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Volcanologie

Le Piton de la Fournaise calme ses humeurs

par Dominique Raizon

Article publié le 09/04/2007 Dernière mise à jour le 22/08/2008 à 13:36 TU

Le volcan de la Réunion, l’île de l’océan Indien, crache toujours, depuis le 2 avril, des fontaines de feu mais une semaine après son réveil, «l’éruption du siècle» commence à baisser d’intensité. Après avoir battu des records d’activité. La diminution régulière du phénomène a lieu depuis 48 heures et l’éruption ne se poursuit plus que sur le versant oriental. Mais des séismes continuent à se produire en profondeur, selon l’Observatoire volcanologique de la Réunion.

Le Piton de la Fournaise n'est pas une menace pour la population car ses éruptions sont assez prévisibles et les risques se limitent à l'aspect matériel. 

		(Photo : AFP)
Le Piton de la Fournaise n'est pas une menace pour la population car ses éruptions sont assez prévisibles et les risques se limitent à l'aspect matériel.
(Photo : AFP)

«Les projections de lave continuent et s’élèvent à environ dix mètres de haut alors qu’elles avaient dépassé les deux cents mètres il y a 48 heures et les cent mètres samedi. La quantité de lave s’écoulant des entrailles du volcan a été diminuée par cinq par rapport aux derniers jours», a déclaré Zacharie Duputel, sismologue à l’Observatoire volcanologique de la Réunion. La préfecture de l’île évoque, de son côté, des projections atteignant 25 à 30 mètres de hauteur, d’après une reconnaissance aérienne. La lave continue de dévaler vers l’océan Indien, soulevant d’immenses panaches de vapeur au contact de l’eau. Le magma recouvre la route nationale qui longe le pied du volcan sur plus d’un kilomètre de long et environ dix mètres d’épaisseur. C'était le double il y a huit jours. Le trémor, c’est-à-dire la vibration du sol au passage du magma, continue d’être enregistré.

«On peut parler d’éruption du siècle», considère Zacharie Duputel. Le sismologue précise : «Jamais on n’a observé un tel phénomène». Il y a huit jours, la rage du volcan se traduisait en «feu d’artifice gigantesque et permanent, témoigne pour sa part le préfet de l’île, Pierre-Henri Maccioni, qui poursuit : «Imaginez un torrent d’un rouge brûlant passant à soixante kilomètres à l’heure en emportant tout sur son passage, des roches et des troncs calcinés dressés comme des mâts de bateaux et des geysers montant à 220 mètres». L’épicière du Tremblet, la bourgade située à trois kilomètres des coulées du volcan, a témoigné, quant à elle, au quotidien Le Figaro que le spectacle était également sonore, comparable au bruit que produirait «un camion qui déverserait sans jamais s’arrêter des tonnes de gravier à quelques mètres de vous».  

Un volcan de type effusif 

Constitué d’un large dôme situé en milieu d’une grande zone d’affaissement (13 kilomètres de long sur 9 km de large) appelée «l’enclos», le Piton de la Fournaise est un volcan de type effusif : sa chambre magmatique supérieure est à moins d’un kilomètre sous l’écorce terrestre. Cette poche se remplit peu à peu de laves issues du manteau terrestre. La surface du sol forme une sorte de gros bubon, puis se fissure et libère la lave. Le 2 avril, une fissure s’est ouverte en bordure d’enclos, au pied du rempart du Tremblet. La lave a déferlé des deux bouches éruptives, comme s’il s’agissait d’une «vidange massive des entrailles du volcan». Le plancher du cratère s’est affaissé de 300 mètres sur une surface de 70 hectares.

Aucune perte humaine n’est à déplorer. Les habitations n’ont pas souffert. Mais, dimanche, dans le village du Tremblet, l'eau a été coupée pour permettre la vidange d'une citerne alimentant la population. Polluée par les cendres, elle était devenue impropre à la consommation. Traumatisées, plusieurs familles ont préféré ne pas retourner, pour l’instant, au village -lequel avait été évacué, vendredi, par mesure de précaution. «On entend toujours des grondements de sortie de lave et on voit encore par moments des projections et des petits panaches de fumée au loin», témoigne Guy Rivière, un responsable municipal de Saint-Denis de la Réunion .

Une éruption... artistique

«L'atmosphère est lugubre sur place, se désole Guy Rivière. Tout a brûlé dans la forêt primaire qui s’étend sur 300 hectares. Des bois de couleur qui n'existent plus ailleurs sur l'île [utilisé dans l’ébénisterie créole] ont grillé, les cultures de palmistes et de vanille ont été dévastées sur plus de 30 hectares par des pluies de sable chaud».

Si la population est affligée par les pertes agricoles occasionnées par ce cataclysme naturel, le sculpteur Enzo Mayo est, quant à lui, heureux. Le volcan de l'île française s'est approprié son œuvre, Symbiose pour volcan et oiseaux, comme il le souhaitait. Le sculpteur réunionnais avait, en effet, intentionnellement installé, il y a vingt ans, des statues de pierre de plusieurs mètres de haut, sur le passage des coulées. Les voici désormais recouvertes par la lave du Piton de la Fournaise. Pendant deux décennies, malgré de multiples éruptions, les coulées de lave avaient ignoré ces sculptures d'art contemporain, peu goûtées par les Réunionnais. Il a fallu attendre «l'éruption du siècle, pour qu’elles soient finalement consacrées par le feu, entre le mercredi des Cendres et le Vendredi Saint», comme le souligne le Quotidien de la Réunion. «Ca marquera l'époque», avait prédit l'artiste, il y a vingt ans. Mission accomplie.

Un volcan hyperactif

La Réunion (à l’est de Madagascar) est née il y a deux millions d’années par activité sismique. Son premier volcan, le Piton des Neiges (3069 m) est aujourd’hui endormi. Le Piton de la Fournaise (2631 m), en revanche, mène toujours une vie tumultueuse. Il reste l’un des dix volcans les plus actifs au monde parmi lesquels : l’Etna et le Stromboli (Sicile), le Mauna Loa et le Kilauea (Hawaï), le Merapi (Indonésie), le Pinatubo (Philippines).

Bien que ce Piton de la Fournaise soit toujours hyperactif, il faut, selon Zacharie Duputel, remonter au XIXe siècle pour retrouver une activité identique à l’éruption en cours. Un recensement précis de ses éruptions a débuté en 1931 à la suite de celle de grande ampleur qui avait alors émis trois cent millions de mètres cubes de lave se déversant à raison de cinq mètres par seconde. La route longeant le littoral avait été coupée à quatre endroits. Depuis, des dizaines d’éruptions ont eu lieu, dont certaines plus spectaculaires, en avril 1977, mars 1986 et mars 1998. Ce dernier réveil est d’une exceptionnelle violence : jeudi 5 avril, mille séismes ont été enregistrés.

Pour en savoir plus:

* http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosgeol/accueil.html 

(GéoManips a été  réalisé en partenariat avec le Laboratoire de géologie structurale (Université Paris 6). Le site présente les mouvements de la Terre observés sur le terrain et reproduits en laboratoire).

* http://www.cnes-tv.com/animation/demeter/index_demeter.htm

(Démeter à l’écoute des tremblements de terre)