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Serbie

La décomposition du régime Milosevic

Avant même la tenue des élections, Slobodan Milosevic a commencé à être «lâché» par certains de ses soutiens au sein du monde politique mais aussi à l'intérieur des services de sécurité.
C'est quelques jours seulement avant les élections du 24 septembre 2000 que le régime autocratique de Slobodan Milosevic est définitivement entré dans sa phase de décomposition politique. Une décomposition qui est allée de pair avec la publication de sondages constamment défavorables à «Slobo l'inoxydable» et qui ouvert la voie à une recomposition progressive - et toujours en cours - du panorama politique serbe, au profit presque exclusif du nouveau leader incontesté: Vojislav Kostunica.

Jusque-là le régime de Milosevic s'appuyait sur une sorte de tripode: le parti socialiste serbe (SPS) dirigé par le dictateur de Belgrade, la Gauche unie de sa femme Mira Markovic (JUL) et de parti ultra-nationaliste de Vojislav Seselj (SRS). Une alliance qui a tenu près de quatre ans et qui dans le passé a été confortée par l'arrivée (par intermittence) d'un leader aussi fantasque qu'imprévisibleet démagogue : Vuk Draskovic, qui n'a jamais cessé de faire la navette entre l'opposition et le clan politico-mafieux de Milosevic. Avec les dégâts que l'on connaît, notamment au sein de l'opposition démocratique, près de dix années durant. Et au bénéfice presque unique des Milosevic: une «famille» adepte des discours les plus progressistes et nationalistes qui soient et des pratiques ultra-capitalistes qui feraient rougir même les «Chicago boys».

Cette alliance n'a visiblement pas tenu face à la perpective quasi inéluctable de la défaite. Et c'est Seselj - un personnage sans scrupules idéologiques, qui avait pu placer un certain nombre de ses hommes dans les rouages du système Milosevic - qui a le premier pris langue avec l'opposition, en la personne de Zoran Djindjic, l'éphémère maire de Belgrade qui dirige de facto la DOS (Opposition démocratique serbe, le mouvement de Kostunica). Seselj a proposé, début septembre, à Djindjic de faire cause commune, en établissant une sorte d'alliance de rue, au lendemain de la défaite prévisible de Milosevic, et en organisant des manifestations communes entre la DOS et le SRS; mais aussi de déclarer nuls les résultats du Kosovo, en raison de l'impossibilité de contrôler le déroulement du vote dans une «province» administrée par l'ONU. Mais Djindjic a visiblement compris la man£uvre. Celui qui a été souvent qualifié d'«américain» ne voulait surtout pas risquer de devenir l'homme de l'ONU et de l'OTAN aux yeux de nombreux Serbes, dont l'anti-américanisme demeure un trait qui ne sera pas effacé de sitôt.

L'armée en position attentiste
Depuis plusieurs mois Vojislav Seselj, en revanche, veut coûte que coûte «jouer l'Occident», à l'image de Biljana Plavsic, une ultra-nationaliste serbe de Bosnie qui avait accepté l'appui des pays occidentaux dans le but d'éliminer Radovan Karadjic. Pour cela il a gardé un bon contact avec le seul ambassadeur resté à Belgrade durant la guerre, l'italien Riccardo Sessa, et ce dès le début 1999. Cela lui a coûté assez cher, car Milosevic a été mis au courant de la man£uvre en cours et n'a pas manqué de faire éloigner la quasi-totalité des hommes proches de Seselj des centres névralgiques des forces de sécurité et de l'armée.

De son côté Vuk Draskovic, après avoir survécu à une tentative d'assassinat qui a été attribuée au services spéciaux de Milosevic (qui craignait de plus en plus sa popularité au lendemain de la guerre de l'OTAN), s'est peu à peu retrouvé seul. Il a raté sa tentative d'alliance avec la DOS et décidé de concourir seul. Mais son candidat n'a jamais décollé dans les sondages (V. Mihailovic n'a recueilli finalement que 3% des suffrages). C'est pour cela qu'il a malgré tout repris contact avec le clan Milosevic. Ce qui a déplu à certains membres du régime, de plus en plus dépassés par les man£uvres secrètes. L'ancien président fédéral Zoran Lilic - un membre influent du parti de Milosevic - a même démissionné de toutes ses fonctions et s'est réfugié à l'étranger quelques jours à peine avant les élections. D'autres ont prudemment refusé de figurer sur les listes socialistes aux élections législatives du 24 septembre.

Enfin, le chef d'état-major Nebojsa Pavkovic semble se rapprocher des positions très attentistes de son prédécesseur, Momcilo Perisic, de plus en plus opposé à toute intervention violente de l'armée contre les manifestants. Mercredi soir il a confirmé son attitude très légaliste, ainsi que son refus d'ouvrir le feu sur le peuple serbe, dans une interview à France télévision. Seules les forces de sécurité - bien équipées - pourraient alors prêter main forte au maître de Belgrade. Mercredi soir, seul des policiers en civils proches de sa femme Mira ont osé démonter l'estrade que l'opposition venait de placer devant le Parlement, en vue de la manifestation fleuve. Une manifestation qui s'est tenue quelque centaines de mètres de là, place de la République.

Au même moment l'ancien premier ministre yougoslave Milan Panic faisait état sur les ondes de la BBC de son souhait que le président russe Vladimir Poutine envoie un avion à Belgrade cueillir le président Slobodan Milosevic, réfugié dans l'un de ses bunkers depuis plusieurs jours, pour le conduire à Moscou, où son frère Branislav dirige l'ambassade yougoslave.



par Elio  Comarin

Article publié le 28/09/2000