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Peuple autochtone

Les Sámes ont leur propre Parlement, le «Samediggi»

par Dominique Raizon

Article publié le 08/01/2008 Dernière mise à jour le 15/01/2008 à 16:15 TU

A partir d'un projet de l'artiste sâme Synnove Persen dans les années 1977, le drapeau sâme représente un symbole d'unité : son segment bleu renvoie à la lune, la partie rouge au soleil et ses couleurs, aux quatre éléments : feu (rouge), terre (vert), air (jaune), eau (bleu).DR

A partir d'un projet de l'artiste sâme Synnove Persen dans les années 1977, le drapeau sâme représente un symbole d'unité : son segment bleu renvoie à la lune, la partie rouge au soleil et ses couleurs, aux quatre éléments : feu (rouge), terre (vert), air (jaune), eau (bleu).
DR

L’identité des Sámes ou Samis, peuple indigène du nord de la Scandinavie et de la péninsule de Kola est fondée sur l’histoire, la langue, le costume, l’artisanat et le mode de vie. Les Sámes vivent dans quatre pays du nord de l’Europe : la Finlande, la Norvège, la Russie et la Suède. Ils n’ont pas leur propre Etat souverain, mais sont représentés en Finlande, Norvège et Suède par leur propre Parlement. Pour autant, disposent-ils réellement d'un pouvoir consultatif ? Regard de Christian Mériot, anthropologue et ethnologue qui a consacré plus de 40 ans de travaux de recherche sur le peuple sâme.

Elus organes démocratiques pour les Samis et organes consultatifs pour leurs gouvernements respectifs, les parlements sámes ont été établis à des dates différentes selon les pays : en 1973 (reconstitué en 1996) en Finlande, en 1989 en Norvège, et en 1993 en Suède. Seuls les Sâmes russes ne disposent pas de parlement.

La loi internationale soutient les droits des Samis de prendre la responsabilité de leur développement économique et culturel, ainsi que sur les questions qui les concernent. En 1999, les parlements sámes ont établi une Assemblée parlementaire, une institution démocratique commune dépassant les frontières pour représenter les Samis en tant que peuple unique.

Per Gustav Idivuoma, élu en 2007 président de l'Assemblée parlementaire des Samis suédois, pour deux ans.© Joomla! 2008/GNU

Per Gustav Idivuoma, élu en 2007 président de l'Assemblée parlementaire des Samis suédois, pour deux ans.
© Joomla! 2008/GNU

Cette Assemblée parlementaire sáme a prévu d’accroître la coopération avec le Conseil nordique et les Conseils nordiques des ministres ainsi qu’avec d’autres partenaires (région euro-arctique Barents, Conseil arctique, Union européenne et Nations unies). Les Sámes ont des contacts dans le monde entier avec d’autres peuples indigènes, en participant, par exemple, à l’organisation du Conseil mondial des peuples indigènes.



Claude Mériot, auteur de Tradition et modernité chez les Sámes (éditions l’Harmattan) a consacré 45 ans de travaux de recherche en anthropologie et ethnologie à ce peuple de l’Arctique. Entretien.

RFI : De nos jours, quel point commun les caractérise ? Et, quelle est la représentativité politique dont disposent les Sâmes ?

Christian Mériot : Actuellement, toutes ces populations arctiques qui ont été colonisées, exploitées, prétendent récupérer « leurs terres et leurs eaux » pour matérialiser leur incorporation dans un Etat tutélaire où ils ne sont plus majoritaires. En ce qui concerne les Sâmes, il se trouve que peu à peu, depuis les années 1970-1980, chaque Etat tutélaire, au fil d’histoires assez longues d’intégration de ces minorités, a admis la création de parlements sâmes. Ces derniers sont censés avoir une voix consultative et appliquer, à leur manière, la politique voulue par Oslo, Stockholm ou Helsinki mais, dans les faits, leur crédit est assez limité dès que l'intérêt général est en cause, qu'il s'agisse de celui des agriculteurs, des militaires, des ingénieurs, des exploitants miniers ... ou des touristes.

Les crédits des parlements norvégiens ou suédois ont augmenté de 30% en dix ans, alors que ceux des Sâmes n’ont pas bougé. Des pouvoirs leur sont soi-disant délégués mais, dans un cadre très construit : en ce qui concerne l’élevage, par exemple, on leur dit ‘ voilà ce qu’il faut faire, faites-le ’.

RFI : Cela ne revient-il pas à leur dire en somme, et avec beaucoup d’ambiguïté, qu’ils ont le droit de vivre sur le territoire sans avoir réellement le droit d’en être propriétaire ?

C.M. : Tout à fait. Ainsi que certains éleveurs qui se croyaient propriétaires, du moins usufruitiers naturels de leurs zones d'exploitation, ont vu avec le développement de l’industrie forestière et minière, mais aussi avec la création des zones d'entraînement militaire et la création de barrages, de routes et d'aéroports etc  leur territoire et leurs zones d’élevage rétrécir sans avoir voix au chapitre. Ils ont alors mesuré qu’ils n’étaient qu'usufruitiers à titre provisoire et précaire et que si l’intérêt général dictait les choses autrement, ils devaient s’écraser face aux pressions des gros groupes pétroliers et miniers, doù une nouvelle revendication : Sami-Aednam samiide, « La Laponie aux Sâmes ».

RFI : Que désigne-t-on exactement comme la région de Barents ?

C.M. : Ce sont des accords, officialisés en 1993, entre la Norvège, Finlande et Russie pour gérer en commun les retombées atomiques et le droit à la prêche dans la région de Barents. L’objectif était de développer pacifiquement des coopérations entre pays, notamment pour organiser la pêche, la recherche pétrolière et développer des rapports entre les Lapons norvégiens et russes. Les Sâmes russes sont très peu nombreux. De 1200 à 1300 individus vivent dans la région de Kola au sud de Mourmansk. Du temps de l’empire soviétique ils étaient à peu près équipés pour se battre. Aujourd’hui ils sont extrêmement minoritaires et démunis. Livrés à eux-mêmes, ils n’ont plus rien pour se déplacer, ni scooter ni essence, et vivent dans un état de déliquescence avancée, sans aucuns moyens. L’armée vole leurs rennes. Les femmes et enfants ont été sédentarisés de force dans des blocs, des cités tandis que les hommes sont esseulés dans la toundra et ont du mal à trouver des compagnes.