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Indonésie

Les volcans sous haute surveillance

La plus grande caldeira (effondrement volcanique) du monde remplie par un lac, Toba : 90x30 km. 

		(Photo : Eruptions)
La plus grande caldeira (effondrement volcanique) du monde remplie par un lac, Toba : 90x30 km.
(Photo : Eruptions)
L’archipel indonésien, première zone volcanique du monde, subirait ces temps derniers une activité sismique inhabituelle. La population est inquiète, et onze volcans sont placés sous surveillance très rapprochée. Toutefois, Frédéric Lécuyer, docteur ès volcanologie, spécialiste des volcans indonésiens insiste : «si la liaison tectonique-volcanisme a clairement été établie à Sumatra, aucun lien ne permet d’établir que les volcans liés à la grande faille de Sumatra vont entrer prochainement en éruption suite aux tremblements de terre. On peut s’y attendre, mais rien ne peut être prévu ni dans le temps ni en magnitude. Il faut les surveiller».

Un volcan du centre de l’île indonésienne de Sumatra s’est réveillé mardi en crachant des cendres, puis il a expulsé un nuage dense de fumée alors que des odeurs sulfureuses ou d’ammoniac imprégnaient l’atmosphère. En milieu de journée, les routes descendant des pentes du mont Talang (situé à 40 km à l’est de Padang, capitale de la province de Sumatra ouest) étaient saturées de voitures transportant des habitants tentés de fuir par milliers les pentes fertiles du volcan. La région avait déjà été ébranlée dimanche par un violent tremblement de terre -de magnitude 6,7 sur l’échelle de Richter- qui avait poussé la population de la ville à déserter bureaux, marchés et écoles. Selon Sugeng, du centre de sismologie de la ville de Padang Panjang, le cône a repris son activité, projetant des cendres à un kilomètre autour du sommet. Selon Gede Suwantika, un volcanologue, la reprise de cette activité du Talang est «grave» car elle porte le risque d’une éruption supplémentaire avec libération de magma et d’émanations dangereuses : «des nuages brûlants pourraient aussi dévaler, et cela est dangereux car ils peuvent parcourir plusieurs kilomètres», a-t-il ajouté dans un communiqué.

Une zone névralgique

Ville de Bukittinggi, entourée par les volcans dont le Marapi sur la grande faille de Sumatra.
(Photo : Eruptions)
Un volcan de Java s’est réveillé mercredi : le mont Tangkuban Perahu, qui culmine à 2 076 mètres près de la ville de Bandoung, a commencé à gronder durant la nuit de mardi à mercredi. Les scientifiques ont aussitôt appelé à la prudence en interdisant l’approche du cratère fumant : «Il est possible qu’un nouveau gaz toxique s’échappe», a mis en garde Surono, un responsable de la prévention des catastrophes volcanologiques et géophysiques, précisant que le niveau d’urgence était passé du stade «alerte» à «préparation à l’éruption». Mas Ace Purbawinata, un éminent volcanologue indonésien, a estimé sur radio Elshinta que «le volcan semblait se calmer mais que les secousses telluriques témoignaient que la lave en fusion tentait de sortir de l’écorce terrestre».

La zone est névralgique et selon les spécialistes, tous ces phénomènes sont liés : Fauzan, un géophysicien indonésien a assuré que «le puissant tremblement de terre du lendemain de Noël a provoqué le réveil du volcan Leuser dans la province d’Aceh, tandis que le séisme qui a ravagé l’île de Nias a causé une reprise de l’activité dans le lac Toba», un cratère visité par les touristes à Sumatra. Située au large de Sumatra, l’île de Nias a été fortement endeuillée : on a enregistré 670 morts confirmées et autant de disparus.

«la faille contrôle pratiquement 90% des volcans»

Localisation des volcans de la zone de subduction et de la grande faille de Sumatra.
(Carte : Eruptions)

La population est donc inquiète et reste sur le qui-vive. Elle garde en mémoire plusieurs séismes traumatisants : le plus important, récemment, restant celui de magnitude 9,3 suivi d’un tsunami ravageur le 26 décembre, puis, outre une centaine de répliques sismiques qui ont suivi, un séisme de magnitude 8,7 le 28 mars.

Certes beaucoup plus ancienne mais toujours dans les mémoires, la population se souvient de la fameuse éruption du Krakatoa. Le volcan explosa littéralement en 1883, ses différents cônes s’effondrant dans le cratère central. Cette, déflagration, la plus forte jamais enregistrée sur terre, s’était alors faite entendre à plus de 4 000 kms, notamment en Australie, alors que le volcan se taisait depuis trois cents ans. Les vagues déclenchées par l’explosion de vagues de quarante mètres de haut dévastèrent à l’époque les rivages de Java et de Sumatra, entraînant la mort de 36 000 personnes. Aujourd’hui, le fils du Krakatoa, appelé localement Krakatau, est un îlot désert né de la disparition de ce volcan Krakatoa en 1883.

Les faits sont là pour le dire, la terre bouge dans cet archipel formé de milliers d’îles et d’îlots,  où plus de 130 volcans restent en activité. C’est la première zone volcanique au monde. Or, les îles de Java et de Sumatra, qui comptent le plus grand nombre de volcans en activité, sont situées le long d’une ligne de convergence de deux plaques tectoniques qui entrent en friction sur cette portion de «la ceinture de feu» du Pacifique. Très peu d’endroits, en définitive, sont à l’abri de catastrophes naturelles sur ces îles. Frédéric Lécuyer, géologue et docteur es volcanologie publie dans le numéro 6 de la revue Eruption, objectif volcans (éditions Pyros) un article d’Olivier Bellier, professeur au centre d’études et de recherches géodynamiques (Cereg), consacré à «Sumatra, les dessous du tsunami», qui explique comment s'est formée une faille de décrochement sous Sumatra, entraînant une séparation en deux de l’île sur laquelle sont alignés les volcans. Spécialiste des volcans indonésiens, il reste toutefois très prudent, soulignant qu’«une seule chose est certaine : la zone de subduction continue à faire fonctionner la faille qui contrôle pratiquement 90% des volcans».

Mais, insiste-t-il, «nul ne peut assurer qui est le premier de la poule ou de l’œuf : est-ce que la faille existait parce qu’il y avait des volcans ? ou bien est-ce la fracture qui permet aux volcans des zones de remontée ? Ni géodynamitiens ni géologues vulcanologues ne peuvent aujourd’hui prétendre répondre à la question». Si la zone est propice aux tremblements de terre, nul ne peut prévoir quand exactement ils auront lieu, ni s’ils pourront déclencher une éruption majeure. Reste à surveiller.



par Dominique  Raizon

Article publié le 15/04/2005 Dernière mise à jour le 15/04/2005 à 15:35 TU