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Guinée

Calme tendu après la sanglante répression

par  RFI

Article publié le 29/09/2009 Dernière mise à jour le 30/09/2009 à 05:20 TU

Important déploiement militaire, commerces fermés, pas de circulation, des tirs sporadiques : au lendemain de la violente répression de la manifestation d’opposition, un calme tendu règne à Conakry. Le bilan officiel est de 87 morts, l’opposition en dénonce 128, l'organisation guinéenne des droits de l'homme annonce 157 victimes. La communauté internationale condamne unanimement les violences et la France a décidé de suspendre sa coopération militaire avec la Guinée. La junte au pouvoir dans le pays a déclaré mercredi et jeudi « journées de deuil national » et a interdit « tout regroupement de quelque nature que ce soit à caractère subversif ». Par ailleurs, l'ambassade de Guinée à Libreville et la résidence de l'ambassadeur ont été saccagées mardi soir.


Au moins trois jeunes tués mardi
  
De nouveaux tirs sporadiques ont été entendus mardi matin à Conakry. Les rues de la capitale étaient vides et la plupart des commerces fermés. Le déploiement militaire est important au lendemain de la sanglante répression de la manifestation de l'opposition dans le grand stade de Conakry. Et la tension n’est pas retombée.

Les quartiers chauds de Conakry ont été littéralement quadrillés mardi par les soldats. Les bérets rouges du bataillon aéroporté ainsi que la police se sont déployés sur les axes de Hamdallaye, Bambeto et Koza. Les militaires veillaient disperser tout attroupement. Parfois sans hésiter à tirer.

Selon les témoins, au moins trois personnes, ont été tuées ce mardi, dont un adolescent, abattu à d'une balle dans le dos à Cosa, dans la banlieue Nord de Conakry. Selon plusieurs témoins, les soldats lui auraient tiré dans le dos alors qu'il courait.

Témoignage d'un commerçant du quartier de Cosa

« 25% des magasins du carrefour de Cosa ont été saccagés par les éléments de la garde présidentielle. »

29/09/2009 par Stanislas Ndayishimiye

Plusieurs témoins affirment aussi que des soldats ont continué à piller des boutiques.

Répression de la manifestation de lundi 28 septembre

Extrait d'un document vidéo sur la répression de la manifestation du 28 septembre au stade de Conakry.(Photo : Reuters)

Extrait d'un document vidéo sur la répression de la manifestation du 28 septembre au stade de Conakry.
(Photo : Reuters)

De source policière, au moins 87 personnes hostiles au pouvoir militaire ont été tuées par balle lundi, lors de la répression de la manifestation du stade de Conakry, mais ce bilan semble largement sous-évalué. Thierno Maadjou Sow, président de l'organisation guinéenne des droits de l'homme affirme : « selon des sources hospitalières auxquelles nous avons parlé, 157 morts et 1 253 blessés ont été recensés ». Des témoignages recueillis par RFI font également état de viols et d’autres exactions (voir notre récit de la journée de lundi).

Mamady Kabah, qui dirige la branche guinéenne de la Raddho (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme) affirme que des femmes détenues dans les camps militaires et les commissariats ont été violées. L'organisation guinéenne des droits de l'homme dénonce le fait que des blessés de l'hôpital Donka et des femmes violées qui étaient soignés au centre de santé de Ratoma ont été enlevés par des soldats. 

Des responsables de l'opposition ont été blessés et arrêtés

Quant aux opposants, ils accusent la junte d'avoir fait enlever les corps dans les morgues la nuit dernière afin de masquer l'ampleur du massacre.  Enfin, le chef de la junte, Moussa Dadis Camara, a rendu visite cet après-midi aux blessés dans deux hôpitaux de Conakry. Il doit aussi se rendre dans la soirée chez certains opposants. Manifestement il souhaite calmer la colère des Guinéens.

Par ailleurs, trois responsables de l'opposition ont été blessés, arrêtés et entendus hier par la police. Cellou Dalein Diallo, le leader de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), a été passé à tabac. Il se dit la cible d'attaques répétées de la part de la junte depuis plusieurs mois et craint pour sa vie.

Cellou Dalein Diallo, leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée.

« Les bérets rouges qui m’ont assommé de coups avaient l’intention de me tuer, et ils ont dit clairement qu’ils allaient m’exterminer et que je ne parlerai plus à RFI. »

29/09/2009 par Olivier Rogez

Autre leader de l'opposition, blessé et arrêté hier : Sydia Touré, le président de l'Union des forces républicaines. Il a été blessé à la tête et témoigne d’un climat d’anarchie.

Sydia Touré, président de l'Union des forces républicaines

« Ce que j’ai vu hier est un désordre complet et une anarchie totale. »

29/09/2009 par Olivier Rogez

François Fall a lui aussi été arrêté. Le leader du Front uni pour la démocratie et le changement réclame une intervention de la communauté internationale.

François Fall, ancien Premier ministre guinéen

« Les crimes qui ont été commis hier relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale. »

29/09/2009 par Olivier Rogez

Alpha Condé, autre figure de l'opposition, demande également à la communauté internationale de ne pas laisser faire, de ne pas se contenter de belles paroles.   

Alpha Condé, porte-parole de l’opposition

« La solution aujourd’hui, je crois que c’est la démission du CNDD du pouvoir et la mise en place d’un gouvernement provisoire pour garder les élections et en même temps mettre en place une commission. »

29/09/2009 par Stanislas Ndayishimiye

Enfin, contrairement aux rumeurs qui courent depuis lundi à Conakry, Jean-Marie Doré, le patron de l'UDG, est bien vivant et a pu être joint au téléphone ce mardi par RFI.

Réactions internationales

La Cedeao dit sa consternation, « demande la libération immédiate de tous ceux qui ont été arrêtés » et « appelle à la mise sur pied d'une commission d'enquête internationale en collaboration avec l'Union Africaine et la Commission des Nations unies pour les droits de l'homme pour situer les responsabilités et prendre les mesures idoines ».

A Bamako, L'Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma, principal parti politique au Mali, mouvance présidentielle) a réclamé mardi le départ du chef de la junte en Guinée. L'Adéma écrit que la Guinée a vécu des heures d'horreur, que la situation interpelle tous les peuples épris de paix.  L'ambassadeur du Mali en Guinée a lui-même été molesté lundi soir par des militaires qui lui ont volé de l'argent et sa voiture.

La France annonce, pour sa part, qu'elle suspend immédiatement sa coopération militaire avec Conakry et qu'elle va réexaminer toute son aide à la Guinée. Paris dénonce une « répression sauvage et sanglante ».

Bernard Valéro

directeur de la communication et du porte-parolat à l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères

« Ce qui se passe depuis plus de 24 heures en Guinée est totalement inqualifiable. Les violences, la répression sauvage et sanglante, avec certains épisodes qui dépassent l’imagination la plus folle, tout ça forme une situation que nous n’acceptons pas. »

29/09/2009 par Olivier Rogez

 Le président de la Commission de l'Union africaine, Jean Ping, joint mardi soir par RFI, appelle Moussa Dadis Camara à respecter sa promesse de ne pas présenter sa candidature à la présidentielle prévue en janvier.

Les Etats-Unis condamnent l'usage « éhonté » de la force par la junte en Guinée.