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Les hommes forts

Abderrahman Wahid, un islamiste modéré et respecté

Abderrrahman Wahid a été élu le 21 octobre 1999, quatrième Président de l'Indonésie par 373 voix contre 313 pour Megawati Sukarnoputri. Longtemps, chef de file d'une puissante association religieuse, il est d'une santé fragile et est quasiment aveugle. La tâche du nouveau président indonésien s'annonce des plus ardues : il va devoir gérer, à son tour, la crise est-timoraise.

Depuis de nombreuses années, le dirigeant islamiste modéré Abdurrahman Wahid, est une personnalité dominante de la politique indonésienne. Diplômé d'arabe de l'université du Caire et de littérature de l'université de Bagdad, cet homme de 59 ans marié et père de quatre enfants, pratiquement aveugle depuis un accident de santé, est considéré par beaucoup comme un homme d'influence, un "faiseur de roi" de l'ère post-Habibie.

D'humeur souvent imprévisible mais aussi jovial et expansif, "Gus Dur", le nom javanais sous lequel Wahid est généralement connu, a tergiversé pendant plusieurs mois avant de déposer sa candidature au poste suprême de Président indonésien. Fantasque mais modéré et respecté, Wahid, originaire d'une famille musulmane très respectée à Jombang, dans l'Est de l'île de Java, de l'avis même d'analystes politiques, pourrait être un Président consensuel susceptible de rassembler tous les groupes ethniques, culturels et religieux de l'archipel indonésien. Lors de ses sorties, il est capable de rassembler d'énormes foules et il est même considéré par certains de ses partisans comme un saint doté de pouvoirs surnaturels.

Jose Ramos Horta, l'indépendantiste convaincu

Vice-président du conseil national de la résistance Est-timoraise. Co-lauréat du Prix Nobel de la Paix 1996 avec Monseigneur Carlos Felipe Ximenes Belo.

Né à Dili en 1949, Jose Ramos Horta a été représentant permanent auprès de l'ONU du FRETILIN (Front révolutionnaire pour l'indépendance du Timor oriental), avant de devenir le représentant spécial du Conseil national de la résistance timoraise (CNRT), l'organisation coordinatrice des mouvements indépendantistes. Exilé et non autorisé à entrer sur le territoire timorais, le Prix Nobel de la Paix 1996 a toujours dénoncé le massacre de plus de 200 000 Timorais par l'Indonésie entre 1976 et 1981.

Le Général Wiranto, nouveau maître du jeu

Ministre de la Défense indonésienne et chef de l'état major, le Général Wiranto, l'homme fort de l'Indonésie, joue sa crédibilité et son autorité au Timor oriental.

Cet homme de 52 ans et père de trois enfants reste un personnage énigmatique, oscillant entre modération et cynisme. Cet officier aux allures de séducteur, toujours chaussé de ses lunettes Ray Ban, est considéré comme un soldat discipliné et professionnel. Le Général Wiranto n'est pas un combattant mais un homme ambitieux. En effet, il a fait l'essentiel de sa carrière dans les bureaux de la hiérarchie militaire : l'ex-président Suharto en a fait son chef d'état major peu avant de démissionner en mai 1998 et l'actuel président Habibie l'a maintenu à ce poste avant d'en faire son ministre de la Défense. L'autorité de ce javanais musulman, grand joueur de bridge et amateur de karaté, a toutefois des limites. Certains de ses rivaux au sein de l'armée indonésienne n'hésitent pas à le qualifier de faible, d'indécis et dépourvu de véritable charisme. D'aucuns rajoutent qu'il est devenu plus un politicien qu'un militaire.

Megawati Sukarnoputri, l'héritière

Le 21 octobre 1999, Megawati Sukarnoputri a été élue vice-présidente de l'Indonésie. La fille de l'ancien Président Sukarno fait figure d'icône emblématique du mouvement démocratique indonésien. Megawati Sukarnoputri et Abderrahman Wahid vont devoir rapidement s'atteler aux principaux problèmes du pays et notamment à la crise au Timor oriental.

Agée de 54 ans, la fille du charismatique fondateur de l'Indonésie, Sukarno, est mère de quatre enfants. Souvent taciturne, elle ne paraît pas à son aise en public et devant les médias. Cependant sa popularité est grande parmi les couches populaires indonésiennes : pauvres des villes, chômeurs, étudiants et ouvriers. Présidente du Parti démocrate indonésien-Combat (PDI-P), Megawati Sukarnoputri se trouve désormais, en tant que vice-présidente de l'Indonésie, en première ligne pour devenir la prochaine présidente du pays.

Jusqu'en 1996, elle était relativement peu connue. Cette année là, le régime de Suharto parvint à l'évincer de la direction du parti démocratique indonésien. Quand Yusuf Habibie succède à Suharto en 1998, elle fonde sa propre formation à partir d'éléments dissidents du PDI. Son parti est devenu la première force du pays, aux élections de juin dernier. Megawati Sukarnoputri, d'origine balinaise, en a recueilli les fruits le 21 octobre en accédant à la vice-présidence du quatrième pays le plus peuplé du monde.

Monseigneur Carlos Felipe Ximenes Belo, le leader religieux

Evêque de Dili, il partage avec Jose Ramos Horta le Prix Nobel de la Paix 1996.

L'appartenance des habitants du Timor oriental à la religion catholique, véritable revendication identitaire face à l'occupant musulman indonésien, a propulsé malgré lui Monseigneur Belo sur le devant de la scène. Incarnant l'esprit de résistance à

l'administration indonésienne imposée au Timor oriental, après son annexion par les forces de Djakarta en 1976, ce chef spirituel du Timor, est le représentant par intérim du Vatican à Dili. Depuis l'attaque, le 6 septembre, de sa résidence, le prélat a quitté la capitale timoraise.



Peter Cosgrove, le général modèle

Le général australien commande la force multinationale pour le Timor oriental (INTERFET). Il aura sous ses ordres environ 7 500 hommes.

Aujourd'hui âgé de 52 ans, Peter Cosgrove, père de trois enfants, est considéré par ses pairs comme le modèle du parfait soldat. Lors de la guerre du Vietnam, il a reçu la croix de guerre, véritable récompense pour sa détermination, son courage et son inspiration sur le terrain. Au Timor oriental, il sera à la tête de 7 500 soldats, venant d'au moins une douzaine de pays. Favorable depuis longtemps à une intervention armée au Timor, il a le soutien de la communauté internationale et de l'opinion publique de son pays d'origine. Selon ses proches, ce général, originaire de Sydney, a incontestablement l'étoffe nécessaire pour réussir cette mission délicate. Surnommé le "parfait soldat", et respecté de tous ses hommes, Peter Cosgrove est un grand amateur de golf, de cricket et de rugby. Outre son commandement de l'INTERFET, il est aussi le commandant du quartier-général des forces conjointes air-mer-terre d'intervention, chargé des opérations sur le territoire australien ou à l'étranger.

Sergio Vieira de Mello : un pro au service de l'humanitaire onusien

Le Brésilien Sergio Vieira de Mello a été nommé le 25 octobre par Kofi Annan, administrateur de l'ONU au Timor oriental. Il aura pour lourde tâche de reconstruire ce territoire dévasté.

Né le 15 mars 1948 à Rio de Janeiro, Sergio Vieira de Mello a fait des études de philosophie à Paris où il a obtenu un doctorat d'Etat à la Sorbonne. Il fera l'essentiel de sa carrière au sein de l'humanitaire : il travaille dès 1969 au Haut Commissariat aux réfugiés à Genève, enchaîne ensuite les postes au Bangladesh, au Soudan, à Chypre, au Mozambique et au Pérou puis devient en 1981 conseiller de la force des Nations Unies au Liban et ce jusqu'en 1983. Brillant, charmeur, parlant outre le portugais, le français et l'anglais, cet homme de 51 ans a occupé différents postes de direction au HCR à Genève avant de diriger les affaires civiles de la FORPRONU en 1994. Après le génocide rwandais en 1996, il est pour quelques mois le coordinateur humanitaire pour la région des Grands Lacs puis est choisi en 1998 par Kofi Annan pour diriger le bureau des Affaires humanitaires à l'ONU. Il administrera provisoirement le Kosovo avant de passer la main à Bernard Kouchner en juillet 1999.

Suharto, le vieux Général javanais

Président indonésien de 1966 à 1998. Il a tenu d'une main de fer l'archipel indonésien pendant 32 ans. Il a succédé à Sukarno et est ainsi devenu le deuxième président de la République indonésienne. Son régime dictatorial est à l'origine des troubles actuels.

Ce fils de petits paysans javanais des environs de Yogyakarta est aujourd'hui âgé de 78 ans. Souvent comparé à un roi javanais des temps anciens, "le Général au sourire", comme certains le désignent, est parvenu au pouvoir à la faveur des évènements de la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1965. Arrivé aux plus hauts sommets en 1966, il instaure un régime autoritaire baptisé Ordre nouveau (Orde Baru) où seuls trois partis sont autorisés et où la police secrète fait régner la terreur. Un régime qu'il consolidera au fil des ans en plaçant sa femme, ses six enfants et ses amis aux postes clés du gouvernement. Beaucoup lui reprocheront d'ailleurs ainsi qu'à sa famille, d'avoir accumulé une fortune considérable. Le magazine américain Forbes évaluait en 1997 sa fortune personnelle à 16 milliards de dollars. Collusion, corruption et népotisme sont souvent brandis par ses rivaux pour qualifier son long mandat. Ayant un penchant accentué pour le mysticisme javanais, le vieux lutteur de modeste origine rurale a jeté l'éponge le 21 mai 1998 pour céder sa place à Yusuf Habibie, son protégé. Il vit désormais à Djakarta.

Xanana Gusmao, le "Nelson Mandela" des Est-Timorais

Président du Conseil national de la résistance timoraise (CNRT), Xanana Gusmao est l'âme indépendantiste de l'ancienne colonie portugaise.

Né le 20 juin 1946 au Timor oriental, Xanana Gusmao, de son vrai nom Jose Alejandro Gusmao, est fils d'instituteur. Après un bref passage dans un séminaire catholique, il devient journaliste, épouse Amélia dont il a deux enfants. Dès 1974, il adhère à l'Association sociale-démocratique du Timor qui deviendra par la suite le FRETILIN. Avec l'entrée des troupes indonésiennes sur le territoire en 1975, il abandonne tout pour rejoindre la guérilla. L'obstination de cet éternel fuyard barbu, que l'armée ne parvient jamais à capturer, lui vaut rapidement une réputation de héros. Pourtant, en 1992, Xanana Gusmao est arrêté et accusé d'être l'instigateur des troubles survenus en 1991. Condamné à la prison à vie, sa peine est commuée par Suharto à 20 ans de prison. Yusuf Habibie, l'actuel président indonésien, l'a libéré le 7 septembre, huit jours après le vote des Est-timorais. Cet homme, haut en couleur, passe pour être le "Robin des bois" de la cause Est-timoraise

Yusuf Habibie, fils spirituel de Suharto

Président indonésien de mai 1998 à octobre 1999. Il est considéré comme le protégé de l'ancien Président Suharto, auquel il a succédé.

Ce petit homme sans charisme, âgé de 62 ans et père de deux enfants, a suivi toutes ses études en Allemagne, où il a séjourné pendant 13 ans et exercé le métier d'ingénieur chez Messerschmitt. Surnommé "le tsar de la technologie indonésienne" ou encore "docteur Folamour", connu pour ses théories économiques excentriques et ses projets technologiques ruineux qui ont coûté des milliards à l'Indonésie, il a cependant assuré des responsabilités importantes dans 24 sociétés industrielles. Dès 1974, date de son retour en Indonésie, il est nommé conseiller présidentiel pour la technologie, où il se rend incontournable et indispensable auprès de Suharto, puis ministre de la Recherche et de la Technologie. De ce fait, Habibie a déplu à beaucoup mais a cependant accédé au plus haut des sommets, en commençant par être en mars 1998 vice-Président puis en devenant le 21 mai 1998, président indonésien. Abdurrahman Wahid, son successeur à ce poste, a été élu le 21 octobre 1999.

Article publié le 26/10/1999