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Bioéthique

Premier embryon humain cloné

La firme américaine Advanced Cell Technology a annoncé qu’elle avait réussi à réaliser le premier clonage d’embryon humain. Une «avancée» scientifique qui ne fait pas l’unanimité. En effet, même si l’objectif avoué est d’obtenir des cellules souches à des fins thérapeutiques, cette technique pourrait mener, à terme, au clonage reproductif qui pose de nombreux problèmes éthiques.
L’annonce du premier clonage d’embryon humain réussi par les chercheurs d’Advanced Cell Technology (ACT) a fait l’effet d’une bombe. Alors que la plupart des représentants de la communauté scientifique internationale et des responsables politiques avaient fait part de leurs interrogations face à la poursuite des expérimentations sur le clonage humain, ACT a profité d’un vide juridique pour franchir une étape discutable sur le plan éthique. La législation américaine interdit, en effet, aux laboratoires financés par des fonds publics de poursuivre des recherches sur les cellules souches à partir du clonage mais ne dit rien concernant les recherches privées. C’est ce qui a permis à ACT d’expérimenter pour la première fois sur des cellules humaines, la technique qui avait permis de donner naissance à la brebis Dolly, célèbre pour avoir été le premier animal cloné, en 1997.

Les chercheurs d’ACT, qui ont publié les résultats de leur expérimentation dans la revue Scientific American, ont prélevé des ovules chez douze femmes de 24 à 32 ans et les ont utilisés pour tenter un clonage grâce à deux techniques différentes. Dix-sept ovules ont été soumis à une transplantation nucléaire. Ils ont été vidés de leur noyau, dans lequel se trouve le patrimoine génétique, et qui ont été remplacés par les noyaux de cellules prélevées sur des donneurs anonymes. Vingt-deux ovocytes ont été activés grâce à une autre méthode, la parthénogenèse. Cette technique consiste à développer un embryon à partir d’un œuf vierge grâce à un choc chimique qui active l’ovule.

Les scientifiques ont ainsi réussi à obtenir trois embryons humains dont l’un s’est développé jusqu’à six cellules avant de s’arrêter de croître. Il s’agit d’une avancée scientifique encore limitée. Car à ce stade, il est impossible de prélever les fameuses cellules souches destinées à permettre des greffes sur des sujets atteints de maladies neuro-dégénératives, cardiaques, hépathiques, ou diabétiques, pour les soigner de l’intérieur en régénérant leurs cellules déficientes. Mais c’est bien en mettant en avant l’objectif thérapeutique des ces recherches que les responsables d’ACT ont justifié leur expérience. «Notre intention n’est pas de créer des êtres humains clonés mais plutôt de mettre au point des thérapies permettant de traiter de nombreuses maladies».

Clonage thérapeutique ou reproductif

La médecine régénérative représente, en effet, un espoir pour beaucoup de malades. En cultivant des cellules souches embryonnaires en laboratoire, on pourrait disposer de tissus cellulaires pouvant être greffés sur les patients atteints, par exemple, des maladies de Parkinson ou d’Alzheimer, sans risque de rejet. Cette perspective rend le débat sur le clonage thérapeutique d’autant plus difficile. Car si ces techniques «instrumentalisent» l’embryon et posent, de ce point de vue, un problème éthique majeur, elles semblent malgré tout susceptibles de permettre des avancées médicales encourageantes. D’ailleurs, la Grande-Bretagne a autorisé la production d’embryons destinés à la recherche sur le clonage thérapeutique. C’est le seul pays à avoir pris de telles dispositions. En France ou aux Etats-Unis, les autorités n’ont pas passé ce cap. George W. Bush a même pris position dès l’annonce d’ACT pour rappeler qu’il était «opposé à 100 % au clonage humain». Le président américain a appelé le Sénat à interdire le clonage humain. De nombreux médecins dénoncent aussi le clonage thérapeutique. Si cette technique se développait, elle pourrait notamment induire la création d’un marché de l’ovocyte avec tous les abus qui pourraient en découler. D’autre part, les cellules souches peuvent être produites par d’autres voix que celle du clonage. A partir d’embryons congelés en surnombre, par exemple.

Le clonage à but reproductif est, par contre, unanimement condamné. A l’exception de quelques médecins médiatiques comme l’Italien Severino Antinori, qui a annoncé récemment son intention de cloner 200 êtres humains, ou encore son confrère Panayoitis Zavos. La France et l’Allemagne ont même engagé une démarche auprès de l’ONU pour obtenir une convention universelle visant à interdire «le clonage humain aux fins de reproduction».



par Valérie  Gas

Article publié le 26/11/2001