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Union européenne

Six mois pour convaincre

Premier juillet 2000 : la France prend, pour six mois, la présidence de l'Union européenne. Sa mission s'annonce difficile. Le dossier le plus délicat est la réforme des institutions, qui cristallise toutes les divisions et tous les conflits d'intérêts.
La présidence tournante de l'Europe, purement mécanique, ne doit rien au hasard. Cette fois, la France touche le gros lot. Rarement, dans l'histoire de la construction européenne, une présidence aura été si cruciale. Le diagnostic est largement partagé: l'Europe est en panne. L'avènement de l'euro, en janvier 1999, a pris des allures d'aboutissement vite démenties par la chute de la monnaie unique et sa faiblesse persistante. Quelques semaines après, au Kosovo, les européens en appelaient à l'Otan, montrant ainsi leur incapacité à agir seuls en matière militaire. En février 2000, l'arrivée au pouvoir en Autriche d'une coalition incluant l'extrême droite amenait l'Union à sanctionner un de ses membres pour manquement aux valeurs fondatrices de l'Europe. La France va devoir gérer ces dossiers délicats.

Mais si la mission française est difficile, c'est surtout que le futur élargissement de l'Union, "légitime et nécessaire" selon Jacques Chirac, impose de simplifier les institutions. Celles-ci, prévues pour six pays, fonctionnent mal à quinze et se bloqueront à trente, tuant l'espoir largement partagé d'une "Europe puissance", et conduisant inexorablement à une "Europe espace" purement économique.

Or, cette réforme est un casse-tête qui divise et oppose les Etats membres, au point que, de l'aveu même du ministre français des Affaires européennes, Pierre Moscovici, "la réussite sera extrêmement difficile". Ce n'est pas un hasard si elle a déjà échoué à Amsterdam en 1997. Simplifier le fonctionnement de l'Europe veut dire, pour chacun, abandonner une nouvelle part de souveraineté.

Vision futuriste

La France pourra cependant s'appuyer sur la récente réconciliation Paris-Berlin, comme sur le sentiment largement répandu chez les dirigeants européens "qu'on ne peut pas échouer une deuxième fois". Elle pourra également compter sur l'effet moteur de certains domaines où l'Europe est plutôt en forme: la croissance économique retrouvée, le chômage en baisse, le regain de volonté en matière de défense.

Cela suffira-t-il ? Aux yeux des peuples européens, un éventuel échec institutionnel pourra être atténué par des réussites sur des dossiers "plus proches de leurs préoccupations" (sécurité alimentaire, sécurité maritime, lutte contre le dopage). Il reste que l'agitation, purement franco-allemande, autour des visions futuristes d'Europe fédérale ou de constitution européenne peine à cacher les difficultés qu'éprouvent les nations du Vieux continent à s'entendre sur un avenir commun.

Côté français, on constate que "chacun campe sur ses positions et veille à la défense de ses intérêts". La France a six mois pour convaincre.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 29/06/2000