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Bioéthique

La polémique repart sur le clonage thérapeutique

par Dominique Raizon

Article publié le 07/12/2006 Dernière mise à jour le 07/12/2006 à 18:18 TU

Embryon cloné.(Photo: AFP)

Embryon cloné.
(Photo: AFP)

Un rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques réclame l’autorisation du clonage thérapeutique et la recherche sur l’embryon. Alain Claeys, député PS de la Vienne, rejoint son homologue UMP, Pierre-Louis Fagniez, et demande que, dès 2007, la loi de bioéthique de 2004, trop contraignante pour les chercheurs scientifiques, soit révisée. Alain Claeys propose qu’un débat national sur ce sujet soit organisé par l’Agence française de biomédecine (AFM), chargée de l’évaluation de la loi bioéthique. La polémique repart. L’Eglise, qui s’oppose avec vigueur aux travaux de recherche sur l’embryon humain, dénonce une «dérive vers [son] instrumentalisation». Le président du Comité national d’éthique, Didier Sicard estime que l’Eglise «impose ses vues dans l’espace public» et que cette «intervention [est] malencontreuse et extraordinairement mal venue» à la veille du Téléthon, une vaste opération de collecte de fonds publics qui a pour but, entre autre, de soutenir la recherche médicale sur les maladies génétiques.

Qui les généreux donateurs du Téléthon écouteront-ils cette année ? Les chercheurs qui ont besoin de fonds pour faire progresser la recherche médicale ou les dignitaires catholiques qui s’opposent aux voies explorées par la recherche médicale ? Le rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques prône l’autorisation du clonage thérapeutique et la recherche sur l’embryon. Adopté à l’unanimité, mardi soir, par les députés et les sénateurs de l’Office, le texte relance le débat sur un terrain sensible, particulièrement à la veille de la vaste collecte de fonds organisée par le Téléthon pour sa 20e édition, les 8 et 9 décembre. L'Eglise n'est pas favorable à ces travaux scientifiques et demandent le droit de choisir la destination des fonds collectés lors de cette opération. Mgr Ricard, président de la Conférence des évêques de France, a déclaré que «l’embryon humain ne peut être considéré comme un simple matériau de laboratoire». Les organisateurs du Téléthon, les familles et les associations de malades redoutent, quant à elles, que ce débat ait des répercussions sur la campagne d’appel aux dons.

Les cellules souches représentent «un enjeu majeur pour la biologie». Avec le soutien de l’Inserm, et dans le cadre strict de la loi de 2004, l’AFM s’est lancée sur la piste jugée prometteuse de recherches sur les cellules d’origine embryonnaires. Le concept de la thérapie cellulaire repose sur l’idée que l’on pourrait soigner les patients atteints de maladies incurables en remplaçant les cellules malades par des cellules saines : les cellules, prélevées sur des embryons issus de la fécondation in vitro (donnés à la recherche après abandon des géniteurs) pouvant alors être multipliées à l’infini.

La technique du clonage repose sur le transfert, au sein d’un ovule, du noyau d’une cellule (de peau par exemple) prélevée sur une autre personne. Le clonage scientifique vise à permettre des recherches sur des embryons de quelques jours ayant ce nouvel ADN transféré, mais en aucun cas à faire naître des bébés. Cette technique pose un «problème éthique central», souligne Alain Claeys : elle nécessite que des femmes, soumises à une hyperstimulation ovarienne, donnent leurs ovocytes pour la recherche et cela pose la question de la gratuité et de l’anonymat du don.

La loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique autorise «la transposition nucléaire» -une technique de clonage thérapeutique ainsi baptisée pour éviter une confusion avec toute notion de «clonage reproductif»- de façon uniquement dérogatoire et pour cinq ans. Le député socialiste Alain Claeys a proposé mercredi de légaliser la recherche sur l’embryon humain, interdite dans la loi actuellement en vigueur. Le rapport préconise de revoir la loi dès 2007 pour que «le régime d’interdiction, même assorti de dérogation, soit supprimé au profit d’un régime d’autorisation contrôlée».

«Dites-nous quel usage est fait des dons que nous faisons»

Les parlementaires insistent sur la nécessité de mettre en place un encadrement éthique (consentement préalable et éclairé, remboursement des frais, anonymat des donneuses d’ovocytes) pour prévenir toute dérive. Ils craignent en effet des tentatives de brevetabilité du vivant et des atteintes au principe fondamental qui veut que l’on ne puisse pas faire de commerce de cellules ou d'organes issus de son propre corps. De la même manière, une réglementation internationale sera à terme indispensable, pour empêcher toute «exploitation du corps des femmes, notamment dans les pays en voie de développement», souligne Alain Claeys. Mais le député plaide fermement en faveur de l'autorisation de la transposition nucléaire qui, selon lui, est «indispensable pour permettre à la France de rester dans le concert des grandes nations participant à la recherche scientifique».

Reste que la sortie du rapport à la veille du Téléthon, qui alimente à nouveau la polémique, pourrait porter préjudice à l’opération, ce que redoutent les organisateurs. Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a déclaré : «ce n’est pas parce que le Téléthon est une œuvre généreuse qu’on doit signer un chèque en blanc et estimer que tout ce qu’ils font est bien». Mgr Jean-Michel Di Falco, évêque de Gap, a quant à lui lancé : «Dites-nous quel usage est fait des dons que nous faisons». Des déclarations qui irritent l’AFM, laquelle se défend en soulignant qu’elle a toujours travaillé dans la transparence mais qu’elle s’oppose à toute idée de «dons fléchés». L’association soutient l’idée d’une adhésion à un «projet global» en faveur des thérapies innovantes pour les maladies rares incurables.

Face aux attaques subies par l'AFM, la Fédération des associations pour adultes et jeunes handicapés (Apajh) a apporté son «soutien» et sa «solidarité» en soulignant que l’Eglise «n’a pas le privilège de guider l’éthique dans notre société». L'Union nationale des associations familiales (Unaf) déclare, quant à elle, «comprendre que les recherches sur les cellules souches puissent interpeller certains milieux et susciter un débat au sein de la société», mais dit regretter «que le ton polémique de ce débat puisse risquer de porter atteinte au succès de cette vingtième édition».