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Burkina Faso/ Biosphère

Une Mare aux hippopotames classée par l’Unesco

par Agnès Rougier

Article publié le 11/02/2009 Dernière mise à jour le 06/03/2009 à 09:45 TU

A 60 kilomètres de Bobo Dioulasso, à l’ouest du Burkina Faso, la très belle Mare aux hippopotames est, avec ses quelque 19 200 hectares, la plus petite des réserves de biosphère d’Afrique de l’Ouest, où vont et viennent une soixantaine de pachydermes. Cet écosystème de mangrove a été classé par l’Unesco en 1977. Depuis plus de cinq ans, la politique de décentralisation de l'Etat burkinabé encourage la formation des populations dans le domaine de la préservation de la biodiversité, en lien avec la vie quotidienne. Sur l'ensemble des programmes de la Mare aux hippopotames, celui concernant la pêche est une réussite.

L'hippopotame, animal fétiche des villageois.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

L'hippopotame, animal fétiche des villageois.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)


Depuis le premier classement de la forêt qui entoure la mare, en 1937, le braconnage battait son plein et beaucoup d'animaux sauvages, comme les buffles, avaient disparu. Les animaux restant fuyaient à l’approche de l’homme, et l’on pouvait marcher longtemps sans croiser un cob de Buffon ou un hippotrague, devenus quasi-invisibles. Même la pêche se portait mal : les pêcheurs remontaient de moins en moins de poissons, et de plus en plus petits. 

Seuls, les hippopotames ont été préservés au fil du temps : ils sont depuis toujours l’objet d’un culte de la part des villageois.  Et c’est une chance, car ils sont une partie importante de l’écosystème : d’un côté, les poissons se nourrissent de leurs déjections, de l’autre les hippopotames mangent avec gourmandise les plantes envahissantes, comme l’azzola africana qui menace régulièrement de refermer la mare !

Amadé Ouédraogo

Ancien directeur de la réserve de la Mare aux Hippopotames

« Azzola Africana, on pense que cette plante peut être valorisée sous forme de biogaz. »

24/02/2009 par Agnès Rougier


Un ruisseau hier… un lac aujourd’hui

(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Si la mare ressemble aujourd'hui à un lac, cela n'a pas toujours été le cas. Jusqu’à la construction d’une digue en aval, en 1990, elle se réduisait à mince filet d’eau pendant la saison sèche. Aujourd’hui, la Mare, bien que peu profonde (1 mètre en moyenne) reste navigable en toutes saisons. La particularité de ce plan d’eau est sa grande variation saisonnière : 600 hectares en saison des pluies, contre 120 Ha en fin de saison sèche.

Pendant l’été, les pluies sont abondantes dans cette région, la Mare se remplit alors jusqu’à s’étendre jusqu’au fleuve Mouhoun, et les espèces aquatiques en profitent pour circuler : les poissons viennent frayer sur les bords du lac, et les hippopotames visitent le fleuve. Pendant l’hivernage, les arbres qui étaient noyés se découvrent, reprennent vie ; le paysage se transforme. Pour les pêcheurs, la meilleure saison de pêche se situe en octobre et novembre.

Des pêcheurs nombreux, une ressource en baisse

(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Dans les villages environnants (Bala, Tiarako, Sokourani, Fina, Molokadoun), ce sont surtout les Bobos qui pêchent. La pêche est une activité intermittente qui se conjugue avec l’agriculture, procurant une ressource complémentaire importante. Sous la houlette de l’Association villageoise de Gestion des Ressources en Faune (Ageref ), les pêcheurs se sont groupés en association, et ont pris en charge l’intégralité de la filière : la réglementation sur les outils, la pesée, le transport et la vente du poisson jusqu’au marché de Bobo Dioulasso, la répartition des revenus. Une part revient à l’association, elle y est réinjectée pour financer du matériel ayant trait à l’activité, ou des locaux, des salaires.

Pêcheurs

« Il n'y a pas de risque avec les hippopotames parce qu'ici, il connaissent le comportement de ces animaux-là. »

24/02/2009 par Agnès Rougier


Pirogues et filets

Les pêcheurs sont la plupart du temps seuls sur leur pirogue. Ils partent en petit groupes, deux fois par jour pendant la haute saison. Ils utilisent souvent le filet maillant (Wôrôzio en bobo), mais ils ont décidé d’un commun accord de faire respecter la réglementation nationale, en particulier sur la taille minimale des mailles (3 centimètres), afin de préserver les jeunes poissons.

Les pêcheurs utilisent également les nasses (Kouiin en bobo), le harpon (Sêrè), le filet épervier (Dérezio), et ils pratiquent aussi la pêche à la ligne avec des hameçons (Doulo).

« Les pêcheurs du groupement respectent les lois », affirme Ouattara Dié, le secrétaire de l’association. En revanche, un pêcheur non affilié ne se sent pas toujours tenu de respecter le règlement et dans ce cas, si un membre du groupement le repère, sa présence est alors signalée à l’agent forestier local, qui représente l’autorité sur place (un « corps habillé », appartenant à l’armée). Ce dernier a en charge de faire appliquer la loi.

De retour de pêche !

Le poisson pêché est prêt pour le transport.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Le poisson pêché est prêt pour le transport.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

En revenant de la pêche, chaque pêcheur trie les poissons par taille et par espèce, des critères qui détermineront le prix de vente au kilogramme : le gymnacus, ou poisson-cheval, très prisé, est par exemple vendu 700 FCFA/ kg. Les poissons de moindre qualité, ou plus petits, coûtent aux alentours des 450 FCFA le kg.

L’un des deux agents de pesée remplit alors son rôle, et crédite le compte du pêcheur et celui de l’association, en fonction de la quantité et de la qualité du poisson.

Le poisson est ensuite emporté en mobylette ou en charrette jusqu’aux marchés de Bala et de Bobo pour y être vendu.

Un cercle vertueux

Depuis la création du groupement, tout le monde s’accorde à dire qu’il y a davantage de poissons qu'avant, de plus grande taille, et que les revenus s’accroissent, au point que les pêcheurs aimeraient bien pouvoir vendre le poisson sur d’autres marchés, plus éloignés, mais les revenus ne sont pas assez élevés pour financer une camionnette réfrigérée.

Aujourd’hui, l’association est néanmoins solidement implantée. Les résultats sur l’écosystème sont à la hauteur des espérances : un cercle vertueux s’est installé et tout le monde s’accorde à penser qu’il va s’amplifier. Les villageois de la Mare aux hippopotames continueront à manger du poisson.

Retour de pêche avec un gymnacus (en-haut).(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Retour de pêche avec un gymnacus (en-haut).
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)


Géographie

- A l’ouest du Burkina Faso, à  60 kilomètres au nord de Bobo Dioulasso, province du Houet
- Située entre 11°30' et 11°45' de latitude nord et 4°05' et 4°12' de longitude ouest
- Altitude : environ 300m
- Géomorphologie : plaine d’inondation, localisée dans une dépression de la rive droite du fleuve Mouhoun
- Superficie de la réserve : 19200 Ha (la plus petite des réserves de biosphère d’Afrique de l’Ouest)
- Superficie de la Mare : 660 Ha en saison des pluies / 120 Ha en saison sèche
- Ecosystèmes : lac, mangrove, forêts claires, forêts galerie, savane arbustive
- Régime hydrologique : type tropical
- Climat : sud-soudanien
- Pluviométrie > ou = 1500 mm/an
- Population : Environ 40 000 habitants, regroupés dans dix gros villages (Bala, Tiarako, Sokourani, Fina, Molokadoum, et Bossora dans le département de Satiri ; Padéma, Hamdalaye, Banwaly et Sioma dans le département de Padéma) auxquels l’on rattache plusieurs hameaux de culture.

Histoire :

- 26 mars 1937 : 1er Classement par l'administration coloniale suivant arrêté n° 836 SE portant classement des forêts de Bansié, du Bambou, de Kapo, du Bahon et de la Mare aux Hippopotames, cercle de Bobo Dioulasso, Côte d'Ivoire
- 1977 : classement en Réserve de Biosphère par l’Unesco
- 1990 : classement site Ramsar
- 1990 : construction de la digue en aval de la Mare par la coopération allemande
- 2003 : début du projet Programme d’Aménagement et de Gestion des Ecosystèmes Naturels (Pagen ), financé par la Banque Mondiale pour une durée totale de 15 ans, par tranche de 5 ans, sur vérification d’indicateurs (rééquilibrage de la ressource en faune). Arrêt provisoire du programme fin décembre 2007, malgré des indicateurs positifs.
- 2004 : début du programme Man and Biosphere (Mab-Unesco) pour le financement de voyages d’étude dans d’autres réserves de biosphère, pour les villageois, et la mise en place de programmes scientifiques sur place.

Pour en savoir plus :

Consulter les sites de

- L'Unesco

- La Mare aux hippopotames

- Le programme Pagen

- Le réseau Afrimab