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Sida

Les responsables politiques <br> doivent<br><br> «briser le silence»

L'éditorial international de Jacques Rozenblum
Il aura fallu attendre 20 ans après le début de l'épidémie de sida, que le nombre des victimes dont les trois quarts sont en Afrique ait largement dépassé celui de la Première Guerre mondiale pour que l'hécatombe africaine s'impose comme une véritable "question de sécurité" au sein de la communauté internationale. Il faut dire que le continent noir à beau concentrer plus de la moitié des conflits armés dans le monde, le sida y tue encore 10 fois plus que les guerres.

L'Afrique est ainsi le continent qui paie le plus lourd tribut à l'épidémie. C'est le seul où l'espérance de vie recule et où tous les progrès enregistrés au XXe siècle pourraient être purement et simplement annulés. La maladie fait des millions d'orphelins, décime les élites, déstabilise des sociétés entières et en bout de chaîne nourrit les conflits armés qui ravagent le continent. Pourtant, jusqu'à présent, l'Afrique agonisait dans l'indifférence générale, à commencer par celle de ses propres dirigeants.

Mais pour la première fois, une conférence internationale se déroule sur le continent, dans le pays le plus touché : l'Afrique du sud. C'est sans doute le début de la prise de conscience encore qu'il faille déplorer trop de formes d'apathie, de déni ou d'auto-aveuglement au plus haut niveau comme si le problème était trop énorme pour être regardé en face. Ainsi, le président namibien pouvait-il encore récemment accréditer la thèse paranoïaque selon laquelle le virus du sida avait été crée en laboratoire dans un but de guerre biologique. Ainsi le président sud-africain a-t-il pu flirter avec une théorie rétrograde niant l'origine virale de la maladie.

Si la conférence de Durban dont l'objectif est de briser le silence peut justement servir à quelque chose, c'est à démontrer par l'absurde le rôle du politique dans la lutte contre l'épidémie. Les deux pays d'Afrique qui ont réussi à faire reculer la maladie, le Sénégal et l'Ouganda sont précisément ceux dont les autorités se sont mobilisées le plus tôt. En revanche, la Namibie ou l'Afrique du sud sont les exemples mêmes de la politique de l'Autruche avec des résultats catastrophiques à la clé. Il est évident que le continent doit bénéficier d'un grand mouvement de solidarité internationale. Encore devrait-il commencer par s'aider lui-même. Comment le Zimbabwe par exemple peut-il dépenser 70 fois plus pour une intervention militaire extérieure dans un conflit qui ne le menace pas que pour lutter contre son principal fléau intérieur ? Il s'agit bien de la responsabilité des dirigeants que de revoir l'ordre des priorités. C'est finalement là-dessus que l'histoire les jugera.



Article publié le 12/07/2000