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Côte d''Ivoire

La junte musèle<br>les partis politiques

Quarante-huit heures après l'attaque menée contre la résidence du général Gueï, les autorités ivoiriennes ont interdit toute activité politique publique jusqu'à l'ouverture officielle de la campagne pour la prochaine présidentielle. Dans le même temps, l'enquête sur ce qui est présenté à Abidjan comme une «tentative d'assassinat» contre le chef de la junte se poursuit tambour battant.
L'assaut mené par une vingtaine d'hommes armées contre la résidence de Robert Gueï dans la nuit de dimanche 17 à lundi 18 septembre provoque une nouvelle crispation en Côte d'Ivoire. Mardi, la junte au pouvoir a annoncé l'interdiction de toute manifestation politique ou activité publique, jusqu'à l'ouverture de la campagne pour l'élection présidentielle du 22 octobre prochain. Ouverture officielle dont on ne connaît d'ailleurs pas encore précisément la date.

Ce raidissement est mal accueilli par des partis politiques ivoiriens dont la marge de man£uvre était déjà limitée, notamment par l'interdiction faite à leurs leaders de quitter le territoire. «Nous pensons que les partis politiques doivent s'élever contre cette décision que nous ne comprenons pas. Les partis politiques n'ont absolument rien à voir avec ce qui s'est passé. Un conflit à l'intérieur de la garde présidentielle ne doit pas être un prétexte pour interdire les activités des partis politiques, s'insurge Aly Coulibaly, porte parole du Rassemblement des républicains (RDR), interrogé par RFI. Nous pensons que certainement le régime militaire cherche à annuler les élections qui sont prévues pour le 22 octobre.» Le PDCI, ancien parti unique, s'étonne également de la décision des militaires et veut obtenir la levée de ces nouvelles restrictions. «Nous pensons nous rencontrer, en tous cas tous les partis politiques pour voir si une requête peut être introduite dans le sens de pouvoir exercer librement nos activités», a affirmé sur RFI le secrétaire général du mouvement, Laurent Dona Fologo.

Une enquête très médiatisée

Dans cette ambiance tendue, l'enquête sur la «tentative d'assassinat» contre le général Gueï se poursuit à grand renfort de publicité. Mardi la présidence a convoqué des journalistes au Palais pour leur présenter des armes saisies lors d'une perquisition, qui seraient illégalement détenues par des soldats de la garde présidentielle. L'un d'entre eux, le sergent-chef Souleymane Diomandé, qui a nié toute participation à l'opération, a même été interrogé en présence de la presse. Jusqu'ici, les soupçons des enquêteurs visent principalement des membres de la «Cosa Nostra», une unité chargée de la sécurité du général Gueï, récemment dissoute et dirigée par le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, considéré comme proche d'Alassane Ouattara. Une perquisition a en outre été menée chez le numéro deux de la junte, le général Palenfo, considéré comme proche du leader du RDR. Absent du pays pendant les événements, son aide de camp a été arrêté dans le cadre de l'enquête. Lundi matin, le porte-parole de la junte, Henri Sama, avait évoqué, à mots à peine couverts, le nom du leader du RDR comme possible «commanditaire» de l'attaque. Mais, par la suite, le chef de la junte avait estimé nécessaire d'attendre les résultats de l'enquête avant de viser qui ce soit.

Affichant une sérénité à toute épreuve, malgré la violence de l'attaque contre sa villa, le général a convoqué pour jeudi une «réunion de concertation» au palais présidentiel. Son objet n'a pas été précisé, mais tous les membres du Comité national de salut public (CNSP), les membres du gouvernements, les dirigeants de partis politiques et le corps diplomatique sont censés y participer.

La situation en Côte d'Ivoire est en outre suivie de près dans la région. Le chef de l'Etat togolais, Gnassimbé Eyadema, président en exercice de l'OUA, a invité le 25 septembre prochain à Lomé une dizaine de chefs d'Etats ainsi que le général Gueï et les leaders des quatre principaux partis ivoiriens, pour tenter de trouver une issue à la crise actuelle. Le secrétaire exécutif de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), organisation régionale à laquelle appartient la Côte d'Ivoire, exprime également son inquiétude. Pour calmer le jeu, Lansana Kouyaté souhaite que la Cour suprême ivoirienne valide toutes les candidatures à la prochaine présidentielle. La France, qui a souhaité un «retour rapide au calme», a quant à elle confirmé renforcement de son dispositif militaire sur place. Outre l'augmentation des effectifs du 43ème bataillon d'infanterie de marine basé à Abidjan, passé de 510 à 680 hommes, un navire de transport de troupes est présent au large de la Côte d'Ivoire. A Paris, on précise qu'il s'agit d'une mesure de routine due à la présence de plus de 20 000 ressortissants dans le pays.



par Christophe  Champin

Article publié le 20/09/2000