital de confiance. Reste à savoir si elle pourra organiser comme prévu une élection crédible en janvier prochain.

Condamnations internationales

Les réactions de la communauté internationale sont nombreuses et unanimes pour condamner la répression.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est dit « choqué par les pertes en vies humaines, le nombre élevé de blessés et la destruction de biens, suite à l'usage excessif de la force ».

La Commission de l'Union Africaine a exprimé sa « grave préoccupation » et exigé la « libération des personnes arrêtées ».

Le diplomate en chef de l'Union européenne, Javier Solana, a condamné « avec vigueur » l'usage de la force et réclamé lui aussi la « libération immédiate » des responsables de l'opposition.

Washington s'est dit « profondément inquiet » et demande « instamment au gouvernement guinéen de faire preuve de modération et d'assurer la sécurité des Guinéens et des étrangers ».

Même inquiétude et ferme condamnation de Paris :

Alain Joyandet

Secrétaire d'Etat français à la Coopération et à la Francophonie

« La France condamne avec la plus grande fermeté et appelle au retour au calme »

29/09/2009 par Yves Rocle

 

A écouter

Alain Joyandet

« La France condamne avec la plus grande fermeté ce qui s’est passé. Elle appelle au retour au calme, elle demande également la libération de ceux qui ont été appréhendés à cette occasion. Enfin, elle appelle au respect des engagements publics qui ont été pris par les militaires de ne pas participer au processus électoral… »

29/09/2009