Syrie
Hafez el Assad trahi par l'horloge
Avec la disparition d'Hafez el Assad, une page se tourne dans l'histoire tourmentée du Proche-Orient. Depuis le temps qu'il était là, le dernier des dinosaures semblait avoir toujours fait partie du paysage. Dans le grand jeu géopolitique de l'Orient compliqué, il jouait le rôle de vigie, de tour de garde, tant il était prévisible. Bref, cet homme qui avait mené au moins deux guerres contre Israël, qui s'était querellé avec tous ses voisins, qui avait envahi le Liban et s'y était durement heurté aux Français et aux Américains, qui avait pratiquement épuisé tous les retournements d'alliances, avait réussi le tour de force d'apparaître comme un garant de la stabilité régionale.
Il est vrai qu'Hafez el Assad avait commencé par s'imposer à la tête d'un pays réputé ingouvernable puisque avant son arrivé au pouvoir la Syrie avait vécu pendant un quart de siècle au rythme d'un coup d'Etat en moyenne tous les deux ans. Mais la stabilité modèle Hafez el Assad fut celle de la main de fer dans un gant de fer. Depuis plus de trois décennies, ce pays où n'existe aucun parti d'opposition et aucun media indépendant vit sous la loi martiale et l'état d'urgence. En réalité, l'homme fort de Damas avait un talon d'Achille qui l'a handicapé toute sa vie : il était issu d'une minorité relativement méprisée de la population, les Alaouites, qui représentent à peine 10 % des Syriens. S'appuyant essentiellement sur les Alaouites, Hafez el Assad avait fini par intérioriser le déficit de légitimité de son régime minoritaire en le surcompensant.
Excès de brutalité à l'intérieur, comme en témoigne le massacre en 1982 de plusieurs milliers d'habitants de la ville de Hama ; excès d'irréductibilité a l'extérieur, la Syrie étant le dernier pays frontalier d'Israël avec son vassal libanais à ne pas avoir fait la paix avec l'Etat hébreu ; excès de prudence enfin. Car très paradoxalement, cet homme fort dont la poigne de fer compensait une certaine faiblesse était d'une prudence byzantine. Ne fermant jamais totalement aucune porte au dialogue sans jamais en ouvrir vraiment aucune, il avait usé sous lui un certain nombre de secrétaires d'Etat américains, et notamment Warren Christopher qui après avoir fait une vingtaine de voyages à Damas en quatre ans ne voyait toujours rien venir. C'est cette prudence maladive qui lui fit rater à deux reprises le coche de la paix. Hafez el Assad qui croyait être maître du temps vient d'être trahi par l'horloge. Lui qui a passé ses dernières années à préparer son fils à lui succéder a raté de justesse l'essentiel : lui déblayer le terrain en faisant la paix avec Israël. Au lieu de quoi, il lui laisse le plus lourd des héritages.
Il est vrai qu'Hafez el Assad avait commencé par s'imposer à la tête d'un pays réputé ingouvernable puisque avant son arrivé au pouvoir la Syrie avait vécu pendant un quart de siècle au rythme d'un coup d'Etat en moyenne tous les deux ans. Mais la stabilité modèle Hafez el Assad fut celle de la main de fer dans un gant de fer. Depuis plus de trois décennies, ce pays où n'existe aucun parti d'opposition et aucun media indépendant vit sous la loi martiale et l'état d'urgence. En réalité, l'homme fort de Damas avait un talon d'Achille qui l'a handicapé toute sa vie : il était issu d'une minorité relativement méprisée de la population, les Alaouites, qui représentent à peine 10 % des Syriens. S'appuyant essentiellement sur les Alaouites, Hafez el Assad avait fini par intérioriser le déficit de légitimité de son régime minoritaire en le surcompensant.
Excès de brutalité à l'intérieur, comme en témoigne le massacre en 1982 de plusieurs milliers d'habitants de la ville de Hama ; excès d'irréductibilité a l'extérieur, la Syrie étant le dernier pays frontalier d'Israël avec son vassal libanais à ne pas avoir fait la paix avec l'Etat hébreu ; excès de prudence enfin. Car très paradoxalement, cet homme fort dont la poigne de fer compensait une certaine faiblesse était d'une prudence byzantine. Ne fermant jamais totalement aucune porte au dialogue sans jamais en ouvrir vraiment aucune, il avait usé sous lui un certain nombre de secrétaires d'Etat américains, et notamment Warren Christopher qui après avoir fait une vingtaine de voyages à Damas en quatre ans ne voyait toujours rien venir. C'est cette prudence maladive qui lui fit rater à deux reprises le coche de la paix. Hafez el Assad qui croyait être maître du temps vient d'être trahi par l'horloge. Lui qui a passé ses dernières années à préparer son fils à lui succéder a raté de justesse l'essentiel : lui déblayer le terrain en faisant la paix avec Israël. Au lieu de quoi, il lui laisse le plus lourd des héritages.
par Jacques Rozenblum
Article publié le 12/06/2000