Premières médailles, premiers triomphes, premiers rires et premières larmes. Les championnats du monde d’athlétisme qui se prolongent toute la semaine au stade de France ont servi dès les premières épreuves leur lot d’émotions. Les plus poignantes sont probablement celles délivrées par les femmes et les hommes venus d’Ethiopie.
Jamais battu n’avait peut-être été aussi souriant qu’Haïlé Gebresselassié à l’arrivée du 10 000 mètres des championnats du monde d’athlétisme, à Saint-Denis. Lui, l’habitué à la plus haute marche du podium des championnats du monde ou des Jeux Olympiques, terminait deuxième, mais derrière son compatriote, son cadet de dix ans (même si les trente ans officiels de l’empereur Haïlé restent sujets à caution) et successeur Kenenisa Bekele. Un triomphe éthiopien parachevé par la troisième place de leur camarade Sileshi Sihine. Difficile de rêver mieux pour un pays révélé sur la scène sportive voilà quarante-trois ans avec l’avènement d’Abebe Bikila, le coureur aux pieds nus, vainqueur du marathon olympique à Rome, confirmé par le doublé 5000-10 000 mètres de Miruts Yfter aux Jeux de Moscou en 1980, puis par l’arrivée d’Haïlé Gebresselassié, roi incontesté du 10 000 mètres jusqu’à la passation du relais à Bekele.
Sans une impitoyable famine, puis une guerre qui ne le fut pas moins avec le cousin Erythréen, la liste des champions éthiopiens aurait été incontestablement plus longue pendant ces quatre décennies. Peut-être cette succession de drames a-t-elle engendrée une authenticité, une solidarité qui était bien visible lorsque les trois coureurs venus des hauts plateaux d’Afrique orientale se sont retrouvés bras grand ouverts dans la farandole de la victoire. Une complicité non feinte qui marquait le triomphe d’un pays bien plus que de quelques individus au talent reconnu de tous.
Déjà l’avant-veille lors de la première journée, les Ethiopiennes avaient réalisé le doublé sur la même distance. Pays à part, coureurs à part qui, dans la douleur, ont appris à se dépasser pour survivre et pour vaincre le malheur. Il est rare qu’un tel sentiment embrase un stade qui en une demi-heure était soudain devenu tout vert (la couleur des maillots éthiopiens). Et ce n’est peut-être pas fini si le champion du 10 000 récidive sur le 5 000 mètres; mais c’est une histoire à écrire.
Le rêve brisé de John Drummond
Pour le reste, la finale du 100 mètres féminin a couronné, comme prévu, l’Américaine Kelli White. En revanche, la Française Christine Arron, que beaucoup, en France, voyait avant la finale sur le podium, n’a terminé que sixième. Qui trop embrasse, mal étreint… Les illusions conduisent parfois aux pires désillusions. A méditer par le sprinter américain John Drummond qui se rêvait lui aussi sur le podium et qui a été écarté en quart de finale pour avoir bondi trop vite. Auteur d’un faux départ qu’il a longtemps nié, il n’a pas été autorisé –comme le stipule le règlement- à s’aligner dans la course. Ses pleurs avaient quelque chose d’émouvant (à trente-quatre ans, on n’est pas qu’une bête à vouloir empocher des dollars lors de meetings juteux), mais ils n’y changeaient rien. Eliminé tout comme le Jamaïcain Powell, dans la même course et pour les mêmes raisons.
Beaucoup de public, un temps idéal, des épreuves indécises, les championnats du monde, version Stade de France à Saint-Denis se sont d’emblée placés sous le signe de la réussite. Les premières épreuves donnent toujours le ton. Le cru s’annonce d’excellente cuvée.
Ecouter également :
Le Journal du Mondial d’athlétisme (25 août 2003, diffusé à 05h45, durée: 3'20'').
Le Journal du Mondial d’athlétisme (25 août 2003, diffusé à 06h45, durée: 3'10'').