par Dominique Raizon
Article publié le 19/03/2007 Dernière mise à jour le 19/03/2007 à 18:47 TU
Soixante mille mètres carrés chauffés et climatisés à l’eau de mer, une énergie à la fois propre, gratuite et renouvelable, tel est le pari que s’engage à gagner la Seyne-sur-Mer, située sur la côte varoise (sud). Bien qu’encore largement ignorée en France et en Europe, la technologie qui va être utilisée est connue depuis plus de cent ans, car c’est à elle, en effet, que l’on doit le fonctionnement des réfrigérateurs. Inconvénient : la mise en place de cette technologie coûte cher à la municipalité, soit 2,5 millions d’euros. Avantage : cette option devrait réduire d’environ des deux-tiers la facture de consommation d’énergie des utilisateurs, et éviter un rejet de 1 300 tonnes annuelles de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
La Seyne-sur-Mer a donc fait le choix d’investir dans les systèmes de pompes à chaleur (PAC) pour capter, dans l’eau de mer, les calories, c’est-à-dire la chaleur, et les frigories, utilisées dans l’industrie du froid. Les frigories correspondent, en fait, à la quantité de chaleur qu’il faut enlever à un kilogramme d’eau pour abaisser d’un degré sa température(*). Le réfrigérateur est le système de pompe à chaleur (PAC) le plus connu, le climatiseur en est un autre, et les deux fonctionnent sur le même principe, servant à «produire du froid » plus que de la chaleur.
La pompe à chaleur est un dispositif thermodynamique qui permet de transférer la chaleur du milieu le plus froid vers le milieu le plus chaud alors que, spontanément, la chaleur se diffuse du plus chaud vers le plus froid jusqu’à l’égalité des températures.Trois échangeurs thermodynamiques vont permettre les transferts pour restituer, selon les saisons, la chaleur ou le froid de l'eau de mer dans un circuit où l’eau douce circule en boucle dans les bâtiments. Cette «boucle» va, dans un premier temps alimenter un palais des congrès et un pôle théâtral de 500 places chacun, ainsi qu’un ensemble de 500 logements à construire. La municipalité compte étendre le circuit à des bâtiments publics anciens comme l’Hôtel de Ville et encourager les promoteurs immobiliers à se raccorder au dispositif.
Monaco exploite une technologie analogue depuis 30 ans
L’usage des pompes à chaleur à eau est connu : le chauffage urbain de Zurich est, par exemple, en partie assuré par le pompage des eaux froides du lac, à 4°C, par exemple. Depuis 30 ans, Monaco utilise, de son côté, l’eau de mer pour chauffer ses bâtiments publics et, les Monégasques, pour climatiser leurs intérieurs. Mais, en France, où l’électricité est l’énergie la moins chère d’Europe, peu de communes sont en fait prêtes à franchir le pas et à s’engager dans des installations au coût d’entretien élevé.
Les Européens se mobilisent pour favoriser le développement d’énergie non polluantes, comme l’a montré le dernier sommet réuni à Bruxelles. La semaine dernière, deux cents maires ou élus du monde entier se réunissaient, à Paris, pour «réfléchir» aux conséquences du réchauffement planétaire sur les villes et leur population. En ayant recours à la «houille bleue», la Seyne-sur-Mer propose une réponse encore isolée mais concrète et fait peut-être figure de pionnière.(*) D’après le dictionnaire Le Robert : «On a fourni une frigorie à un système que l’on refroidit lorsqu’on lui a enlevé une kilocalorie».